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CONRAD Joseph (Téodor, Jozef Konrad Korzeniowski)

CONRAD Joseph (Téodor, Jozef Konrad Korzeniowski). Romancier anglais. Né à Terechowa (Pologne) le 3 décembre 1857, fils unique d'Apollon Nalecz Korzeniowski et d'Eveline Bobrowska, mort à Bishops-bourne (Kent) le 3 août 1924. Son pèpe, homme de lettres, auteur dramatique, traducteur d'oeuvres françaises et anglaises, fut déporté en raison de son activité patriotique au cours de la lutte pour la libération de la Pologne du joug russe. La mère de Joseph Conrad mourut à l'âge de trente-quatre ans, épuisée par les souffrances subies au cours de sa déportation. Confié à son oncle Thaddée, l'enfant fréquenta le lycée, où il manifesta une prédilection pour la géographie, et, quelques années après la mort de son père, survenue en 1869, il exprima le désir de devenir marin. Il débuta dans cette carrière à dix-sept ans, en 1874. Il se rendit à Marseille, où il fut successivement engagé sur divers navires de commerce, et ou il fréquenta non seulement les gens de mer, mais aussi les milieux légitimistes et aristocratiques de la ville. Un de ses voyages le conduisit aux Antilles, et plus d'une fois il se chargea de transports illégaux pour le compte des légitimistes français. Après quatre ans de cette existence, déçu de ce milieu et de la vie marseillaise, peut-être aussi sous l'influence d'une brève mais douloureuse expérience amoureuse, il quitta la France pour l'Angleterre sans connaître un mot d'anglais. Il commença par faire du petit cabotage entre Lowestoft et Newcastle, lisant Shakespeare à ses moments perdus. Embarquements, traversées, retours, se succédèrent sans trêve. Le Duke of Sutherland le conduisit à Sidney, l'Europa lui fit connaître les ports italiens. Avec le Loch Etive le voici de nouveau à Sidney. Il faillit périr noyé lorsque la vieille carcasse du Palestine, ayant pris feu, coula. Le Narcissus enfin le mena à Bombay. En 1886 il se fit naturaliser sujet britannique. Entre-temps, il avait pris un brevet de capitaine de la marine marchande anglaise. La même année il participa à un concours organisé par une revue, et s'amusa à écrire un récit intitulé Le Matelot noir [The Black Mate]. Puis la vie de la mer le reprit; il fit la navette entre Singapour et Bornéo, connut encore des traversées périlleuses, les ravages du choléra, les fièvres. Dans l'Ile Maurice, où il effectua une halte forcée, il s'éprit d'une jeune fille, Eugénie Renouf. L'ayant demandée en mariage, il apprit qu'elle était déjà fiancée. Il retourna alors à Londres où il demeura pendant des jours plongé dans une torpeur douloureuse. En 1889 il commença d'ecrire son premier livre, La Folie-Almayer. Mais repris par la passion de l'aventure, il réussit à obtenir le commandement d'un vapeur du Haut-Congo. L'expérience fut très dure, et une douloureuse attaque de rhumatismes contraignit Conrad à rentrer en Europe. Dans rétablissement d'hydrothérapie ou il avait dû entrer pour se soigner, il continua son roman que de nouvelles traversées ne lui permirent cependant pas d'achever avant 1894. Le succès du livre (1895) qu'il avait eu tant de peine à écrire (l'anglais avait été pour lui une langue totalement étrangère et ce fut au prix d'un effort admirable qu'il réussit à conquérir son style) décida de sa carrière. En 1896, Conrad épousa Gessie George et s'établit en Angleterre, où, sous le patronage de Ford Madox Hueffer, il se consacra exclusivement à la littérature, et donna en quatorze ans, en dépit de la maladie et des difficultés financières, une série de chefs-d'oeuvre, par lesquels il introduisait dans le roman d'aventures et d'exotisme une profondeur d'analyse, une puissance symbolique qui le placent au rang des plus grands romanciers de tous les temps. A La Folie-Almayer succédèrent en effet Un paria des îles; l'année d'après, Le Nègre du narcisse; Lord Jim; Jeunesse; Le Coeur des ténèbres; Typhon; et Nostromo; L'Agent secret, adapté pour la scène par l'auteur lui-même; Sous les yeux d'Occident (*); Une victoire; La Ligne d'ombre; La Flèche d'or; et un grand nombre d'autres romans, récits, notes autobiographiques et littéraires, réunis dans les vingt-trois volumes de The Uniform Edition of the Works of Joseph Conrad (éd. Dent 1923). Au cours de la Première Guerre mondiale, Conrad reprit la mer pour un court laps de temps, lorsque l'Amirauté britannique lui confia un service côtier. En 1923 il se rendit à New York où il rencontra Paderewski. Il mourut un an après son retour en Angleterre. MARIO COLOMBI GUIDOTTI. ? « Aucune outrance dans ses peintures : elles restent cruellement exactes. » André Gide. ? « Il vint à l'étude et à la pratique de la langue anglaise dans sa maturité, avec un sens instinctif de la beauté verbale, un esprit cultivé, un respect pour la technique des lettres et un idéal artistique très développé. Dans tous ses livres se manifeste une abstention scrupuleuse de tout cliché et une philosophie qui lui interdit d'une part tout sentimentalisme romantique et, d'autre part, tout réalisme sordide. » Neil Munro.