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DANTON Georges Jacques

DANTON Georges Jacques. L'un des plus grands hommes d'Etat de la Révolution française. Né à Arcis-sur-Aube (Aube) le 26 octobre 1759, mort à Paris le 5 août 1794. Après de bonnes études classiques à Troyes, il fut envoyé à Paris pour faire son droit. Reçu avocat en 1780, il s'inscrivit au barreau de Paris. En 1787, il épousa une jeune femme de riche famille, Gabrielle Charpentier, et acheta peu après une charge d avocat au Conseil du Roi. Sa notoriété était telle qu'il lui fut proposé à deux reprises (1787 et 1788) d'assumer les fonctions de secrétaire du Sceau, poste qu'il déclina. Dès les premiers jours de la Révolution, il se jeta dans l'action et acquit très vite une réputation de tribun populaire par les discours enflammés qu'il tint au Club des Cordeliers, dont il était l'un des membres fondateurs (1790). Élu administrateur du département de Paris (février 1791), il se prononça, lors de la fuite du roi, contre le principe de l'inviolabilité de la personne royale. Candidat malchanceux à l'Assemblée législative en septembre, il fut néanmoins élu substitut du procureur de la Commune (novembre 1791). L'activité qu'il déploya dans cette fonction ne fut pas sans préparer les voies de la fameuse journée du 10 août 1792, qui allait être fatale à la monarchie. D'ailleurs, au lendemain de cette journée, l'Assemblée législative devait le nommer, par deux cent vingt-deux voix sur deux cent quatre-vingt-quatre votants, ministre de la Justice, voulant une justice suffisamment énergique et régulière dans son fonctionnement pour endiguer le flot des vengeances populaires, il préconisa la création du Tribunal extraordinaire du 17 août ainsi que toute une série de mesures exceptionnelles telles que les visites domiciliaires. Mais, face aux défaites que subissaient les armées de la Révolution (Longwy, Verdun), face aux trahisons et défections de toutes sortes, rien ne put empêcher la colère et l'indignation du peuple de Paris de se traduire par les funestes « massacres de septembre ». Certains historiens ont présenté Danton comme l'un des responsables de ces massacres et, pour cela, se sont notamment prévalu de la provocante insolence avec laquelle il en revendiqua plus tard la responsabilité. Il nous paraît plus équitable de convenir, avec Aulard, qu'il ne fut alors dans le pouvoir de personne — pas même des ministres girondins qui siégeaient en majorité au gouvernement — d'empêcher l'affreuse tuerie. Élu député de Paris à la Convention nationale (8 septembre), il siégea avec la Montagne et vota la mort de Louis XVI. Constamment en butte aux attaques des Girondins qui lui reprochaient entre autres la façon dont il s'était acquitté de sa mission de commissaire auprès des armées se battant en Belgique, pendant longtemps il fit preuve à leur égard de tolérance et de modération et ne se lassa jamais d'appeler tous les républicains à l'union. Malheureusement, il ne devait pas être entendu. Choisi pour être l'un des neuf membres du premier Comité de Salut public formé le 5 avril 1793, il en fut le véritable chef : c'est à cette époque qu'il prononça les plus vigoureux et les plus éclatants de ses Discours , tous empreints de la volonté farouche de défendre la République contre ses ennemis. Agissant en politicien parfaitement conséquent avec lui-même, il vota et soutint l'ensemble des mesures qui constituent ce que l'on a appelé la « Terreur » : arrestation des suspects, institution du Tribunal révolutionnaire, transformation du Comité de salut public en gouvernement provisoire, recours à la levée en masse, appel au peuple. « Que m'importe ma réputation ! aimait-il à répondre a ses détracteurs. Que la France soit libre et que mon nom soit flétri ! » Cependant, un changement profond ne devait pas tarder à se faire en cet homme fougueux et emporté. Sa femme était morte le 10 février 1793, alors qu'il se trouvait en mission en Belgique. Ce coup du sort semble bien l'avoir touché dans sa combativité — encore que, quatre mois plus tard, il se soit remarié, ainsi que l'avait d'ailleurs expressément voulu sa femme avant de mourir. La lutte contre les Girondins s'étant terminée par leur mise hors la loi (31 mars 1793), on assiste soudain chez Danton à une sorte de lassitude, de renoncement, de découragement, qu'il ne devait pas tarder à payer de sa vie. C'est ainsi qu'après s'être laissé entraîner par Robespierre dans une lutte sans merci contre les Hébertistes (les Enragés), il devint en quelque sorte le centre d'une opposition à la Terreur (les Indulgents), qui alla jusqu'à inclure dans ses revendications l'ouverture massive des prisons. Alors commença entre lui et les amis de Robespierre une âpre polémique dont il ne pouvait sortir vainqueur. En effet, cet homme que l'on pourrait croire d'un seul bloc n'était pas sans rouerie ni habileté. A faire preuve d'une adaptation trop parfaite aux circonstances, n'avait-il pas été amené à de graves compromissions qu'il lui devenait impossible de justifier, et qui lui furent un très sérieux handicap dans la partie décisive qu'il joua contre Robespierre. Comme l'issue de la lutte ne pouvait plus faire de doute et que ses amis le suppliaient de s'enfuir, il eut ce mot fameux : « Est-ce qu'on emporte sa patrie à la semelle de ses souliers ? » Arrêté, en même temps que son ami Camille Desmoulins et Lacroix, il fut traduit aussitôt devant le Tribunal révolutionnaire (31 mars 1794), où il eut à soutenir un violent réquisitoire de Saint-Just qui l'accusa de vénalité et de complicité avec les factions. Dès lors, sa condamnation à mort ne fit plus de doute. Conduit en place de grève pour être guillotiné, il dit au bourreau avant de poser la tête sur le billot : « Tu montreras ma tête au peuple, elle en vaut la peine » (16 germinal Caractère passionné et enflammé, il fut l'orateur le plus populaire de la Convention. Homme d'action avant tout, il méprise les discours longs et inutiles. Son éloquence est en effet toujours orientée vers l'action; précise et simple, elle ne s'embarrasse d'aucune subtilité de pensée ou de forme : l'essentiel est qu'elle atteigne son but. Aussi s'adresse-t-elle essentiellement au peuple, le peuple révolutionnaire des comités, des sections et des clubs. Son ardeur et sa violence mêmes le poussaient à intervenir dans les moments de péril extrême, quand il n'y avait plus d'autre recours que celui de l'insurrection, de la levée en masse. Son discours Sur la Patrie en danger reste un des modèles du genre. Toutefois, ce serait tracer un portrait incomplet de lui si l'on ne rappelait qu'il fut l'un des plus ardents défenseurs de l'instruction gratuite et obligatoire, en faveur de laquelle il prononça quelques-uns de ces discours dont il possédait le secret. C'est à lui d'ailleurs que nous devons cette maxime que tout mouvement révolutionnaire, jusqu'à nos jours, devait en quelque sorte reprendre à son compte : « Après le pain, l'éducation est le premier besoin du peuple. »

« En 1792, l'ennemi était aux portes de Paris. Danton vint, et ses idées sauvèrent la patrie. » Legendre, à la tribune de la Convention. ? < Danton : figure de dogue, sanguin, emporté, mais corrompu, capable d'une atrocité et point atroce; accessible aux bons sentiments et aux mauvais; avocat sans principes, paresseux, dissipé, aimant le plaisir; propre à une conspiration plutôt qu'à une faction; ... amant de sa popularité sans en être soigneux; sans instruction, sans principes politiques ni moraux; sans logique, sans dialectique, mais non sans éloquence; jamais de discussion, jamais de raisonnements, mais tout ce qui pouvait s'enlever par un mouvement, il l'enlevait. Il n'avait ni persuasion ni autorité, mais une impétuosité qui faisait tout céder. » P.-L. Roederer. ? « Audacieux, ardent, avide d'émotions et de plaisirs, il s'était précipité dans la carrière des troubles, et il dut briller surtout les jours d'hésitation et de terreur. Prompt et positif, n'étant étonné ni par la difficulté ni par la nouveauté d'une situation extraordinaire, il savait juger les moyens nécessaires, et n'avait ni peur ni scrupule d'aucun... Danton avait un esprit inculte, mais grand, profond, et surtout simple et solide. Il ne savait s'en servir que pour ses besoins, et jamais pour briller; aussi parlait-il peu, et dédaignait-il d'écrire. Suivant un contemporain, il n'avait aucune prétention, pas même celle de deviner ce qu'il ignorait, prétention si commune aux hommes de sa trempe... Comme Mirabeau, il expira fier de lui-même, et croyant ses fautes et sa vie assez couvertes par ses grands services et ses derniers projets. » Adolphe Thiers. ? < Danton était un révolutionnaire gigantesque. Aucun moyen ne pouvait lui paraître condamnable, pourvu qu'il lui fût utile, et selon lui on pouvait tout ce qu 'on osait. Danton, qu'on a nommé le Mirabeau de la populace, avait de la ressemblance avec ce tribun des hautes classes... Ce qu'il y avait de hardi dans les conceptions de Mirabeau se retrouvait dans Danton, mais d'une autre manière, parce qu'il était, dans la révolution, d'une autre époque. » Mignet. ? < Le grand Danton, le seul homme d'Etat dont l'Occident doive s'honorer depuis Frédéric... » Auguste Comte. ? <... cette personnification terrible, trop cruellement fidèle, de notre Révolution... Combien les plus discordantes créations de la nature sont pacifiées et d'accord, en comparaison des discordes morales que l'on entrevoit ici !... Et pourtant, ce monstre est sublime. Cette face presque sans yeux semble un volcan sans cratère, volcan de fange ou de feu, qui, dans sa gorge fermée, roule les combats de la nature... C'est alors qu 'un ennemi, terrifié de ses paroles, rendant hommage, dans la mort, au génie qui l'a frappé, le peindra d'un mot éternel : le Pluton de l'éloquence. Cette figure est un cauchemar qu'on ne peut plus soulever, un mauvais songe qui pèse, et l'on y revient toujours. » Michelet. ? « Il incarne [la] Révolution dans ce qu'elle a de plus enthousiaste et en quelque sorte de plus charnel. Il y a quelque chose de dionysiaque et de farouche chez ce tribun : il est la vie, il est la puissance... Il manquait surtout à ce démiurge épique une discipline. Il a une foi profonde et fruste dans la justice, dans le peuple, dans la patrie, mais sa force désordonnée s'épanche chez lui en paroles ou en actes héroïques, comme la sève des grands chênes dans la folle poussée des branches vers le ciel... La Révolution, pour lui, n'était peut-être qu'une révolte et la plus grandiose aventure personnelle de sa vie. > Roger Garaudy.


Danton, Georges Jacques (Arcis-sur-Aube 1759-Paris 1794); un des principaux leaders de la Révolution française. Né le 26 octobre 1759, il appartient à une famille pauvre mais engagée dans la voie des professions libérales et des petits offices : son père est procureur. Après des études chez les oratoriens de Troyes, il vient en 1780 à Paris, où ses fonctions de clerc de procureur lui permettent de continuer sa formation juridique. En 1787 il épouse Gabrielle Charpentier, fille d’un riche cafetier parisien, et peut ainsi acheter le charge d’avocat au Conseil du roi. Son tempérament puissant, son appétit de vie et d’action trouvent dans les événements révolutionnaires un champ d’action illimité en même temps que l'occasion d’un enrichissement personnel. Dès juillet 1789, il harangue les foules, et, lors des journées d’Octobre, il appelle son district (celui des « Cordeliers ») à prendre les armes. Choisi comme président de ce district, il se signale à plusieurs reprises, en 1790, par ses conflits avec la municipalité parisienne dont il juge la politique peu démocratique. En 1791, il est élu administrateur du département de Paris, puis substitut du procureur de la Commune. Après la seconde Révolution - celle du 10 août 1792 -, D. est appelé, comme ministre de la Justice, à siéger dans le Conseil exécutif qui remplace l’ancien gouvernement royal. S’il ne peut empêcher les massacres de Septembre, il s’efforce d’orienter toutes les énergies révolutionnaires, en les réconciliant, contre l’étranger qui a envahi les frontières. Le 2 septembre 1792 il prononce son célèbre discours « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée ». Mais ses collègues et la majorité girondine qui se révèle après la réunion de la Convention (21 sept.) ne lui pardonnent ni sa popularité, ni le rôle capital qu’il a joué aux heures décisives. Ils l’attaquent là où il est vulnérable : la gestion des fonds qui lui ont été confiés. Rejeté par ces attaques vers la gauche - les Montagnards -, D. déclenche, dès le 1er avril 1793, la lutte contre les Girondins, affaiblis par les défaites et la trahison. Le 7 avril il est élu au Comité de salut public qu’il va dominer pendant trois mois. Mais, dans l’été 1793, il se sent usé. Les échecs se succèdent, les attaques de la gauche (particulièrement de Marat) se multiplient. Lui-même, remarié à une jeune fille de seize ans - Louise Gély - pense qu’une cure dans l’opposition ne serait pas impolitique. Le 10 juillet, à sa demande, il est écarté du Comité de salut public. Mais le nouveau comité - où entre Robespierre le 27 juillet - doit, pendant l’automne, repousser l’invasion et lutter contre les foyers de guerre civile. Son équilibre est instable, il est tiraillé entre deux ailes de sa majorité, l’une belliciste, terroriste et déchristianisatrice, l’autre défensive et méfiante à l’égard du militantisme parisien. Après un séjour en Champagne, D. rentre à Paris le 20 novembre 1793 et fait pression de toutes ses forces en faveur de l’aile modérée. Pendant un mois, il est soutenu par Robespierre, avec lequel s’établit une convergence d’objectifs. Mais, dès le 25 décembre, Robespierre, pour ne pas rompre avec l’autre aile de sa majorité, prend ses distances. D. est affaibli par ses amitiés avec des députés corrompus (Fabre d’Eglantine) ou des journalistes imprudents (Camille Desmoulins). Il croit que le procès de ses adversaires de gauche - les hébertistes -peut être le début de sa victoire politique. Mais Robespierre, qui a hésité à sacrifier D., doit maintenir l’équilibre dans son gouvernement et dans sa majorité. Arrêté le 31 mars 1794, D. est jugé à partir du 2 avril. Se refusant à capituler, il parvient, de sa voix puissante, à provoquer des attroupements. Exclu du tribunal, il est condamné à mort et exécuté le 6 avril 1794.