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Dans quelle mesure peut-on parler d’un langage de l’Art ?

DIRECTIONS DE RECHERCHE

• L’art est-il un langage si l’on entend par là qu’il s’effectue dans et par des « langues » c’est-à-dire des systèmes de signes conventionnels, arbitraires, discrets (au sens linguistique de ce terme)? Voir Éléments de linguistique générale de Martinet (Colin) notamment son analyse de la double articulation : la première au niveau des « monèmes » (c’est-à-dire des unités minimales de signification), la seconde au niveau des « phonèmes » (c’est-à-dire des unités minimales de sons distinctifs dans une langue donnée). Voir le Cours de linguistique générale de F. de Saussure (Payot), Ire partie, chapitre 1, § 2 notamment. « Le lien unissant le signifiant au signifié est arbitraire, ou encore, puisque nous entendons par signe le total résultant de l’association d’un signifiant à un signifié, nous pouvons dire plus simplement : le signe linguistique est arbitraire ». Schématiquement, le signifié désigne le concept (ou le sens), le signifiant désigne l’image acoustique (ou le mot) : leur combinaison constituant le signe linguistique... Voir Esthétique de Hegel. (Dans l’art) « de même que dans le langage, l’homme communique ses pensées et les fait comprendre à ses semblables. Seulement, dans le langage, le moyen de communication est un simple signe, à ce titre, quelque chose de purement extérieur à l’idée et d’arbitraire. L’art au contraire, ne doit pas simplement se servir de signes, mais donner aux idées une existence sensible qui leur corresponde. » • L’art est-il « un langage » si l’on entend simplement par là qu’il est communication par signes ? Voir la revue Diogène consacrée aux Problèmes de langage où Jakobson a exposé les distinctions intéressantes effectuées par Peirce en ce qui concerne les signes. Il en distingue 3 « types » : L’indice qui « opère, avant tout, par la contiguïté de fait, vécue entre son signifiant et son signifié ». Ainsi on peut dire que tel symptôme est indice de telle maladie. L’icône qui « opère, avant tout, par la similitude de fait entre son signifiant et son signifié, par exemple entre la représentation d’un animal et l’animal représenté. » (Les arts plastiques figuratifs en donnerait de bons exemples.) Le symbole qui « opère, avant tout, par contiguïté instituée, apprise, entre signifiant et signifié. » Peirce souligne que ces divers « aspects » (ou « types ») du signe ne sont pas strictement séparés et peuvent interférer entre eux. Ces considérations nous amènent aux interrogations suivantes : • Ne pourrions-nous dire que l’art est un langage dans la mesure où il fait usage de « signes » où les différents aspects sont souvent mêlés? Par exemple, comme le note Peirce lui-même : « Dans certaines traditions médiévales, les personnages vicieux sont expressément et uniformément représentés de profil, et seulement de face dans l'art de l'ancienne Égypte. » — « La différence de taille des silhouettes revêt des significations opposées selon les codes picturaux. » • Se pose également le problème de la poésie. La poésie est-elle langage, en quel sens? • N’aurions-nous pas une répugnance à admettre qu’en un certain sens l’art est langage parce que (cf. R. Huyghe dans son livre L’Art et l’âme) on s’imagine « qu’un art langage devrait fatalement s’astreindre à traduire en images, par une sorte de mot à mot visuel, des idées distinctes comme celles qui s’expriment par la parole et la plume »? • Cependant tout ceci prouve simplement, qu’en un certain sens, l’art peut être un langage (dans la mesure où il peut être communication par signes). Mais l’est-il nécessairement? Autrement dit la communication, la volonté de communiquer, est-elle consubstantielle à l’art, à l’activité artistique? N’opère-t-on pas une réduction abusive lorsqu’on dit — même au sens ainsi défini — que l’art est un langage? Après tout, un « artiste » ne pourrait-il — par exemple — avoir le dessein de « s’exprimer » et (ou) d’exprimer « quelque chose » sans envisager de l’exprimer à quelqu’un? Pourrait-on dire, alors, que l’art est nécessairement langage? • La même interrogation ne doit-elle pas être opérée si l’on admet avec Kant que « La beauté est la forme de la finalité d’un objet en tant qu’elle y est perçue sans représentation de fin »? (La Critique du jugement, page 67).

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