CASTRISME
CASTRO Fidel
Homme politique cubain, Premier ministre (de 1959 à 1976), puis président.
« Condamnez-moi. L’histoire m’acquittera ! » C’est par cette prophétie que le jeune avocat cubain Fidel Castro termine sa plaidoirie face à ses juges en 1953. Accusé d’avoir attaqué la caserne de la Moncada à Santiago (province d’Oriente) le 26 juillet 1953 pour renverser la dictature de Fulgencio Batista (1901-1973), il assume lui-même sa propre défense. L’insurrection est légitime face à l’usurpateur. Sa défense est un discours-programme. Cuba doit parachever son indépendance, instaurer un régime démocratique, chasser la corruption et faire régner la justice sociale. Un demi-siècle d’histoire commence.
Il quitte le Parti orthodoxe, nationaliste populiste, pour fonder un mouvement de libération nationale - le Mouvement du 26 juillet. De 1953 à 1959, il met en œuvre une stratégie révolutionnaire sans inquiéter les États-Unis qui, jusqu’à la prise du pouvoir par l’Armée rebelle, sous-estiment la dynamique sociale révolutionnaire de la lutte engagée. Le génie politique de F. Castro est déjà à l’œuvre. Dans cette première phase, il apparaît comme un nationaliste révolutionnaire anti-américain. « Patria o Muerte, venceremos » (La patrie ou la mort, nous vaincrons) est son cri de guerre face à l’ostracisme et à l’agressivité de Washington. L’application de mesures sociales très progressistes lui permet de rassembler massivement le peuple cubain autour de lui. Dès 1961, il se proclame marxiste-léniniste et affirme l’être depuis longtemps. Des historiens américains croiront voir cette filiation confirmée par le rapprochement avec l’URSS. Mais alors même qu’il a sacrifié le Mouvement du 26 juillet sur l’autel de la fusion nécessaire avec le PSP (Parti socialiste populaire, ancien parti communiste), F. Castro marginalise le courant prosoviétique en janvier 1968 et fait le procès public de la « micro-fraction » accusée de faire le jeu du Kremlin. Ne voulant pas être pris en tenailles, il assure ses arrières. On peut douter de la solidité de ses convictions marxistes. L’histoire ultérieure illustre le pragmatisme du « leader màximo », son sens de la realpolitik et sa grande flexibilité tactique. Obligé, dans les années 1970, d’obtempérer aux ordres de Moscou qui lui imposent de mettre fin au désordre économique et à l’anarchie institutionnelle en instaurant un régime de parti unique/parti d’État, il s’adapte et devient ainsi secrétaire du nouveau Parti communiste lors de son premier congrès, en 1975.
F. Castro se montre peu enclin au respect des programmes et de la discipline partidaire. Ses principes sont souvent à géométrie variable et ses méthodes empreintes du caudillisme latino-américain. Il ne tolère aucune critique et se révèle un dirigeant despotique imposant une discipline de fer à ses fidèles. En 1989, l’exécution du général Arnaldo Ochoa et de trois autres officiers, condamnés pour « trafic de drogue », dément ses engagements. N’avait-il pas promis que « la Révolution ne sera[it] pas comme Saturne, [qu’]elle ne dévorera[it] pas ses propres enfants » ?
L'implosion de l’URSS en 1991 le contraint à procéder à une ouverture économique sous couvert d’orthodoxie. Son double langage affecte un charisme désormais routinisé. Tacticien hors pair, il pouvait se targuer, lorsque s’est ouvert le xxie siècle, d’avoir « survécu » à neuf présidents des États-Unis. Du libérateur ou du « caudillo », que retiendra l’histoire ?
CASTRISME
C'est de la victoire de la révolution cubaine en 1959, première « révolution socialiste » à n’être pas dirigée par un parti communiste, qu’est né le castrisme. Cette voie cubaine au socialisme fut d’abord une stratégie révolutionnaire anti-impérialiste à vocation continentale. La guerre de guérilla stimule les mobilisations populaires contre la dictature de Fulgencio Batista (1901-1973) et culmine par une grève générale qui provoque sa chute. Se différenciant des partis communistes latino-américains, qu’ils jugent enlisés dans la coexistence pacifique et dont ils condamnent les stratégies électoralistes et légalistes, Fidel Castro et Ernesto Che Guevara affirment que « le devoir de tout révolutionnaire est de faire la Révolution ». Selon eux, face à l’impérialisme, seule la lutte armée peut permettre d’y parvenir. Les années 1960 verront l’essor des mouvements de guérillas. Le foco (foyer insurrectionnel) doit permettre de mettre en œuvre cette stratégie sur tout le continent.
En plein schisme sino-soviétique, le castrisme apparaît alors comme une troisième voie possible pour les pays du tiers monde qui refusent de choisir entre l’URSS ou la Chine et qui sont solidaires du Vietnam attaqué par les États-Unis. Ce nouveau pôle de ralliement semble prendre corps avec la conférence Tricontinentale de solidarité anti-impérialiste qui réunit à La Havane en janvier 1966 des Latino-Américains, des Africains et des Asiatiques provenant de 82 pays et qui donne naissance à l’OSPAAL (Organisation de solidarité des peuples afro-asiatiques et d’Amérique latine). En août 1967, l’OLAS (Organisation latino-américaine de solidarité) préconise une stratégie révolutionnaire continentale unifiée. Elle se réunit à La Havane quelques semaines avant la mort de E. Che Guevara en Bolivie. Elle ne lui survivra finalement pas.
Les tensions entre La Havane et les partis communistes latino-américains s’aggravent ; des scissions se produisent au sein des mouvements des Jeunesses communistes, qui donneront naissance à des formations d’obédience castriste, envenimant les relations avec les partis prosoviétiques. La mort de E. Che Guevara et l’échec des autres foyers de guérillas sur le continent, l’approbation de l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie contre le printemps de Prague en 1968 et l’intégration dans le CAEM (Conseil d’assistance économique mutuelle, ou Comecon) signifient la fin du castrisme comme idéologie autonome et sonnent le glas des espoirs qu’il avait suscités.
Après la chute du Mur de Berlin, F. Castro axe sa stratégie internationale sur la lutte contre l’hégémonie américaine et la défense du tiers monde. Il condamne ainsi l’intervention contre l’Irak (seconde guerre du Golfe) en 1991 et les bombardements de l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique nord) durant la crise du Kosovo en 1999, et se prononce en faveur de l’annulation de la dette des pays du tiers monde.