DAUMAL René
DAUMAL René 1908-1944 Toute sa vie fut une quête de l'unité de l'esprit à travers l'apparente dispersion universelle, quête menée au travers des expériences les plus diverses, de l'occultisme à l'ascèse, de l'expérimentation méthodique de la drogue à l'approche au plus près de l'évanouissement de la conscience. Les méthodes des surréalistes séduisent un moment ce révolté, mais très vite il s'en détache. Très atteint par la maladie et les privations, il meurt à 36 ans. Ses expériences sont évoquées dans son recueil La Grande Beuverie (1937).
Poète, né à Boulzicourt, Ardennes. Dans sa courte vie de trente-six ans, dont il faut encore décompter de longs séjours en sanatorium, cet ancien disciple de Gurdjieff, tout à la fois enthousiaste et lucide, mais surtout conscient (comme il l’a écrit) de la puissance des mots et de la faiblesse de la pensée, trouva le temps de produire une oeuvre étonnamment riche ; en grande partie posthume, d’ailleurs. Œuvre poétique avant tout (Le Contreciel, 1935 ; La Grande Beuverie, 1938 ; Poésie noire, poésie blanche, 1954) mais aussi autobiographique (Le Mont Analogue, 1950; Chaque fois que l’aube paraît, 1953), sans parler de ses essais ou de sa bouleversante correspondance (Lettres à ses amis, éditées en 1958). Il trouva le temps, encore, d’être à sa façon, c’est-à-dire avec un mélange curieux d’autocritique et d’élan, « chef d’école » : le groupe du Grand Jeu et la revue du même nom (1928-1931) qu’il fonda avec ses deux amis de jeunesse, Roger Vailland et Roger Gilbert-Lecomte, auxquels se joindra A. Rolland de Renéville, va inquiéter André Breton quelque temps (voir le second Manifeste). Et Daumal lui écrit pour bien préciser la nature et délimiter le domaine du Grand Jeu : une communauté en quelque sorte initiatique. Mais en fait c’est lui-même, c’est lui seul, que semble par une telle formule s’efforcer de définir cet écrivain indéfinissable et, plus encore, indéfini : homme-colonie, poussant à tout moment de nouveaux pseudopodes, tantôt vers la spiritualité, tantôt vers le spiritisme (sans d’ailleurs, de l’un à l’autre, faire aucune distinction hiérarchique). Ou encore, vers les expériences oniriques sinon franchement «pharmacologiques». Voire en direction de la « science », de l’érudition historique, philosophique, philologique (ouvrage sur Spinoza, traduction du sanskrit, etc.). Nous avons, déclara-t-il encore à André Breton, le champ illimité (dans toutes les directions). -Toutes, oui. Et sans oublier (comme on le fait volontiers depuis sa mort dans un louable « besoin de grandeur ») l’univers de l’humour, qu’il a sondé avec la même rage opiniâtre et le même esprit d’audacieuse prospection : lecteur assidu de Jarry (cf. La Grande Beuverie), adopté par les zélateurs d’Ubu et de Faustroll, auteur lui-même, enfin, d’un Traité des patagrammes, il se serait sans doute étonné de voir passer pieusement sous silence par de récents exégètes cette autre aventure intellectuelle qui, disons-le, ajoute une dimension pataphysique au personnage de René Daumal, amateur d’étrange.