Christian DE CHALONGE
Christian DE CHALONGE
Né le 21 janvier 1937 à Douai (Nord).
«Je n’ignore pas que l’on ne peut pas faire la révolution avec le cinéma, encore moins avec un film (...). Ma seule ambition est de troubler, d’inquiéter quelques spectateurs, de poser un problème (...). Je suis communiste et pour moi, le problème (...) était de crever un abcès de la société dans laquelle je vis» (Revue du cinéma n° 213). Ces propos de Christian de Chalonge tenus à la sortie de son premier film (O Salto) expliquent en partie les difficultés qu’il allait rencontrer pour s’assurer la confiance des producteurs, généralement peu sensibles à ce genre de déclaration. Après un certificat de lettres à la Sorbonne, Christian de Chalonge suit les cours de l’IDHEC en 1957-58 et commence une carrière d’assistant avec Tout l'or du monde de René Clair. Il travaille ensuite avec Georges Franju (Thomas l'imposteur), Alain Jessua (La Vie à l'envers) et quelques autres (Serge Bourguignon, Henri Verneuil), mais surtout il rencontre Tony Richardson qui l’engage sur les tournages de Mademoiselle (1966) et du Marin de Gibraltar (1967). En parrainant de Chalonge auprès des Artistes Associés, Richardson lui permet de réaliser son premier long métrage sur le problème de l’immigration portugaise en France. Un sujet difficile, aucune vedette (Marco Pico, futur réalisateur, y tient le rôle principal), un budget modeste n’ont pas empêché O Salto d’être très remarqué au festival de Venise. Constat objectif sur la vie quotidienne de la main-d’œuvre immigrée en France, c’est un film simple et fort qui, sans dramatisation, donne mauvaise conscience aux spectateurs. Christian de Chalonge attendra trois ans pour faire son deuxième long métrage, L'Alliance, d’après un scénario de Jean-Claude Carrière. Pendant ce long intermède, c’est encore Tony Richardson qui le fera travailler comme réalisateur de deuxième équipe de La Charge de la brigade légère (1968). Avec L'Alliance, de Chalonge s’éloigne du réalisme qui caractérisait son premier film pour s’essayer au fantastique. Aucun trucage, aucun effet spécial ne vient pourtant au secours d’une mise en scène qui épouse totalement le crescendo angoissant de l’histoire. Le réalisateur se contente d’observer méthodiquement et avec une lenteur calculée ce couple qui n’a su trouver d’autre langage commun que la peur. Or le personnage principal est vétérinaire et étudie le comportement des animaux; c’est par ce double regard (celui des spectateurs sur les héros du film et celui des héros sur les petites bêtes qui hantent leur esprit) que de Chalonge crée une ambiguïté dérangeante et fait de L’Alliance une méditation sur l’amour, l’angoisse et la mort. Huit longues années (1970-1978), passeront alors avant que ce réalisateur de talent puisse mettre en scène un troisième long métrage. Il ne reste cependant pas inactif, travaillant comme réalisateur de deuxième équipe sur État de siège (Costa-Gavras, 1973) et Le Désert des Tartares (Valerio Zurlini, 1976). Entre ces deux films, il tente de mettre un projet en chantier avec Jean Curtelin (Les Bonnes Manières), mais sans succès. L ’Argent des autres (1978) et Malevil (1981) sont le fruit d’une collaboration fructueuse avec Pierre Dumayet. Le premier reprend des éléments du scandale de a Garantie foncière pour décrire a lutte entre les petits épargnants et les requins de l’immobilier. De Chalonge en profite pour dénoncer la frénésie de pouvoir absolu des cadres supérieurs. Quand on sait que Dumayet a été le scénariste de plusieurs films à thèse d’André Cayatte, on sera moins étonné de retrouver dans L ’Argent des autres une certaine hargne à convaincre, qui entraîne quelquefois une simplification outrancière. Avec Malevil, «librement inspiré du roman de Robert Merle», de Chalonge aborde le thème de la destruction atomique en refusant l’incursion dans le fantastique. Toutes les situations sont traitées avec un réalisme parfois saisissant. Sans jamais se départir d’une grande rigueur, le réalisateur dénonce la folie autodestructrice de l’humanité et en démonte les mécanismes: dans un monde en proie à l’apocalypse, les grandes lois du pouvoir ne s’évanouissent pas avec l’ouragan. Si l’on peut trouver les personnages stéréotypés et les situations artificielles, il n’en reste pas moins que le message humaniste passe bien et que cette nouvelle fable sur la folie du pouvoir (un des thèmes majeurs de ce metteur en scène) est d’une grande qualité. En 1982, Les Quarantièmes rugissants est inspiré de l’histoire réelle de Donald Crowhurst, l’un des participants à la première course nautique autour du monde en solitaire, organisée en 1968. Le sujet est fort: un homme hors du commun s ’enferme dans son mensonge (il fait croire qu’il est en tête de la compétition) et s’achemine volontairement vers sa mort. Ce dernier film pèche sans doute par la trop lente évolution psychologique de son héros, par un scénario dispersé et une mise en scène (une fois n’est pas coutume) assez plate; il reste de superbes images de mer et une interprétation de qualité. Christian de Chalonge, avec seulement cinq films en vingt ans, s’est pourtant imposé comme l’un des cinéastes les plus originaux de sa génération; sa rectitude, son refus des compromissions en font un réalisateur hautement estimable.
— Entretien par Robert Grelier, La Revue du cinéma, n° 213, février 1968.