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Charmes de Paul VALÉRY

Charmes de Paul VALÉRY, 1922, Classiques Larousse, Poésie/Gallimard.

• Après une longue abstention, que Monsieur Teste contribue à éclairer, Valéry se laisse persuader en 1912 de revenir à la poésie pour réunir ses vers de jeunesse (cf. Album de vers anciens). C’est alors aussi qu’il compose les plus riches de ses poèmes : La Jeune Parque et ceux qu'il a regroupés en 1922 sous le titre de Charmes (du mot latin carmina, c’est-à-dire poèmes).

• Ces poèmes traduisent, souvent avec humour, les préoccupations de ses années de silence poétique : exaltation de l’intelligence, effort vers la conscience absolue, antagonisme de la pensée - de l’âme, comme dit Valéry - et du corps, de la pensée et du monde. Tantôt cette expérience s’exprime directement en des pièces où le poète se met en scène (Aurore, Les Pas, Le Cimetière marin, Palme) ; tantôt elle est formulée sous le masque de mythes anciens repris et aménagés (Narcisse, La Pythie, Ébauche d’un Serpent) ou de symboles nouveaux (Au Platane, Le Rameur). Le thème de l'exaltation de l'intelligence est posé dès le premier poème, Aurore. Pour Valéry, ce n’est pas le réveil du monde et de la nature, mais celui des mécanismes de l’esprit : Je fais des pas admirables / Dans les pas de ma raison. Narcisse ne se détourne pas des nymphes seulement par amour de sa propre beauté, mais parce qu’il est curieux de son essence : L’âme croit respirer l'âme toute prochaine... La pythie lutte contre l’inspiration étrangère qui monte en elle et loue l’emploi lucide du langage. C’est toute la conception valéryenne de la poésie qui méprise l’inspiration au profit du travail conscient. La conquête d’Ève par le Serpent représente l’intrusion de la pensée dans l’âme encore stupide-, mais les résultats ne sont pas ceux qu’escomptait le Serpent dans sa révolte malfaisante contre le Créateur : il se flattait de recueillir des fruits de mort / De désespoir et de désordre; or la croissance de l’arbre de la science exprime la force inattendue de la créature. Le thème de la puissance de la nature est aussi partout présent. Narcisse se grise des charmes de la fontaine dans le soir. Le Serpent chante en réalité les beautés du monde qu’il raille. Le rameur tire en vain sur ses avirons, le dos au courant de la rivière. Et la méditation du Cimetière marin dresse inutilement la pensée contre l’univers; pour finir, le poète entre dans le mouvement du monde : Courons à l'onde en rejaillir vivant.

• La sensualité de Valéry contribue autant que sa virtuosité intellectuelle à faire la beauté de ces poèmes que rendent souvent difficiles leurs sujets abstraits et leur style savant. Ils constituent la manifestation la plus éclatante de l’intellectualisme dans lequel Mallarmé (Poésies) avait, par son exemple, engagé la poésie française au début de ce siècle.

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