Claude DEFFARGE et Gordian TROELLER
Après avoir été correspondant de guerre auprès des forces alliées, le Luxembourgeois Gordian Troeller fait équipe à partir de 1949 avec la Française Claude Deffarge. D’abord correspondants de presse en Italie, ils collaborent à Stern jusqu’en 1971. Ils réalisent une série de reportages dans le monde entier avant de se spécialiser dans le cinéma. Photographe, Claude Deffarge a très vite compris combien elle reproduisait dans ses clichés tous les stéréotypes culturels que son éducation lui avait transmis. La série «Au nom du progrès» répond à un souci de connaissance: interroger la réalité du sous-développement derrière l’épaisseur d’une formule faisant obstruction au surgissement de la vérité. Parcourant l’Afrique de part en part, s’attardant en Iran, interrogeant le continent américain du Québec à la Bolivie, sans oublier les États-Unis ou l’Europe du Sud, les films de Gordian Troeller et Claude Deffarge se développent inlassablement selon deux axes essentiels. D’une part une critique du modèle occidental, passage obligé de tous les pays du tiers monde mais qui ne peut que renforcer, selon eux, leur caractère d’économie exploitée et dominée. De l’autre, une volonté de revaloriser toutes les formes d’organisation sociale résolument opposées à ce modèle, et dont ils crurent trouver une figure exemplaire dans la révolution persane (mais aussi chez les nomades, les Esquimaux ou au Yafa). Au bout du compte, tous leurs films s’interrogent sur l’origine du pouvoir, plus ou moins explicitement perçu comme une force de perversion. En abordant la question de la libération de la femme, les deux cinéastes s apposent encore aux idées reçues, et leurs analyses de la pratique de l’excision ont choqué certains de leurs admirateurs. Dans leurs découpages, le commentaire, la thèse préalable structurent la sélection et l’organisation des images. Si l’on ne peut nier la part de révélation du réel indissolublement liée à ce type de films, l’apport iconique n’en est pas moins cantonné à une fonction d’illustration. En ce sens, leur travail demeure résolument traditionnel et ne renouvelle pas le langage du documentaire. Leurs films n’en sont pas moins de précieux outils critiques. Claude Deffarge s’est expliquée dans un article, «Pourquoi Au nom du progrès» {Cinéma n° 220, avril 1977). L'équipe a également écrit deux ouvrages, Perse sans masque (1958) et Yémen 62-69 ou De la révolution sauvage à la trêve des guerriers.
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