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CALVIN Jean

CALVIN Jean. Né le 10 juillet 1509 à Noyon (Oise), mort à Genève, le 27 mai 1564. Son père, Gérard Cauvin, occupait les fonctions de greffier de la ville, d'avoué auprès de l'officialité et de procureur du Chapitre. Destiné à une carrière ecclésiastique, le jeune Calvin fut pourvu, dès l'âge de douze ans, d'un pécule qui devait lui permettre de faire ses études. Deux ans plus tard, il fut envoyé à Paris; d'abord élève de Mathurin Cordier, l'un des fondateurs de la pédagogie moderne, il passa ensuite au Collège de Montaigu, où il suivit et ne devait plus oublier les cours de logique d'Ant. Coronel et ceux du théologien nominaliste John Mair. Il entra en contact avec les milieux humanistes de la capitale et connut Budé par l'intermédiaire des fils de Guillaume Cop, médecin de François Ier. Sans doute entendit-il parler, dès cette époque, de cer tains écrits de Luther et de Mélanchthon, mais sans se laisser ébranler dans sa fidélité envers l'Êglise romaine. Vers 1529 — il venait d'acquérir la maîtrise ès arts — il renonça à la théologie et se rendit, d'ordre de son père, à Orléans, pour y entreprendre des études de Droit sous la direction de Pierre de l'Estoile, l'un des meilleurs juristes français de l'époque. Quelques mois plus tard, il gagna Bourges, attiré par le renom du juriste italien Alciat. Il s'imprégna des nouvelles méthodes juridiques et acquit une connaissance solide du Droit romain. Les études littéraires continuaient toutefois à l'attirer. Aussi, quand la mort de son père le rendit maître de son destin (1531), suivit-il à Paris les cours des Lecteurs royaux institués par François Ier. Il travaillait alors à son premier ouvrage, un commentaire du De Clementia - v. De la clémence — de Sénèque, publié en 1532, ouvrage d'une érudition remarquable qui situe Calvin dans la ligne d'Erasme et de Budé. C'est l'oeuvre d'un humaniste séduit par le moralisme stoïcien et intéressé par la notion romaine de la souveraineté. Jusqu'à sa fin, Calvin restera fidèle à la méthode des humanistes et, dans une large mesure, à leur esprit et à leur admiration pour les anciens. Ses attaques contre les humanistes viseront l'attitude personnelle de certains d'entre eux, mais non pas l'humanisme comme tel. Le passage de Calvin à la Réforme, pour lequel on a proposé des dates très diverses, ne peut guère être placé avant le printemps de 1534, époque a laquelle il résigna ses bénéfices ecclésiastiques. C'est à tort, semble-t-il, qu'on lui a attribué le célèbre discours prononcé à la Toussaint 1533 par son ami, le recteur Nicolas Cop. Cette harangue reflète d'ailleurs les idées chères aux réformistes catholiques, bien plus que celles des protestants. Calvin, dont les rapports avec Cop étaient connus, dut quitter la capitale et chercher refuge auprès de son ami du Tillet, curé près d'Angoulême. Il poussa ensuite jusqu'à Nérac ou il rencontra, à la cour de Marguerite de Navarre, l'illustre Lefèvre d'Etaples. Son dernier voyage à Noyon (mai 1534) fut suivi d'un nouveau séjour à Orléans, où il rédigea son traité De psy-chopannychia [Sur le sommeil des âmes, publié en 1542]; il y attaquait la doctrine de certains anabaptistes qui affirmaient que les âmes étaient mises en sommeil après la mort et jusqu'au jugement dernier. La tolérance relative dont usait depuis quelque temps le gouvernement à l'égard des « luthériens » fit place à une persécution brutale, après que des « Placards » dirigés contre la messe eurent été affichés jusque sur la porte des appartements royaux (oct. 1534). Tous ceux qui, de près ou de loin, étaient soupçonnés de tremper dans le complot dont étaient accusés les partisans de la Réforme durent se terrer ou prendre la fuite. Calvin qui, depuis sa « conversion », avait mené une active propagande en faveur des idées nouvelles, prit le parti de quitter le royaume. Dans les premières semaines de 1535, il se fixa à Bâle. Au prix d'un travail acharné et de lectures étendues, il réussit à terminer en quelques mois son Institutio christianae reli-gionis —Institution de la religion chrestienne — qui ne sortit cependant des presses qu'en mars 1536. C'était le premier exposé qui présentât comme un ensemble cohérent et logiquement ordonné la pensée de la Réforme. Bientôt traduit en français par l'auteur lui-même, incessamment remanie, ce devait être aussi l'ouvrage de toute une vie. Calvin y mit le meilleur de lui-même et y résuma toute sa pensée religieuse. Quel que soit l'intérêt de ses autres écrits théologiques, c'est dans l'Institution que l'on trouve la synthèse la plus achevée de ses idées. Il y consigna, au fur et à mesure, le résultat de ses réflexions et de ses expériences. Le « catéchisme » de 1536 aboutit ainsi à une somme monumentale divisée en quatre livres et quatre-vingts chapitres (1559-1560). Les étapes intermédiaires sont marquées par les éditions latines de 1539, 1543, 1545, 1550, 1553 et 1554, et par les éditions françaises de 1541,1545,1551,1553 et 1557. A peine Calvin eut-il assisté à la parution de ce premier grand ouvrage, qu'il alla passer, pour des raisons mal connues, quelques semaines à Ferrare, avec du Tillet, auprès de la duchesse Renée de France, qui avait accueilli à sa cour un certain nombre de réfugiés pour cause de religion. Malgré le risque qu'il pouvait courir, il se rendit ensuite à Paris, pour y régler la succession paternelle avec ses frères et soeurs. De là, il voulut gagner Strasbourg; les hostilités entre François Ier et Charles-Quint l'obligèrent à faire par Genève un détour qui devait déterminer toute la suite de sa carrière. Cédant aux impérieuses instances de Farel qui était le chef spirituel des partisans de la Réforme à Genève, il consentit à l'aider dans sa tâche. Aussitôt, le jeune savant se transforme en prédicateur, en professeur et en organisateur de la nouvelle Eglise. Il soumet aux Conseils de la Ville des Articles concernant l'organisation de l'Eglise et du culte et une Instruction et Confession de Foy tirée de l'Institution (1537). La Confession devait être souscrite par tous les chefs de famille, ce qui suscita des difficultés. D'autres surgirent à propos de la discipline ecclésiastique que Calvin et Farel entendaient introduire et qui fut rejetée par les Conseils. Ceux-ci n en furent pas moins considérés comme trop dociles aux réformateurs et remplacés en 1538 par des membres de l'opposition. Le conflit latent éclata quand le Magistrat voulut, sans consulter les ministres, introduire les usages liturgiques bernois. Calvin et Farel y virent une atteinte à l'autonomie de l'Eglise, refusèrent de s'incliner, furent destitués et durent quitter la ville (1538). Calvin accepta l'invitation des réformateurs Bucer et Capiton à venir se fixer à Strasbourg, qui, grâce à ces deux hommes, grâce aussi au génie politique du « stettmeis-tre » Jacques Sturm, était devenue, en peu d'années, l'un des centres du protestantisme européen. Pendant les trois ans qu'il y vécut, Calvin approfondit, au contact de Bucer, ses connaissances théologiques et mit au point ses conceptions ecclésiastiques par de larges emprunts aux institutions strasbourgeoises. A l'usage de la paroisse des réfugiés français, il publia Aulcuns pseaulmes et cantiques mys en chant (1539) et rédigea une liturgie qui sera à l'origine des liturgies des Églises réformées de Genève et de France. Nommé professeur à la Haute-École, berceau de l'université de Strasbourg, il y expliqua l'Evangile de Jean et les Epîtres pauliniennes. Dès 1539, il fit paraître ses Commentarii in epistolam Pauli ad Romanos, début brillant d'une longue série de travaux exégétiques qu'il poursuivit jusqu'à la fin de sa vie. Auparavant, il avait donné une nouvelle édition, augmentée, de l'Institution dont la traduction française, rédigée à Strasbourg, devait paraître deux ans plus tard, en même temps que le Petit Traicté de la saincte Cene, où il essaya de préciser, à l'usage du grand public, son point de vue particulier sur la présence réelle et spirituelle du Christ dans la Cène (1541). Dans ces premiers écrits français, Calvin se révéla d'emblée comme l'un des meilleurs prosateurs du XVIe siècle, et, par son style clair, souple et incisif, comme l'un des créateurs du français moderne. Par l'intermédiaire des Strasbourgeois, il entra en rapports avec le protestantisme alternant : rencontre avec Mélanchthon à Francfort (1539); colloques de Haguenau et de Worms (1540); colloque de Ratisbonne (1541) auquel il assista comme délégué officiel de Strasbourg, aux côtés de Jacques Sturm et de Bucer. Calvin semblait devoir rester définitivement dans sa ville d'adoption : Strasbourg. Ses amis s'efforcèrent de lui faciliter les choses et l'aidèrent même à fonder un foyer; en août 1540, il épousa Idelette de Bure, veuve d'un anabaptiste qu'il avait converti. A Genève, cependant, la vie de l'Eglise avait été désorganisée par l'exil de ses deux principaux ministres. Calvin avait continué de s'intéresser au sort de la communauté genevoise : il était intervenu pour apaiser les conflits suscités par son départ et avait publié, en 1539, une Epistre au Cardinal Sadolet, en réponse à une lettre de ce dernier invitant les Genevois à rentrer dans le sein de l'Eglise romaine. Mais, sollicité de revenir à Genève, ce n'est qu'après avoir longuement hésité qu'il accepta. Le 13 septembre 1541, il reparut enfin sur les bords du Léman, avec un programme bien défini et l'intention de faire de Genève le centre de la propagande protestante à destination de la France. Le projet de statut ecclésiastique qu'il soumit aux autorités ne fut pas accepté sans modifications. Le Magistrat réussit a maintenir son point de vue sur plusieurs points, notamment en ce qui concerne la discipline ecclésiastique, dont il admit le principe, mais en se réservant, dans chaque cas, la décision finale, par une formule qui donnera lieu à d'interminables contestations. Adoptées le 20 novembre 1541, les Ordonnances ecclésiastiques servirent de base à l'organisation de l'Eglise genevoise et de l'ensemble des Églises calvinistes. Avec ses quatre ministères (pasteurs, docteurs, anciens et diacres), avec sa juridiction ecclésiastique autonome confiée au Consistoire, cette organisation traduit dans la réalité concrète les principes formulés dans institution. Malgré les concessions que Calvin dut faire au Magistrat, il ne s'agit pas d'une mainmise de l'Etat sur l'Eglise, pas plus qu'il n'est question, comme le veut l'opinion courante, d'une confusion théocratique des pouvoirs. Pour compléter son oeuvre dans ce domaine, Calvin publia, en 1542, un recueil liturgique sous le titre de Forme des prières et chantz ecclésiastiques et le Catéchisme de l'Eglise de Genève (en latin et en français). Des cours de théologie et des écoles furent institués. A côté de ses leçons d'exégèse et de ses prédications quotidiennes, il trouva le loisir de rédiger, la même année, la Defensio doctrinae de servitute arbitrii, où il réfutait les arguments du polémiste catholique Alb. Pighius en faveur du libre arbitre. L'an d'après (1543) voyait paraître le Traicté des Reliques, virulente satire contre la vénération des reliques, et le Petit Traicté monstrant que doit faire un homme fidèle entre les papistes, suivi, en 1544, de l'Excuse à Messieurs les Nicodémites, où l'auteur prenait à partie les « Nico-démites », c'est-à-dire les partisans de la Réforme qui n'osaient confesser publiquement leur foi. L'entourage et les collaborateurs de Calvin se recrutaient principalement parmi les réfugiés français qui affluaient à Genève. Les Genevois restaient divisés sur la question de la juridiction ecclésiastique : tandis que les uns soutenaient le réformateur français, les « libertins » s'opposaient à ce qu'ils considéraient comme un empiètement sur le domaine du pouvoir civil et s'efforçaient de limiter l'influence des Français. Parmi ces derniers, Calvin rencontra également des adversaires, tels que Séb. Castellion qu'il obligea, en 1545, a quitter la ville. Tout en essayant de transformer Genève en une cité sainte par sa parole et au moyen d'une réglementation morale de plus en plus stricte, il poursuivait la mise au point de l'institution et publiait, coup sur coup, un pamphlet Contre la secte phantastique des libertins (spirituels) (1545), des préfaces à la Somme de Mélanchthon — Somme théologique ou lieux communs — à la Bible de Genève (1546), et la suite de ses Commentaires bibliques qui finirent par comprendre le Pentateuque, le Livre de Josué, les Psaumes, les Prophètes et tout le Nouveau Testament à la seule exception de l'Apocalypse. L'opposition grandissait toutefois, menée par les familles patriciennes des Perrin et des Favre qui, au début, avaient soutenu Calvin. Ce dernier l'emporta pourtant, quand fut posée publiquement la question de la compétence du Consistoire. En 1547, un autre adversaire de celui-ci, Jac. Gruet, fut impliqué dans un complot et décapité. Mais jusqu'en 1554, les élections donnèrent la majorité aux « libertins ». La position de Calvin, plusieurs fois ébranlée, se renforçait lentement, par l'arrivée d'un grand nombre de nouveaux réfugiés. Mais, au moment où il avait besoin de toutes ses forces pour déjouer les intrigues de ses ennemis, sa santé, précaire depuis sa jeunesse, s'affaiblit sérieusement, tandis que son foyer était endeuillé par la mort de sa femme (mars 1549). Le conflit avec le Magistrat se compliqua de luttes sur le plan dogmatique : affaires Bolsec (1551), Trolliet (1552), etc. L'année 1553 vit éclater la célèbre affaire Servet. Dès 1531, le médecin espagnol Michel Servet s'était élevé, dans deux traités, contre les définitions traditionnelles du dogme trini-taire. Réfugié à Vienne en Dauphiné (1540), il y rédigea en secret la Restitution du christianisme, qui prétendait restaurer le christianisme dans son intégrité primitive et faire le procès aussi bien de l'Eglise romaine que des réformateurs protestants. Servet échangea quelques lettres avec Calvin qui le réfuta sommairement (1545). En 1553, l'ouvrage fut imprimé et un exemplaire en parvint à Genève. Guillaume de Trie, un intime de Calvin, le dénonça à des correspondants lyonnais, qui parvinrent à identifier l'auteur, Servet fut traduit devant l'officialité de Vienne, et, pour le confondre, de Trie soutira à Calvin les lettres que le « blasphémateur » lui avait adressées. Servet réussit à s'enfuir, mais commit l'imprudence de passer par Genève où il fut arrêté. Le Conseil, bien que mal disposé à l'égard de Calvin, décida de poursuivre l'affaire. Les maladresses et l'arrogance de l'accusé le desservirent grandement; le réformateur et le Conseil genevois étaient du reste d'accord pour faire un exemple et furent soutenus par l'avis unanime des Églises de Suisse. Le 26 octobre, Servet fut condamné au feu. Il subit le sort que catholiques et protestants avaient réservé, avant lui, à des centaines d'« hérétiques obstinés » et d'anabaptistes. L'attitude de Calvin trouva l'approbation de la plupart des théologiens, presque seul, Séb. Castellion osa se faire le défenseur de la tolérance, ce qui lui valut une réplique acerbe de la part de Calvin (Déclaration pour maintenir la vraye foy de la Trinité, 1554). L'autorité du réformateur sortit affermie de cette pénible affaire, mais l'opposition genevoise ne désarma point. En 1555 seulement, après une émeute sans gravité, les principaux adversaires du Consistoire durent céder la place devant la nouvelle majorité calviniste aux Conseils. Dès lors, la partie pouvait être considérée comme gagnée définitivement. En 1559, le Magistrat décerna à Calvin le droit de bourgeoisie, et, lors de la révision des Ordonnances ecclésiastiques, la nouvelle rédaction lui donna presque entière satisfaction (1561). Dans l'intervalle, Calvin composa un certain nombre d'ouvrages destinés à défendre plusieurs points de doctrine. En 1549, il était arrivé, avec l'Église de Zurich, à un accord sur les sacrements qui fut consigné dans le Consensus Tigurinus. En 1550, il lança le Traicté des Scandales (Dict. des oeuvres IV, 603), contre les déviations païennes de l'humanisme. Aux attaques dont avait été l'objet sa doctrine de la prédestination, il répondit, entre autres, par le traité De la prédestination éternelle (1552). Trois ans plus tard, survenait la querelle avec le luthérien Westphal de Hambourg au sujet de la Cène. A trois reprises, Calvin intervint dans la controverse avec la Defensio sanae et orthodoxae doctrinae de sacramentis (1555), la Secunda defensio piae et orthodoxae de sacramentis fidei contra Westphali calumnias (1556) et l'Ultima admonitio ad Westphalum (1557) qui comptent parmi les chefs-d'oeuvre de la polémique théologique. En 1558, son attention fut retenue par les thèses antitrinitaires des réfugiés italiens fixés à Genève. Il rédigea à cette occasion la Congrégation sur la divinité de Jésus-Christ, la Réponse aux frères de Pologne (1560) et L'Impiété de Valentin Gentil apertement découverte et décriée (1561). Deux ans auparavant, l'institution avait reçu sa forme définitive. Au cours des dernières années de sa vie, Calvin publia en outre des Leçons sur les Prophètes et autorisa l'impression de plusieurs recueils de Sermons sur divers livres bibliques. Activité débordante qui se doublait d une immense correspondance avec les protestants de France et de toute l'Europe (il en subsiste plus de 1 300 lettres). Rappelons enfin que, en 1559, il avait en quelque sorte couronné son oeuvre en créant l'Académie de Genève qui devint le centre des études humanistiques et théologiques des protestants de langue française et qui, pendant longtemps, pourvut au recrutement pastoral exigé par la multiplication des Églises réformées de France. Sa maladie ne lui laissait plus guère de répit depuis plusieurs années. Elle s'aggrava brusquement en février 1564; fin avril, il fit de solennels adieux au Magistrat et à ses collègues. Il mourut un mois plus tard (27 mai 1564), laissant une oeuvre dont l'influence s'étendait, par-delà la cité genevoise, à toute la France et qui devait marquer de son empreinte toutes les Églises réformées d'Europe et d'Amérique. ? «Jean Calvin, c'est un homme d'un jugement qui pénètre jusques au bout..., et lequel, en ses escrits, c'est merveille comme il parle de tout, et abondamment, et purement... Tellement que je ne sache nul qui ait onc plus parfaitement escrit, » Jean Sturm, recteur de la Haute-Ecole de Strasbourg, Préface à l'institution de 1551. ? « Car aussi estoit-il homme bien escrivant tant en Latin que François, et auquel nostre langue Françoise est grandement redevable pour l'avoir enrichie d'une infinité de beaux traicts; et à la mienne volonté que c'eust esté en meilleur subject; au demeurant homme merveilleusement versé et nourry aux livres de la saincte Escriture, et tel que s'il eust tourné son esprit à la bonne voye, il pouvoit estre mis au parangon des plus signalez Docteurs de l'Église. » Etienne Pasquier. ne sais si le génie de Calvin se serait trouvé aussi propre à échauffer les esprits et à émouvoir les peuples, que fut celui de Luther; mais après les mouvements excités, il s'éleva en beaucoup de pays, principalement en France, au-dessus de Luther même, et se fit le chef d'un parti qui ne cède guères à celui des Luthériens. Par son esprit pénétrant et par ses décisions hardies, il raffina sur tous ceux qui avoient voulu en ce siècle-là faire une Église nouvelle, et donna un nouveau tour à la réforme prétendue. » Bossuet. ? « Le texte français de /Institution est, avec le livre de Rabelais, le plus grand monument de notre prose dans la première moitié du XVIe siècle, et l'on peut dire qu'il faut descendre jusqu'à Pascal et Bossuet pour retrouver une aussi haute et sérieuse éloquence appliquée aux matières de philosophie morale et religieuse. » G. Lanson. « Que Von cherche bien, et l'on constatera que le Réformateur français a réalisé une construction unique en son genre, qu'Aucune autre, depuis, n'a égalée, en ce qui touche l'ampleur du dessein, la clarté et l'enchaînement des divisions, et je ne sais quelle passion intérieure qui anime d'un bout à l'autre ce vaste exposé, au point d'en faire comme un véritable drame, comme une tragédie grandiose dont l'homme et son salut éternel fournissent le pathétique sujet. » A. Lefranc. ? « Calvin a donné à la théologie ses lettres de naturalisation littéraire. Si, depuis son siècle, il y a dans notre France une littérature religieuse, c'est bien à lui qu 'on le doit. » P. Imbart de la Tour.


Calvin, Jean [Jean Cauvin] (Noyon 1509-Genève 1564) ; réformateur français. Chef incontesté de la Réforme après la mort de Zwingli et de Luther, C. devient, après avoir édifié l’Église réformée de Genève, l’initiateur d’un mouvement protestant de très large ampleur, capable de tenir tête à l’offensive de la Contre-Réforme. Fils de Gérard Cauvin, qui gérait les affaires de l’évêque de Noyon en Picardie, et d’abord destiné à devenir prêtre, après avoir étudié à Paris les humanités et la théologie, il se dirige toutefois, sur les conseils de son père, vers l’étude du droit, et reçoit aux universités d’Orléans et de Bourges une formation juridique complète. Son adhésion à la foi évangélique sous l’influence de professeurs comme Mathurin Cordier, Alciat, Wolmar (v. 1530) l’amène à s’enfuir de Paris en 1534 et à se fixer provisoirement à Bâle, où il rédige son ouvrage majeur, l'Institutio Reli-gionis Christianae (1536) qu’il traduira lui-même en français, et qui connaît par la suite d’autres éditions augmentées, en 1539 et 1559 notamment. Ce traité, destiné d’abord à défendre la doctrine des protestants français, est en fait le plus important ouvrage dogmatique de l’époque : fortement appuyé sur le catéchisme de Luther, il pose les bases de l’œuvre théologique de C. tout en présentant une synthèse systématique des grands enseignements de la Réforme. En août 1536, C. traverse la ville de Genève et y rencontre le premier réformateur de la ville, Guillaume Farel (1489-1565), qui le conjure de l’aider à organiser l’Église genevoise. Très vite, C. exerce dans la ville une influence prépondérante, mais la résistance d’une partie des bourgeois, hostiles à la sévère discipline morale qu’il tente de leur imposer, et refusant d’adhérer à la nouvelle religion, a pour effet, dès Pâques 1538, l’expulsion des deux réformateurs. Appelé par Bucer, C. va chercher refuge à Strasbourg où il organise la communauté des réfugiés français. Invité à participer aux colloques religieux de Francfort, Haguenau, Worms et Ratisbonne, il peut ainsi se faire une meilleure idée du protestantisme allemand (il fait d’ailleurs la connaissance de Melanchthon) et de la situation politique internationale. Rappelé à Genève en 1541 par les Genevois eux-mêmes, il s’empresse d’y remettre en vigueur sa réglementation de l’Église réformée. La même année, le conseil de la ville entérine ses Ordonnances ecclésiastiques qui, en assimilant communauté religieuse et communauté politique, déterminent jusque dans les moindres détails la vie religieuse, morale et civile de la cité. A côté des quatre ministères (pasteurs, docteurs, anciens et diacres, ayant respectivement pour mission de prêcher et de veiller au salut des âmes, d’enseigner, de faire respecter la discipline ecclésiastique et de s’occuper des pauvres), sont créés deux conseils ecclésiastiques, dont le Consistoire, assemblée des pasteurs et des anciens chargée de surveiller la vie spirituelle et morale de la communauté. Par la menace de punitions d’ordre aussi bien spirituel (excommunication) que séculier, cette organisation a pour but de contraindre les fidèles à suivre de la manière la plus stricte les commandements de Dieu (les jeux de cartes, la danse, la fréquentation des auberges sont interdits, l’adultère et la luxure sont passibles de peine de mort). La réglementation du culte aboutit, en supprimant les autels, les orgues, les images saintes et les bougies, à une grande simplification, plus radicale que celle du culte luthérien : le culte se limite aux prônes, à la prière et au chant des Psaumes. Ce n’est qu’au prix de luttes acharnées que C. peut faire appliquer ses règlements : des Genevois de vieille souche et certains de ses anciens partisans sont condamnés à l’exil, à l’humiliation publique, voire exécutés. La mort sur le bûcher du médecin espagnol Michel Servet en octobre 1553 marque le paroxysme des affrontements. Peu de temps après, C. a enfin la ville bien en main. Genève, dont la prospérité ne fait que s’accroître, devient le centre du monde protestant. En 1559 est fondée une académie de théologie destinée à la formation de pasteurs calvinistes : le recteur en est Théodore de Bèze. Grâce à une vaste correspondance, C. influence très fortement les Églises protestantes de France, d’Angleterre, d’Écosse, de Pologne et de Hongrie. Bien que sa pensée soit initialement très proche de celle des luthériens, toutes les tentatives de fusion échouent, butant sur sa conception de la Cène qui, de même que sa doctrine de la prédestination et celle de l’incommensurable distance entre Dieu et l’homme, atteste de l’empreinte très marquée de l’Ancien Testament sur sa théologie. En revanche, il réussit, en joignant ses efforts à ceux de Bullinger, à amorcer l’unification des Églises suisses (calvinistes et partisans de Zwingli). Celle-ci ne fut achevée qu’après sa mort par la Confessio Helvetica Posterior (1566). La grande œuvre de C., accomplie grâce à son énorme force de travail et en dépit d’une constitution physique fragile et maladive, trouva des prolongements chez ses successeurs et eut des répercussions dans l’évolution politique, économique et sociale de toute l’Europe et de l’Amérique du Nord. La notion d’élection, l’autorisation par C. d’une certaine forme de prêts à intérêt ont sans doute encouragé, plus peut-être que le luthéranisme, l’initiative des entrepreneurs. En Écosse (John Knox) et chez les huguenots français, le calvinisme, dans le contexte d’un environnement catholique, prit un caractère particulier avec la doctrine de la résistance à la tyrannie qui érige en devoir la lutte contre l’autorité incarnée par un souverain d’une autre confession (notion de tyrannicide). Bibliographie : J. Rilliet, Le Vrai Visage de Calvin, Toulouse, 1982 ; id., Calvin, 1503-1564, 1963 ; J. Cadier, Calvin, sa vie, son œuvre, avec un exposé de sa philosophie, 1967 ; E.G. Léonard, Histoire générale du protestantisme, t.1 : La Réformation, 1961, p. 258-309.

CALVIN, Jean CAUVIN, dit (Noyon, 1509-Genève, 1564). Réformateur religieux et écrivain français. Après des études au collège de Montaigu à Paris où il acquit une grande connaissance de la philosophie et des Pères de l'Église, il étudia le droit à Orléans et à Bourges. Plus intéressé à cette époque par l'humanisme d'Érasme que par la pensée luthérienne, il publia en 1532 son premier livre, un commentaire du De clementia de Sénèque. Mais une conversion profonde l'amena bientôt à adhérer à la Réforme. En 1533, profitant de la rentrée de l'université de Paris, il rédigea un discours, adaptant des textes d'Érasme et de Luther, qui fit scandale et l'obligea à quitter la France pour Bâle où il publia la première édition en latin de l'Institution de la religion chrétienne (1536), traduit plus tard par lui-même en français (1541). Premier livre à exposer des thèmes théologiques en français, cet ouvrage est encore aujourd'hui considéré comme l'un des premiers monuments de la langue française, mais aussi le livre de base de la pensée réformée. Installé à Genève (1536) où la Réforme venait d'être adoptée, Calvin tenta d'appliquer dans cette ville le principe de ses pensées mais en imposant aux Genevois une sévère discipline morale, il en fut chassé. Ce fut à Strasbourg, ville libre où s'était réfugiée la communauté de Français fuyant les persécutions après l'affaire des placards, qu'il s'établit. Avec Bucer, il y organisa l'Église des réformés de France tout en enseignant la théologie. Rappelé à Genève par le Conseil de la ville (1541), il y joua dès lors un rôle tout-puissant, à la fois religieux et politique. Par la rédaction de ses Ordonnances ecclésiastiques dans lesquelles il établit les quatre ministères qui sont à la base de l'Église réformée (pasteurs, docteurs, anciens et diacres), il fixa le statut de l'Église de Genève. Il réorganisa l'Académie de la ville (1559), établissement d'enseignement supérieur pour la formation des pasteurs, qui devint bientôt un centre universitaire renommé et s'attacha à l'éducation religieuse des Genevois (rédaction d'un Catéchisme), combattant tous ceux qui s'opposaient à sa doctrine (affaire Michel Servet, 1553). À la mort de Calvin, Théodore de Bèze, son disciple, le remplaça à la tête de l'Église réformée. La diffusion du calvinisme fut, ensuite, extrêmement rapide.

CALVINISME. Nom donné à la doctrine religieuse de Calvin. Les fondements de la foi calviniste furent exposés dans un ouvrage rédigé par Calvin, Institution de la religion chrétienne. Les principes théologiques du calvinisme reposent notamment sur la doctrine de la prédestination et de la grâce. Les calvinistes considèrent aussi les Saintes Écritures comme unique source de la foi et ne reconnaissent comme seuls sacrements que le baptême et la communion. L'Église calviniste est dirigée, à plusieurs échelons, par des conseils de pasteurs et de laïcs, chaque conseil élisant ses délégués à l'échelon supérieur. L'éthique calviniste, selon le sociologue Max Weber {L'Éthique du protestantisme et l'esprit du capitalisme), aurait joué un rôle important sur le plan économique et politique (théorie nuancée plus tard). Il aurait, en autorisant le prêt à intérêt et en favorisant l'austérité, le goût de l'épargne et l'esprit d'initiative, encouragé le capitalisme. Par l'organisation de son Église, il aurait enfin contribué à développer les principes de la démocratie politique. Le calvinisme se répandit en Europe : en France où il fut persécuté jusqu'au XVIIIe siècle, en Hongrie, dans l'Empire, aux Pays-Bas, en Angleterre et en Écosse (John Knox), puis, à partir du XVIIe siècle en Amérique du Nord. On compte aujourd'hui environ 40 millions d'adeptes.

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