COHÉRENCE
COHÉRENCE, n.f. (lat. cohaerentia « union étroite », « liaison »). Caractère de ce qui est rattaché à un ensemble par des liens de nature logique, et par conséquent, intelligible. Ex. : Si A est plus petit que C et si B est plus grand que C, A est plus petit que B. La cohérence, c’est-à-dire le lien logique qui rattache une conséquence à son principe, dans la déduction mathématique par exemple, est, pour Descartes, avec l’évidence, un critère de certitude intellectuelle.
COHÉRENCE (n. f.) Qualité de ce qui est bien lié ; par extension, la cohérence est absence de contradiction, mais les logiciens utilisent à ce propos le terme de consistance.
Cohérence. Unité d’un énoncé qui tient à de multiples facteurs. En premier lieu, la cohérence découle de facteurs pragmatiques. Un texte doit par exemple présenter un sujet unique ou en tout cas central :
Parmi les papiers de mon oncle respecté, je découvre ce qui ressemble à une page arrachée à quelque ouvrage philosophique de l’époque. Le passage suivant y est souligné : «Cette rose, est-elle à vous? C’est la mienne. C’est la vôtre. Ces maisons sont-elles à vous? Elles sont à moi. Donne-moi le / la main. Elle lui donna une gifle. » En face, dans la marge, cette note écrite de la main de mon oncle : On qualifie parfois ce style de décousu. J’ai mon idée là-dessus.
(Lewis Carroll, Encor et toujours bellement poétique)
Le passage constant du coq à l’âne conduit à l’incohérence. Un texte doit également offrir une unité de genre (on ne passe pas du texte de théâtre à l’essai ou au discours politique) et une unité de ton. Le mélange des genres ou des tons, s’il n’est pas nécessairement incohérent, est à apprécier en opposition à cette convention très générale qui veut qu’un texte soit homogène. En second lieu, la cohérence est liée à des facteurs logico-sémantiques : le contenu du texte doit être conforme aux règles de la logique, et par exemple ne pas présenter de contradiction, ou présenter un ordre qui ne contrevienne pas à celui des événements. Ainsi, en l’absence de marques temporelles indiquant l’antériorité, l’ordre des phrases est censé reproduire l’ordre des événements si bien qu’un texte comme :
Il mourut le matin. Il se coucha avec une douleur au côté.
est incohérent.
Enfin, la cohérence est liée à des facteurs linguistiques que l’on peut regrouper sous le terme de cohésion et qui consistent dans les procédés de liaison de phrase à phrase. Ces procédés sont lexicaux (utilisation de termes répétés, de synonymes ou d’antonymes, de termes généraux et spécifiques - hypéronymes et hyponymes) :
Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer.
(Voltaire, Candide)
et syntaxiques (utilisation d’anaphoriques, d’adverbes et de conjonctions de coordination) :
Mais laissons à la rhétorique cette longue et scrupuleuse énumération; et contentons-nous de remarquer en théologiens que Dieu ayant formé l’homme, dit l’oracle de l’Ecriture, pour être le chef de l’univers, -d’une si noble institution, quoique changée par son crime, il lui a laissé un certain instinct de chercher ce qui lui manque dans toute l’étendue de la nature. C’est pourquoi, si je l’ose dire, il fouille partout hardiment comme dans son bien, et il n’y a aucune partie de l’univers où il n’ait signalé son industrie.
(Bossuet, Sermon sur la mort)
Les procédés lexicaux sont plus abondants dans le style coupé et les seconds dans le style lié. Un texte peut cependant être cohésif et bien formé, et incohérent.
► Anaphore, antonymie, argumentation, coordination, fatrasie, hypéronymie, nonsense, période, synonymie
• Halliday M. et Hasan R., Cohésion in English, Londres, Longman, 1976.