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Contes cruels de VILLIERS de L’ISLE-ADAM

Contes cruels de VILLIERS de L’ISLE-ADAM, 1883, Le Livre de poche.

• Le titre de ce recueil de contes est justifié par une inspiration noire et pessimiste qui rappelle souvent la manière d'Edgar Poe (Histoires extraordinaires, 1840).

• Villiers cherche à étonner par des faits déconcertants, sinistres ou macabres. Ainsi, dans Le Convive des dernières fêtes, il révèle le secret d’un convive mystérieux dont le plaisir est de remplacer le bourreau dans les exécutions publiques. L’Intersigne est bâti sur les prémonitions qui entourent la mort d’un ami, l'abbé lylaucombre. Citons encore, de la même veine, Vera Duke of Portland, À s’y méprendre, La Reine Isabeau, Sombre récit. Villiers se plaît aussi à inquiéter en démasquant la comédie des sentiments (L’Inconnue, Maryelle) et le vide de l’existence (Le Désir d’être homme). Sa raillerie bouffonne s’inspire de la dégradation des vertus et des sentiments dans le monde moderne (Les Demoiselles de Malfilatre, Paul et Virginie). Mais le réalisme n’est pas son vrai domaine; il tend plutôt au symbolisme, comme dans Le Plus beau dîner du monde où Maître Lecastelier, pour l’emporter sur Maître Percenoix, met un louis dans la serviette de ses hôtes. Pour dénoncer le matérialisme de la vie contemporaine, il forge des fictions scientifiques comme L’Appareil pour l’analyse chimique du dernier soupir et surtout L’Affichage céleste, anticipation satirique sur la publicité grâce à laquelle le Ciel finira bien par être bon à quelque chose.

• De nombreux traits de ce genre rappellent l’idéalisme de ce rêveur en révolte contre son temps. Mais plutôt qu’une réflexion élaborée, c’est le plaisir d’un conte qu’il faut lui demander.

VILLIERS DE L’ISLE-ADAM Jean-Marie Mathias Philippe Auguste de. Écrivain français, né à Saint-Brieuc le 7 novembre 1838, mort à Paris le 19 août 1889. Il appartenait à l’une des familles les plus anciennes et les plus illustres de l’armorial français et pouvait se flatter de compter parmi ses ancêtres un maréchal de France et le fondateur de l’Ordre de Malte. Sa famille, ruinée par la Révolution, ne disposait qu’à peine de l’aisance mais il grandit dans la croyance absolue qu’une fortune et une gloire sans pareilles l’attendaient. Il fit des études très décousues au collège de Saint-Brieuc, à l’institution Saint-Vincent-de-Paul de Rennes et au lycée de Laval. Maladif, solitaire, sensible, anxieux, il vivait presque continuellement dans son monde intérieur. Il fut marqué par un premier amour pour une jeune fille qui mourut quelques mois après leur rencontre, et il essaya de se consoler par un intense travail de création poétique. Un autre amour sans doute purement sensuel, pour une femme demeurée mystérieuse et qui le trahit, acheva de le marquer et de le vouer à une quête tantôt désabusée et tantôt désespérée de l’amour sublime. Au début de 1857, sa famille persuadée de son génie réalisa tous ses biens pour l’accompagner à Paris et lui permettre de tenter la gloire. Il débarqua aussitôt à la Brasserie des Martyrs, s’y lia avec Baudelaire, y rencontra Murger, Vallès, Banville, Courbet, Monet et Mendès, qui le fit collaborer à la Revue Fantaisiste, A tous, il donnait « l’impression du jeune homme le plus magnifiquement doué de sa génération » tandis qu’il expliquait à ses amis qu’il allait donner « une série d’œuvres où le rêve se baserait sur la logique, une littérature philosophique qui rénoverait les idées ». En juillet 1858, sa tante inquiète de voir fondre le patrimoine familial imposa une retraite générale en Bretagne mais Villiers avait eu le temps de donner ses deux Essais de poésie. En février 1859, il alla à Lyon surveiller l’impression de ses Premières Poésies qui ne recueillirent aucun succès et qu’il rebaptisa plus tard Les Sillons stériles. Il était hanté par le désir de retrouver Paris où il se fixa vers la fin de 1860. Baudelaire lui révéla Poe avec lequel il se sentait de profondes affinités mais son grand maître, celui auquel il doit toute l’armature de son œuvre, est Hegel; avec lui il paria toute sa vie sur l'Esprit « substance infinie de toute réalité finie ». En 1862 parut son premier roman, Isis , testament chaotique de son adolescence avide de penser, dans lequel Banville reconnut « la griffe du génie ». Fascinant pour tous ceux qui le rencontraient, Villiers ne cessa plus pendant vingt-cinq ans de poursuivre un rêve qui n’arriva pas à s’incarner dans la réalité, de poursuivre une gloire et une fortune également rebelles. Il compta parmi ses meilleurs amis Mallarmé et Charles Cros, il partagea, faute de mieux, leur gloire secrète. Ses premiers drames : Ellen (1865), Morgane (1866), ne furent pas même joués de son vivant; rédacteur à la Revue des Lettres et des Arts d’octobre 1867 à mars 1868, il y publia ses premiers contes et découvrit ainsi l’une des voies où son génie devait le mieux s’exprimer. La Révolte, jouée au Vaudeville le 6 mai 1870, n’eut que cinq représentations, Le Nouveau Monde , écrit en 1875, ne trouva un théâtre qu’en 1883 et également pour cinq représentations. L’échec s’attachait à Villiers, l’obligeait à s’en tenir à son monde intérieur et à creuser en lui toujours plus loin. Sa grande œuvre le hantait sans trêve, le double dans lequel il se réaliserait : Axel, drame aux proportions gœthéennes, sans doute unique dans la littérature française. La première partie d'Axel parut en 1872, la dernière version dans La Jeune France de novembre 1885 à juin 1886. Les dernières années de Villiers furent les plus fécondes. Il donna ses Contes cruels en 1833, L'Eve future, son chef-d’œuvre, et L'Amour suprême en 1886; Tribulat Bonhomet en 1887; Les Histoires insolites et Les Nouveaux Contes cruels en 1888. Son œuvre, pour quelques-uns, prenait place au premier rang mais la gloire et la fortune n’étaient pas venues. Toujours dans la gêne, Villiers passa les dernières années de sa vie avec une « pauvre servante » qui lui donna un fils en 1881. A lire Axel ou L'Eve future, on ne peut douter du génie de Villiers et pourtant on n’arrive pas à se débarrasser d’une sensation d’échec. Le génie est là mais il ne trouve jamais pleinement sa forme, il ne s’incarne pas avec une continuité suffisante pour marquer toute l’œuvre et l’on dirait que l’absolu auquel il a tendu toute sa vie lui a été partout refusé et le demeure.

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