Critique de la conception sartrienne d’autrui
Critique de la conception sartrienne d’autrui
A) ASPECTS POSITIFS
- Aspect positif (1) = La vision sartrienne n’est pas entièrement négative. Sartre, à la suite de Hegel, reconnaît que j’ai besoin de la médiation d’autrui pour obtenir quelque vérité sur moi. Chacun de nous, le plus souvent à son insu, influence, et modifie la conduite d’autrui, et réciproquement. Des sentiments comme la honte ou la pudeur ne me découvrent-ils pas des aspects essentiels de mon être que j’ignorerais sans autrui ? Autrui me fait passer d’une « conscience non-positionnelle de soi » à « une conscience réflexive ». Autrement dit, il me fait accéder à une véritable conscience de moi-même. D’où la formule : « je suis un être pour-soi, qui n’est pour-soi que par un autre. »
- Aspect positif (2) = Ce n’est que dans l’action commune, la révolte, qu’autrui peut devenir mon camarade de lutte, mon frère de combat // Camus: « Je me révolte donc nous sommes. » (« L’homme révolté »).
B) ASPECTS NEGATIFS
- L’expérience de la honte n’est pas l’essentiel de mon rapport à autre : Sartre érige une expérience particulière en modalité même du rapport à autrui. S’il y a une « part du diable » dans les relations à autrui, il doit bien y avoir aussi une « part des anges » : il y a des expériences où je suis reconnu voire valorisé par le regard admiratif de l'autre. Dans ce regard, je suis posé comme « sujet » et non comme « objet ».
- Sartre néglige le dialogue: Le conflit n'est donc pas la seule dimension existentielle, et la rencontre s'avère possible. Parlons tout d'abord du dialogue, marque même de l'humanité. Dialoguer, c'est faire une discussion par demandes et réponses, c'est reconnaître la pensée d'autrui. Sans dialogue, nulle humanité possible, nulle recherche collective du vrai, du bien, du beau. Le dialogue est le commencement de l'humanité. « La véritable pensée est dialogue : c'est, comme dit Platon, le dialogue de l'âme elle-même avec elle-même. Et l'âme ne peut dialoguer avec elle-même que si elle a pu accueillir l'autre, _que si l'autre est déjà en elle. » ( Lacroix, « Le sens du dialogue », Éditions de la Baconnière, Neuchâtel, 1962). (cf. ci-dessous).
La sympathie, l'amour et la pitié: Mais la rencontre, c'est aussi la sympathie et l'amour. La sympathie se distingue de la contagion affective, participation involontaire aux émotions d'autrui et qui est seulement du domaine de la suggestion. La vraie sympathie, au contraire, vise la personne. Au sommet de la rencontre, enfin, est l'amour, élan pur, oblatif et gratuit vers l'Autre. Sartre ignore le sentiment de "pitié" de Rousseau (=> cf. cours HLP: Les expressions de la sensibilité => https://www.databac.fr/la-pitie-chez-rousseau-1 )
- Sartre ne confond-il pas « amour captatif » et « amour oblatif », « Eros » et « Agapé » ?
L’ « amour oblatif » donne la priorité à la satisfaction de l’autre
« Agapé »: Amour du prochain sans attente de réciprocité, amour désintéressé de l’autre pour lui-même. Cet amour est moral: dévouement à l’autre; aimer tout homme simplement parce qu’il est homme, à faire ce que nous voudrions qu’il nous fit, sans chercher plus loin. C'est l'amour pour l'amour Pour le christianisme, l' « agapê » ou « caritas » (charité des chrétiens) est signe de positivité et de perfection de l'être. Dieu lui-même est amour.
L’ « amour captatif » donne la priorité à la satisfaction égoïste, à la satisfaction pulsionnelle.
« Eros » : Amour charnel, Amour physique qui vise la possession de l’autre. Désir appelant contact. Généralement représenté par un enfant (ailé ou non) tenant un arc. Une fois qu’il nous a touché d’une de ses flèches, nous sommes irrésistiblement attirés vers l’autre, comme un aimant par un autre aimant.
- Sartre et l’amour : Simone de Beauvoir est sa compagne, son « amour nécessaire» par opposition aux « amours contingentes », cad toutes les autres ! « Pas de mariage, surtout pas de mariage. Pas d’enfants, c’est trop absorbant. Vivre chacun de son côté, avoir des aventures; leur seule promesse était de tout se raconter, de ne jamais se mentir. En résumé, une liberté totale dans une transparence parfaite. Programme ambitieux! »
- Interprétation quasi-paranoïaque de mon rapport à l’autre. Diabolisation d’autrui. L’altérité est conflictualité. Si l’enfer, c’est les autres, un monde sans autrui ne serait pas pour autant un paradis.
- Sartre décrit une sorte de relation sado-masochiste avec autrui: Sans autrui, je ne suis rien; avec autrui, je ne suis plus ;-).
- Contrairement à Sartre, je ne suis pas réduit par l’autre à l’état d’objet, mais élevé au rang de sujet voire de « personne » pour paraphraser Kant. Autrui ne nie pas ma liberté, il la fait exister. Ma liberté ne commence pas là où s’arrête celle d’autrui mais commence avec la sienne.
- Sartre aurait transposé dans sa philosophie les relations toxiques de son couple [Maélys] Cas typique de "projection" au sens psychanalytique. Voir https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/jean-paul_sartre_simone_de_beauvoir_bianca_leur_jouet_sexuel_346146 <= Article: "Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir: Bianca, leur jouet sexuel".
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