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COMPENSATION / SURCOMPENSATION

compensation, action de contrebalancer une déficience. Ce processus psychologique, souvent inconscient, consiste à compenser un manque ou une infirmité, réels ou supposés, par un comportement secondaire parfois bien adapté à la réalité. Selon la théorie d'A. Adler, Napoléon Bonaparte aurait cherché la gloire pour faire oublier sa petite taille. Plus près de nous, Wilma Rudolph, surnommée « la Gazelle noire », est devenue championne olympique (1960), dans l’épreuve de course à pied sur 100 m et 200 m, après avoir vaincu la poliomyélite qui l’avait terrassée. Mais la compensation peut s'exercer aussi sur un plan imaginaire : elle est alors le fait de névrosés ou de délirants, qui vivent en pensée des exploits fabuleux ou se prennent pour des personnages extraordinaires, afin de masquer leur échec dans la vie sociale.

COMPENSATION. Le point de départ de cette notion chez Adler est un problème biologique et médical. On savait depuis toujours que les organes faibles cherchent à compenser leurs déficiences. Ainsi, en cas d’insuffisance valvulaire, l’hypertrophie du cœur est constante. Après ablation chirurgicale d’un rein, son homologue assume le travail des deux organes.

En cas de tuberculose pulmonaire, le collapsus du poumon malade provoqué par le pneumothorax — tel qu’il se pratiquait avant l’utilisation des antibiotiques — obligeait le poumon sain à prendre en charge toute l’oxygénation de l’organisme. Cette fonction vicariante n’est qu’un des exemples de la loi de réparation que nous trouvons dans la nature. Là où il existe une déficience, un processus de compensation tend à rétablir l’équilibre. La loi du processus de compensation est valable pour le monde organique tout entier. Tout ce qui se trouve en état d’infériorité tend vers la supériorité et s’efforce de réagir avec une vigueur particulière aux sollicitations et aux stimuli qui l’assaillent. Si, dans certains cas, cette compensation se fait au niveau de l’organe ou grâce à l’interaction d’autres organes — jeu des glandes endocrines, etc. —, Adler souligne le fait que la fonction déficiente d’un organe peut être rééquilibrée grâce à sa superstructure psychique. L’insuffisance de l’organe fait alors converger tout le psychisme dans le sens de la déficience, lui impose un axe d’intérêt, une dominante. On peut affirmer que les organes, dans leur état d’infériorité, aspirent non seulement à un équilibre, atteint grâce à la compensation, mais mieux encore à une augmentation notable de leur rendement, à la surcompensation. Ce processus peut échouer ou réussir et, dans les cas privilégiés, mener à des résultats brillants. La plus-value compensatrice peut être parfaite et les relations psychiques et physiques accrues, ainsi que leurs associations, façonnent tout le psychisme et lui donnent son aspect particulier. (Voir Surcompensation.) La médecine et la psychopathologie s’étaient surtout intéressées aux processus de dégénérescence et de transmission héréditaire des maladies. Adler attira l’attention sur un autre mécanisme non moins présent dans la vie biologique et psychique, celui de la compensation réparatrice. Une fois admise l’existence de l’infériorité organique et de son corollaire psychique, le sentiment d’infériorité (voir Sentiment d'infériorité), Adler approfondit et élargit la signification de leurs tendances compensatrices. Car il se rendit compte que ce sentiment ne se trouve pas seulement en liaison avec un état d’infériorité organique, mais qu’on le rencontre également en cas d’infériorité sociale, réelle ou alléguée. L’analyse du contexte familial et social démontre une autre modalité du processus de compensation. Dans la fratrie, le besoin de compensation se manifeste de différentes façons. Il incite souvent le benjamin à s’attaquer à des problèmes très difficiles. Réalisant que ses frères et sœurs plus âgés le dépassent de loin, son ambition vise haut et, là où des obstacles ou des facteurs de découragement insurmontables n’interviennent pas, il fonce et arrive à de belles réussites sociales.

Le folklore a bien remarqué cette tendance compensatrice chez le dernier-né. Le Petit Poucet et ses bottes de sept lieues en sont une illustration évidente. Des conditions sociales particulières peuvent également déclencher le mécanisme de compensation. L’appartenance à des minorités raciales, religieuses, ethniques, des conditions économiques, en particulier une très grande indigence, génératrice d’un sentiment d’infériorité chez le sujet, peuvent produire dans son psychisme un besoin de compensation.

Une des lois principales de la dynamique psychique. Traduction littérale de l’allemand, ce terme est utilisé en psychologie analytique avec une signification différente de celle qu’il a couramment. Il ne s’agit pas de rétablir l’équilibre, mais de fournir les conditions d’un changement. Il ne s’agit pas davantage d’amener sur un autre plan, celui par exemple d’une satisfaction imaginaire, ce qui n’a pas été réalisé. La compensation n’est pas corrélative de la frustration mais du vécu. Elle est le processus par lequel est mis en activité le facteur nécessaire pour corriger une situation consciente définie. La correction se fait en fonction du dynamisme de la totalité. Le facteur constellé est généralement psychique, mais il peut être également physiologique ou physique (somatisation, synchronicité). La correction peut porter sur le vécu, par exemple en activant les opposés d’une position unilatérale ou en proposant un troisième terme dans un conflit. Elle peut porter sur l’état de conscience en réagissant à une appréciation erronée ou à un défaut d’assimilation. Dans la plupart des cas, les rêves mettent en scène des facteurs compensatoires de la vie diurne. Ils jouent par là un rôle capital dans l’autorégulation du psychisme. Pour les interpréter, aussi bien que tout autre phénomène, il faut discerner où et par rapport à quoi joue la compensation. (Voir aussi : Totalité, Autorégulation, Troisième terme).

SURCOMPENSATION. Adler emprunte la notion de compensation à la biologie. La matière vivante s’efforce de combler des insuffisances et de rétablir l’équilibre au sein d’un organisme. Le rendement d’un organe en état d’infériorité est compensé par son homologue (un rein peut prendre à sa charge le rendement des deux reins — c’est la fonction vicariante), le jeu des glandes endocrines rétablit un dérèglement fonctionnel, le système nerveux central et la fonction psychique suppléent à certaines insuffisances. Ils se créent ainsi des axes psychiques qui assurent à l’organe en état d’infériorité une place privilégiée. La superstructure psychique se présente grandement influencée par l’organe en état d’infériorité. L’introspection, l’inspiration, l’intuition, le saisissement correct, voire génial des faits et de leur corrélation, sont teintés du mécanisme compensateur de l’infériorité organique. Le sujet porteur d’un appareil visuel en état d’infériorité — pour ne citer que cet exemple — l’incite à fixer toute son attention sur l’impression visuelle. Il en résulte une plus grande attention pour les couleurs, les graduations, les formes, les nuances. Dans le cas heureux la compensation mène si loin dans ses manifestations culturelles qu’on peut parler de surcompensation. L’étude sur la compensation psychique de l’état d’infériorité des organes, publiée par Adler en 1907, traite de ces problèmes. Des enquêtes faites dans des écoles de peinture montrent que 70 % des élèves souffrent d’insuffisances de la vue. De nombreux peintres présentent de telles insuffisances (Le Greco, Carrière, Degas, etc.). Le domaine de l’audition nous offre d’autre confirmation de l’idée de compensation, voire de surcompensation (Beethoven, Mozart, Bruckner, etc.). Dans le domaine du langage et de l’élocution le cas du meilleur orateur de l’Antiquité, Démosthène, bègue ayant su compenser et surcompenser son infériorité, reste un exemple classique. COMPENSATION (n. f.) 1. — Ce qui vient équilibrer quelque autre chose, avec l’idée que l’essentiel est ce retour à l’équilibre. 2. — Principe de compensation : cf. loi des grands nombres. 3. — Compensation des erreurs : se dit, dans le calcul, de l’annulation réciproque des effets des erreurs ; a servi à expliquer l’étrangeté première du calcul infinitésimal par rapport à l’arithmétique ordinaire (Carnot).

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