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cause

La question de la cause est essentiellement celle de l’état de la cause ; c’est dans le genre judiciaire qu’elle est déterminante. La littérature rhétorique est à ce sujet particulièrement abondante ; le chapitre de Quintilien qui lui est consacré est même un des rares qui soit massivement constitué de la citation et de l’examen des positions de ses prédécesseurs en la matière. On peut résumer en disant que l’état de la cause désigne le point crucial et fondamental de la contestation, que la cause soit simple ou complexe, que des questions connexes soient soulevées ou non, que les premières contestations des parties portent explicitement sur ce point ou non, ou même que chaque partie s’accuse mutuellement du crime en jugement (cas de la récrimination). On discute pour savoir si c’est le défenseur ou si c’est le demandeur qui détermine cet état ; il semble que ce soit plus souvent le défenseur, mais dans de nombreux cas, la détermination vient aussi bien du demandeur, même si l’état de la cause naît du moyen de la défense. La question est en réalité la nature de cet état de la cause, ce que l’on peut formuler également en parlant des sortes d’état et de leur nombre. On proposera seulement quelques avis, la plupart représentés par Quintilien. Aristote pose dix principes : l’existence (parfois confondue avec l’essence), la qualité, la quantité, la relation, le temps, le lieu, l’action, le ressentiment (disposition ou sensation), la possession ou la disposition, la manière d’être ; pour Quintilien, les quatre premiers concernent bien l’état de la cause, mais les six autres constituent plutôt des lieux. On a aussi une liste de neuf : la personne, le temps, le lieu, la conjoncture, l’action et ses circonstances, le nombre, le motif ou la raison, la manière, l’occasion des faits. Certains ne distinguent que deux états : la conjecture, et la définition ou la jurisprudence ; ou encore, ce qui est certain et ce qui est douteux; ou encore, les paroles et les choses; ou encore, l’existence et la qualité (du fait). On a indiqué une catégorisation en trois états : l’être (l’existence), l’essence, la qualité ; à quoi on a aussi parfois ajouté un quatrième : la quantité. Quintilien va jusqu’à rappeler avec précision les différents stades de sa propre position. Il semble finalement s’être arrêté au classement suivant. Il y a trois états généraux : la conjecture (le fait est ou n’est pas), la définition (ce qu’il est), la qualité (quel il est). D’autre part, certains sont fondés sur la raison seulement, d’autres sur des écrits; ces derniers (que l’on appelle quelquefois un genre de questions légales) se subdivisent à leur tour en quatre espèces : la loi et l’intention du législateur, les lois qui se contredisent, celles qui ne s’appliquent que de loin avec le fait, celles dont les termes sont équivoques. Le résumé global du rhétoricien est très clair. C’est ce que la nature nous enseigne elle-même; car nous concevons qu’il faut premièrement que nos doutes aient quelque objet : or, on ne peut juger ni de sa nature ni de sa qualité, si auparavant on ne s’est assuré qu’il existe; mais pour être assurés qu'il existe, nous ne savons pas pour autant ce qu ’il est. C’est donc en second lieu ce qu ’il faut examiner. Reste enfin la qualité, et il n’y a rien au-delà. Toutes les questions imaginables, soit vagues et indéfinies, soit limitées et particulières, sont comprises sous ces trois chefs; c’est toujours l’un de ces chefs que l’on discute, quelque genre de cause que l’on traite [...] qu’il s’y agisse de choses écrites, qui donnent lieu à des questions légales, ou de choses non écrites, qui font un état de pure raison.

C’est qu’il n’y a que quatre moyens pour se situer à cet égard. Pour le défenseur, il peut nier le fait, dire que ce dont on l’accuse n’est pas ce qu’il a fait, soutenir qu’il a bien fait, recourir à un artifice de procédure ; pour le demandeur, il peut (et doit) prouver l’existence du fait, la nature de ce fait, son caractère injuste, et la légalité de la procédure. Ces quatre points peuvent se ranger sous deux genres : le genre de raison et le genre légal. Le premier concerne la nature même des choses, le second concerne le domaine des applications des lois. La variété des causes occurrentes, selon leur plus ou moins grand degré de complexité, aboutit à imaginer un système assez compliqué cependant d’états possibles de la cause, par combinaison des catégories élémentaires. Mais il est certain que la juste détermination du véritable état de la cause est une condition nécessaire pour entreprendre efficacement l’action oratoire.

=> Éloquence, orateur, oratoire; genre, judiciaire, récrimination; lieu.

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