Clarté
La clarté est une qualité du style, qui est aussi une exigence ; car ne pas respecter la clarté fait automatiquement tomber dans un vice grave (l’obscurité, l’ambiguïté). Elle concerne les mots et leur arrangement. À propos des mots, l’exigence rejoint la question de la propriété : le principe est qu’il faut fuir les mots impropres ; mais ce n’est pas si simple. On peut concevoir que beaucoup d’objets ou de thèmes dans le monde ont une sorte d’équivalent lexical (c’est du moins la philosophie rhétorique) ; dans ce cas, il est prescrit d’employer cet équivalent, tout cet équivalent, rien que cet équivalent : la clarté sera totale. Mais cette espèce d’héroïsme rhétorique n’est pas tenable, au vu même des exigences fondamentales de la rhétorique : le respect des bienséances, du convenant, et de la variété. Il se trouve donc un certain nombre de circonstances oratoires où l’emploi du mot propre est exclu, sans parler même des cas où il n’existe pas. Dans ces deux situations, la clarté doit cependant être ménagée par tout un jeu d’entourage ou d’emboîtement lexicaux, avec éventuellement circonlocutions et figures. La contradiction doit être assumée et gérée au profit de la tendance à la clarté. Point de traverse, en revanche, en ce qui concerne l’arrangement de la phrase. La suite syntaxique doit toujours, et sans la moindre exception, organiser des dépendances et des liaisons impeccablement nettes et manifestes. Cela implique, dans les phrases simples, d’éviter les raccourcis trop elliptiques, qui deviennent sibyllins, et, dans les phrases plus périodiques, les enchaînements pénibles soit par leur longueur soit par leur complexité, soit par les deux à la fois, qui empêchent la mémorisation facile et évidente de l’ensemble des corrélations. Dans le même ordre d’idées, on prendra garde à ménager avec la plus exacte évidence possible tous les faits de reprises anaphoriques, marqués ou non par des termes pronominaux ou adverbiaux et ceux qui leur répondent, ainsi que les phénomènes d’accord. En général, on ne s’écartera pas de l’usage le plus commun et le plus pur, sans pratique de l’étrangeté, de l’érudition, de la spécialisation, sans surabondance, sans ascétisme verbal, sans recherche de profondeur spécieuse. Quintilien exprime bien l’opinion répandue : Aimons surtout la clarté des termes, une phrase où le sens ne soit pas trop longtemps suspendu, qui n ’ait rien de manque et rien de superflu. Ce n ’est pas assez qu ’un juge puisse nous entendre : il faut même qu ’il ne puisse en aucune manière ne pas nous entendre.
=> Éloquence, oratoire; style, élocution, composition ; période, circonlocution, figure ; ornements; qualités, bienséances, convenant, pureté, variété, ingéniosité.
Liens utiles
- L'amour n'est qu'un point lumineux, et néanmoins il semble s'emparer du temps. Il y a peu de jours qu'il n'existait pas, bientôt il n'existera plus; mais tant qu'il existe, il répand sa clarté sur l'époque qui l'a précédé, comme sur celle qui doit suivre. Dans quelle mesure cette citation empruntée au roman Adolphe de Benjamin Constant s'applique-t-elle à Roméo et Juliette en tant que tragédie devenue mythe de l'amour ?
- Victor Hugo, Les Contemplations, Livre I Aurore, « Le firmament est plein de la vaste clarté »
- Henri BARBUSSE, Clarté (roman)
- On rapproche souvent le cinéma de la littérature écrite, et les réalisateurs eux-mêmes ont eu bien des fois recours au roman ou au théâtre, leur empruntant soit des œuvres déjà accomplies, soit une forme familière au public. Cependant, un critique, Jean Limousin, écrivait à propos d'un metteur en scène célèbre : « La justesse des notations, leur portée sur le public, tiennent à ce qu'elles sont pensées directement « en cinéma» par un homme intelligent qui découvre aussitôt l'équivalent
- À quelle fonction répond la thématique de la clarté et de la nuit dans Roméo et Juliette ?