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Claude D’ANNA

Une œuvre curieuse, sans fil conducteur apparent, qui va de l’avant-gardisme aux épanchements mélodramatiques, fait succéder aux vertiges baroques la sécheresse classique, et à des préciosités d’esthète un lyrisme crépusculaire. Un réalisateur instable, aux ambitions évidentes, au tempérament élitiste, que ne paraît pas affecter outre mesure l’absence totale de succès public. Des études à l’institut d art et d’archéologie, un bref passage à l’IDHEC, une passion pour la musique, des courts métrages à compte d’auteur, c’est tout ce que l’on peut dire de ses années d’apprentissage. De son premier long métrage, qui eut l’heur de plaire à Robbe-Grillet (est-ce une référence?), il déclare lui-même, avec le recul du temps, qu’il n’offre aucun intérêt. Le fantasme et l’érotisme y allaient bon train, comme d’ailleurs dans les deux suivants, Trompe-l'œil surtout, variation sur le thème de l’ambiguïté, sexuelle, psychologique et esthétique: on pense à Hitchcock, à Polanski, avec des remugles de Bataille. L'Ordre et la Sécurité du monde échoue — honorablement — à décrire l’univers tentaculaire des multinationales, mais Le Cercle des passions, son film le plus méconnu, est un fascinant mélodrame, à la perversion bien tempérée. Partenaires vaut par un admirable duo d’acteurs (Nicole Garcia, Jean-Pierre Marielle) et une mise en scène d’une grande fluidité. On est en droit d’être plus réticent devant le pseudoopéra filmé de Salomé (d’après Oscar Wilde), et le vrai de Macbeth, où D’Anna, paralysé par ses modèles, se perd dans le fatras d’un néo-académisme surprenant chez un homme qui avait manifesté jusque-là un goût très sûr et une rare exigence plastique dans le dérèglement même de ses sujets. Comme si l’élégance de la forme était chez lui inversement proportionnelle à la solidité du matériau. Preuve que cet auteur inclassable n’en est pas à une contradiction près.

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