CLAUDEL Paul
CLAUDEL Paul 1868-1955 Pour ce jeune Champenois — il est né à Villeneuve sur Fère, dans l'Aisne — l'année 1886 est doublement importante: il découvre Rimbaud, à qui il devra une bonne part de sa vocation poétique et, derrière un pilier, à Notre-Dame de Paris, a une illumination et trouve la foi catholique. De 1890 à 1935, il va mener une carrière de diplomate qui le mènera des Etats-unis en Chine, du Brésil au Japon, avec de nombreux postes en Europe (le dernier étant d'ailleurs à Bruxelles). Parallèlement, il a commencé, dès 1890, à écrire, surtout des pièces de théâtre. Elles vont se succéder, de Tête d'Or à Christophe Colomb; elles lui vaudront une renommée internationale. Pourtant, Claudel est aussi, peut-être avant tout, même dans son théâtre tant il est riche de lyrisme, porté par un flot poétique impétueux et, somme toute, peu dramatique, un poète. Son œuvre poétique est abondante: Cinq Grandes Odes (1910), Cantate à Trois Voix (1911), Corona benignitatis anni Dei (1915), Feuilles de Saints (1925). Cette poésie au lyrisme torrentiel et surabondant a parfois des effets un peu théâtraux, il est vrai que le théâtre claudélien étant saturé de poésie, les retours de manivelles étaient à craindre. Elle s'épanche dans des versets dont le rythme correspond à celui d'une respiration cosmique au souffle puissant et s'exprime dans une langue d'une extrême beauté, «à la fois terrestre, voire paysanne, et spirituellement aventurée». Il faut noter, au passage, que Claudel a besoin de rester sur ces hauteurs grandioses pour que sa poésie trouve moyen de respirer, son Ode au Maréchal Pétain, ou aux parachutistes d'Indochine, n'étant pas de la même haute volée que les œuvres précitées.
CLAUDEL Paul 1868-1955 1. La carrière de l’écrivain. - 2. Technique de l’art, selon Claudel. - 3. L’« enthousiasme » claudélien. Poète et auteur dramatique, né à Villeneuve-sur-Fère, dans l’Aisne.
La carrière de l'écrivain D’une famille profondément catholique, de souche mi-paysanne et mi-aristocratique ; il passe son enfance dans sa Champagne natale. Ce n’est qu’à l’âge de quatorze ans qu’il vient à Paris faire ses études. Il étanche à grand-peine une ardente soif de lecture et c’est ainsi qu’en 1886 il fera la découverte du Rimbaud d’Une saison en enfer et des Illuminations. Ces deux œuvres, dit-il, ouvrirent une fenêtre dans mon bagne matérialiste. En revanche l’esprit de la culture universitaire de son temps ne le comble en aucune façon. Succédant sans heurt à la révélation de Rimbaud, et à six ans de demi-sommeil de la foi de son enfance, un subit embrasement prend possession de lui à Notre-Dame (nuit de Noël 1886) et il se sent, à la lettre, transporté. Un soulèvement de tout mon être, écrit-il (Ma conversion, 1913; dans Contacts et circonstances, 1940). Le critique Charles Du Bos y voit une illumination du même ordre que celle du pharisien Paul de Tarse sur le chemin de Damas ; et notons qu’au contraire Henri Guillemin, bouillant contestataire en matière de littérature, met entre guillemets Le « Converti » Paul Claudel (1969). Le fait est, du moins, que le poète voue dès lors sa vie et, mieux encore, son œuvre tout entière à la plus grande gloire de Dieu. (L’accord « intellectuel » avec le dogme ne suivra d’ailleurs qu’après quatre années l’adhésion du cœur.) Depuis son premier ouvrage, L’Endormie (1886, l’année même de la double révélation poétique et mystique), jusqu’à Emmaüs, terminé peu avant sa mort, Dieu est à chaque ligne présent dans cette œuvre. Au surplus, « l’homme d’action » qui est en lui n’est pas indifférent à l’argent - comme son héros Thomas Pollock Nageoire, dans L’Échange - ni à la gloire littéraire (dont il devra longtemps se passer), ni à sa « situation ». Consul depuis 1893, puis ambassadeur (1921), il va parcourir toute la terre : d’Amérique (Rio, New York, etc.) jusqu’à l’Extrême-Orient (Tokyo, Fou-Tcheou, etc.) dont le théâtre le fascine - le nô japonais en particulier -, et d’où il rapporte aussi des poèmes en prose inspirés des modèles chinois (qui prendront place dans Connaissance de l’Est, 1900-1907). En 1935, il se retire définitivement dans son domaine de Brangues (Isère). De l’œuvre immense de Claudel, qui longtemps ne retint guère l’attention, c’est le théâtre qui seul franchira les limites du public des lettrés, grâce aux initiatives téméraires de Lugné-Poe, de Copeau et de Pitoëff. Tête d’or (1889, publié en 1890) ouvre cette carrière théâtrale par un chef-d’œuvre. Suivent La Ville (1890), La Jeune Fille Violaine (1892, première version de L’Annonce faite à Marie), L'Échange (1894, publiée en 1901) que Claudel tenait pour son œuvre la plus heureuse, enfin Le Repos du septième jour (écrit en 1896). Dès lors le dramaturge va s’arrêter pendant quelque dix ans, ne composant guère qu’une nouvelle version de Tête d’or (la première version lui semble alors un peu trop symboliste). À cette occasion l’on notera que Claudel remaniera plusieurs fois ses œuvres avec un sens aigu de l’autocritique, qui cadre fort mal avec la légendaire mégalomanie dont on l’a gratifié (« Il était, rappelle Jean Paulhan, la plénitude ; il était aussi la modestie dans la plénitude »). Ajoutons qu’à ce stade de sa carrière (1896) cet homme assoiffé d’honneurs devra attendre un demi-siècle avant d’être jugé digne de l’Académie française (quand il se présentera en 1935, on lui préférera un Farrère). Mais une crise s’ouvre, aiguë, en 1900, dans la vie de Claudel, qui va le mettre à l’épreuve durant plus de cinq années : il s’éprend violemment d’une femme mariée, une Polonaise, rencontrée sur le bateau qui l’emmène de France en Chine. Il saura renoncer ; pourtant les échos douloureux de ce drame se répercuteront non seulement dans le plus parfait chef-d’œuvre de Claudel, Partage de midi (1906) qui en est l’évidente transposition, mais jusque dans les Odes de 1910. Au surplus, le thème de la tentation, chez cet homme doué d’une diluvienne vitalité et tout aussi souverainement armé pour la lutte que pour l’amour, traverse l’œuvre poétique et dramatique de part en part, tandis qu’en sens inverse court le thème du refus : renoncement au monde, et à la duperie de toute félicité qui ne soit que de ce monde (depuis Tête d’or jusqu’au Soulier de satin, en passant par L’Annonce faite à Marié). Remaniement complet de La Jeune Fille Violaine de 1892, L’Annonce faite à Marie (1912, soit vingt ans plus tard) se révèle plus scénique ; et c’est, de nos jours, entre toutes les grandes pièces de Claudel, l’œuvre populaire par excellence. Le Soulier de satin, commencé en 1919 et publié en 1929 (dans sa version primitive en plusieurs «journées » à l’espagnole ou mieux : à la médiévale) fait penser, par rapport à L’Annonce. .., à ce qu’est un opéra aux côtés d’un oratorio ; mais peut-être estimera-t-on que c’est dans l’esprit de l’opéra, plus que de l’oratorio que l’imagination somptueuse et le verbe coloré du poète trouvent un cadre à leur mesure : Le Soulier de satin, c’est au départ un simple geste - simple, mais symbolique - de Dona Prouhèze, épouse du juge Don Pélage, qui pour se prémunir contre l’amour de Don Rodrigue confie un de ses souliers à la Vierge, afin de n’aller vers le mal qu’avec un pied boiteux. Fable naïve mais énorme aussi, dont (nous dit le poète à la première page) la scène est le monde. Et de fait le spectateur se verra transporté de Castille en Sicile, en Afrique, et, de là, à Panama, et même jusqu’au milieu du ciel. Abrégée et remaniée en 1943 sur l’initiative de Barrault, l’œuvre obtint un succès inattendu et révéla le génie de Claudel au grand public. Christophe Colomb, ou mieux, Le Livre de Christophe Colomb (1935 ; repris par Barrault également, vingt ans plus tard), est encore, ainsi que le titre complet de l’œuvre semble le reconnaître de bonne grâce, une éclatante série d’enluminures. Colomb, aux yeux de Claudel, est l’homme qui veut réunir les terres sous la Croix, de même que le héros du Soulier de satin, Don Rodrigue, s’écriait : Je suis venu pour élargir la terre. Car pour Claudel (homme inspiré, mais qui ne brille certes pas par le respect de la vérité historique) l’enrichissement de la couronne d’Espagne, et le véritable génocide qui en fui le moyen, ne sont que la docile exécution des directives tracées par Dieu en personne ; de même la Renaissance est vue par lui, dans ces deux poèmes dramatiques, comme un nouveau triomphe à verser au crédit de l’Église. Son dernier grand ouvrage dramatique, Jeanne au bûcher, avec musique de scène (écrit en 1934, joué en 1938), trahit le fléchissement d’une vigueur créatrice qui s’était maintenue égale à elle-même (en souffle, en tension) depuis 1889, soit quarante années sans faillir. Oui, sans faillir, on peut bien l’affirmer en effet, dates et bibliographie complète du poète en main ; du moins si l’on n’insiste pas trop sur certaine suite de trois pièces (L’Otage, 1911 ; Le Pain dur, 1918 ; Le Père humilié, 1919) où le jeu des thèmes apparaît bizarrement « politisé » et, par suite, assez peu propice à l’inspiration de Claudel, large et vaste comme le monde. Par exemple, dans la meilleure des trois, L'Otage : la lutte de l’homme issu du peuple (lequel est figuré ici sous des traits méprisables) contre la vertueuse et pure aristocratie catholique. De telles préoccupations d’ingénue propagande semblent devoir situer cette trilogie célèbre un peu en marge (ou en retrait) de ses grands poèmes dramatiques. D’autre part, sur le plan de la farce lyrique (sous-titre de deux de ses ouvrages), il a su rejoindre les sommets de l’art ; tout au moins dans l’étonnant Protée (1914). Tel était déjà, notons-le, le titre d’un drame satyrique perdu d’Eschyle. Ainsi à l’exemple de ses maîtres, les tragiques grecs - voir, par exemple, Le Cyclope d’Euripide, autre œuvre satyrique ancienne, qui, elle, a été retrouvée -, Claudel n’a pas dédaigné de passer d’un extrême à l’autre, et il a rarement été aussi bien inspiré que dans cette succulente bouffonnerie, barbare et raffinée tout ensemble, qu’anime la jolie nymphe Brindosier. La tirade finale sur l’embarquement vers la France (Une terre sèche et grumeleuse [...] et pleine de petits cailloux - Qui gardent la chaleur comme des briques. -Afin que la grappe lourde et dormante cuise des deux côtés...) nous montre un Claudel qui parle en « poète national » par dilection pure, par jeu ; et non par flatterie ou sous la pression des circonstances. Une deuxième expérience dans le domaine de la farce (et précisément à l’occasion de la guerre, en 1917), L’Ours et la Lune, est parfois d’un comique plus appliqué, mais rejoint presque les hauteurs de Protée dans les tirades purement lyriques.
Technique de l'art, selon Claudel Claudel qui exalte au premier acte de L'Échange la magie du théâtre ne s’est guère attardé à en édicter la théorie. Par contre, n’est-il pas significatif que cet écrivain dont l’essentiel de l’œuvre est destiné à la scène se soit bâti durant près de trente années un véritable système du verbe lyrique ? Depuis l’Art poétique en 1907 (où la Création, produit d’un poète, suggère une logique et une syntaxe au poète terrestre, habile à provoquer en nous un état d’intelligence), jusqu’à Positions et propositions (1928 et 1934), en passant par Réflexions et propositions sur le vers français (1925), Claudel nous apporte un « exposé d’intentions » particulièrement précieux pour une lecture approfondie de son œuvre, et en particulier de ses poèmes proprement dits (les Cinq grandes odes, 1910; Processionnal pour saluer le siècle nouveau, 1910 ; La Cantate à trois voix, 1911 ; et Corona benignitatis anni Dei, 1’915). Essayons de résumer cette doctrine. Et d’abord, qu’est-ce que l’art poétique pour Claudel? L’art, en soi, n’est rien. Rien, du moins, si cet art n’est conçu - dit-il - dans sa relation perpendiculaire avec Dieu (dont tout art procède) et avec les hommes (auxquels il doit être restitué). Si c’est un bien que l’art, ce bien n’appartient pas en propre au poète, qui ne fait que mimer l’acte de la création, se placer dans l’axe des forces élémentaires de l’univers créé, se modeler sur les rythmes essentiels : depuis le rythme, latge et lent, du jour après la nuit, jusqu’au rythme précipité du flot de vie chez la créature humaine. Rythmes successifs de la tension et de la détente, de la systole et de la diastole ; ïambe fondamental, dit-il, assimilant non sans audace les rythmes de la nature, voulus tels par Dieu, à un élément traditionnel de l’arsenal du poète dans l’Antiquité païenne. En effet, cet ïambe, rapport d’une grave et d’une aiguë, [... ] ne se joue pas qu’aux feuilles de nos livres : il est l’art autochtone, employé par tout ce qui naît. L’art poétique ainsi conçu est, en somme, bien davantage qu’un art : une éthique du poète. Cette délégation reçue de Dieu fonde la valeur théologique du chant (c’est la clé de l’Art poétique) mais, du même coup, elle rappelle le chanteur à l’humilité de sa fonction d’intermédiaire et de simple transmission du chant. Car le poète n’est que vent quant à lui. Véhicule privilégié, mais infime en soi, du prodigieux souffle divin ; nous devons craindre, dit l’Art poétique, en conduisant notre poème, toute indocilité à la main divine qui nous entraîne. De ces prémisses de la doctrine claudélienne se déduira chaque détail, et jusqu’au plus accessoire, jusqu’au plus minutieusement technique. Par exemple, le problème - cher à son cœur - de la métrique ; on s’est étonné naguère de la substitution, dans ses poèmes ou dans ses œuvres pour la scène, du verset (plus large, et plus varié en ses rythmes internes) au vers classique. Imitation de la Bible, a-t-on dit d’abord. En réalité le vers, unité de diction poétique, ne saurait pour Claudel accepter d’autre « mesure » que celle qui nous est donnée par Dieu, c’est-à-dire celle de notre soufflerie humaine. Elle est réglée, de toute éternité, par le rythme à deux temps de la réplétion pulmonaire et de l’essoufflement. Par suite, l'iambe fondamental sera figuré, ici, par le temps du verset en son alternance avec le temps du silence, qui est celui de l’haleine retrouvée entre deux jets de parole. Notre métrique traditionnelle - et en particulier le noble alexandrin : cet étalon de notre attitude sonore, dit-il - s’est révélée sans doute à la mesure de notre culture classique, foncièrement antipoétique car trop intellectualisée mais ces cadres étroits ne peuvent qu’éclater sous l’assaut des énergies primordiales, encloses dans les entrailles de la création et dans le Verbe aussi, qui sait se faire jour sous leur sourde et patiente poussée.
L'« enthousiasme » claudélien Poète élémentaire (tellurien, volcanique, océanique; et aérien aussi), Claudel a de plus la luxuriance du règne végétal, sa puissance envahissante. Mais, comme l’a dit Hugo dans les Chansons des rues et des bois : « ... qui donc se plaint / De la prolixité des roses ?» Au demeurant, ce n’est pas tant par des brassées de fleurs que le poète catholique nous comble, à l’ordinaire. Et ce n’est pas tant, non plus, parmi la descendance d’Hugo - ce chanteur athlétique, et généreux aussi, mais qui ne sait pas perdre la tête - que s’inscrit Claudel. Bien davantage dans celle de Diderot, le Diderot des dialogues philosophiques et de L’Interprétation de la nature ; Diderot qui, le premier en France, a désigné par son nom la vertu majeure de l’écrivain, l’« enthousiasme » (et il la détient, d’ailleurs, pour sa part). Sans doute, chez le poète, l’enthousiasme prend-il une autre signification - liée à son étymologie - et une autre forme que chez le philosophe. Là où Diderot vit un rêve, et se propage en état d’apesanteur à l’intérieur du très remuant mythe cosmogonique mis en place par ses soins, tressaillant d’une interminable et fiévreuse joie, emporté lui-même par tous les successifs effondrements dialectiques qui défilent, au passage des siècles, devant ses yeux, Claudel au contraire accède par l’enthousiasme à une radieuse paix de l’âme, en présence d’un Infini qui est, du même coup, un Immuable, né avec le premier jour et qui ne cessera qu’avec la « fin des temps » (d’ailleurs celle-ci, nous dit-il dans sa Correspondance avec Gide, est, à une certaine hauteur, réglée d’avance : Notre résurrection n’est pas tout entière dans le futur, elle est aussi en nous [...] Elle a déjà commencé). Ce calme souverain de Claudel, ou mieux cette allégresse paisible, s’expliquent d’eux-mêmes, dit-il encore dans un texte qu’il a dédié à J.-L. Barrault, L’Enthousiasme (Cahiers Renaud-Barrault, n°27 bis) ; c’est la grâce qui échoit au poète resté en communication avec le personnel de la nature que nous écoutons engagé dans une conversation inextinguible... Et encore : Trop longtemps les romantiques nous ont fait croire que la création était muette, quand c’est eux qui n’écoutaient pas : alors que tout entière, elle n’est que parole. Comment capter cette parole ? Claudel va, dans ce même texte, confier à ses confrères poètes une méthode qu’il nous assure aussi infaillible que simple, et qui fut en effet la sienne durant toute sa vie : Le plus sûr est de se recueillir et de s’orienter. S’orienter, soit, mais dans quelle direction? Il nous l’a dit aussi, magistralement : dans l’exorde d’une des Cinq grandes odes, que nous citerons pour finir (incomplètement d’ailleurs - à notre honte -, mais en espérant donner au lecteur l’envie de se reporter au texte intégral, dont voici la référence : Ode IV, la Muse qui est la Grâce, début). C’est là d’autre part la plus belle des apparitions, dans toute l’histoire de notre littérature, de l’enthousiasme : à l’état naissant, puis peu à peu au stade du « rapt » proprement dit : Encore ! encore la mer qui vient me chercher comme une barque, [...] Encore la nuit qui revient me rechercher, Comme la mer qui atteint sa plénitude en silence à cette heure qui joint à l’Océan les ports humains pleins de navires attendants et qui décolle la porte et le batardeau ! Encore le départ, encore la communication établie, encore la porte qui s’ouvre ! [...] Hors de moi la nuit, et en moi la fusée de la force nocturne, et le vin de la Gloire, et le mal de ce cœur trop plein ! Si le vigneron n’entre pas impunément dans la cuve, Croirez-vous que je sois puissant à fouler ma grande vendange de paroles, Sans que les fumées m’en montent au cerveau ! Ah, ce soir est à moi ! ah, cette grande nuit est à moi ! tout le gouffre de la nuit comme la salle illuminée pour la jeune fille à son premier bal ! Elle ne fait que de commencer! il sera temps de dormir un autre jour! Ah, je suis ivre ! ah, je suis livré au dieu ! j’entends une voix en moi et la mesure qui s’accélère, le mouvement de la joie...