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brièveté

La brièveté s’oppose à l’abondance : voilà une proposition qui paraît aussi banale qu’évidente ; elle sert de base à l’une des articulations les plus fondamentales et les plus productives de toute l’histoire de la rhétorique; et pourtant, tout à la fois, elle constitue une énorme pétition de principe. Il s’agit apparemment de caractériser un style, le style bref. On admettra donc aisément que la question relève de l’élocution, de la composition, et même de la disposition. Encore qu’on ne voie pas très bien en quoi le choix des mots et leur arrangement syntaxique puisse être plus ou moins bref ; sans doute faut-il considérer davantage la disposition, qui peut conduire à gérer plus au moins abondamment telle ou telle partie du discours ; et surtout, on examinera d’une part le jeu des figures microstructurales qui tiennent à l’organisation grammaticale et aux formes de la répétition, d’autre part la totalité des procédures (macrostructurales) de l’amplification : sous ces aspects-là, il y a bien évidemment matière à une variation presque infinie de l’abondant au bref, avec des degrés de chaque côté. Comme exemples anciens de style bref, on aurait celui des écrits de Lysias, de César, de Salluste ; on peut considérer Marot comme un écrivain du style bref, et, pourquoi pas, Érasme ; la littérature épistolaire constituerait aussi un bon témoin. L’analyse de la portée du mot au xviie siècle en souligne l’ancrage dans la partie la plus ancienne de la rhétorique (qui n’a pas été reprise ici, mais dont Quintilien parle avec assez de détail) : la phonétique et la grammaire. On distingue les syllabes longues et brèves, selon qu’on les prononce plus lentement ou plus vite. Et les lexicographes mélangent immédiatement ce type d’emploi avec un autre, plus large, mais toujours langagier : un discours bref; on a fait de brèves remontrances sur cette affaire; ce commentaire est trop bref cela le rend obscur. On envisage alors la longueur (courte) d’un texte ou d’un acte verbal. On notera que la brièveté apparaît comme un caractère remarquable, presque peu attendu. Et dans cet ordre d’idées, le dernier exemple cité pousse la logique de l’impression jusqu’à désigner un inconvénient : si c’est bref, c’est un risque quasi inévitable d’excès, forcément dans le sens d’un vice, l’obscurité. On en arrive ainsi au problème rhétorique de la brièveté. C’est qu’il existe une forte tendance, depuis très longtemps, à associer la brièveté et le style bas, voire à rapprocher le bref et le sec (qui est toujours appréhendé comme un vice). La brièveté caractériserait alors les petits genres, comme certaine types de comédies, ou les facéties, les sujets agrestes, ou très personnels. La brièveté serait donc un défaut vis-à-vis de l’abondance, et irait bien avec une certaine légèreté de sujets, de matières, manquant vraiment de gravité et même de dignité. Mais on sait que les choses ne sont pas souvent, ni surtout durablement simples en rhétorique. On assiste à deux mouvements de nature à contrecarrer cet atavisme. D’abord, la tendance à la convenance, à l’adaptabilité, et finalement à la variation, qui conduit à sortir l’analyse des genres de la grille des niveaux : le style bref peut être bon comme tel, en fonction de la situation du propos (par exemple, en argumentation, dans la narration ou dans l’altercation). Ensuite, en pragmatique proprement littéraire, on admettra qu’il existe des esthétiques différentes, non seulement en relation avec tel ou tel genre (des lettres, des recueils de pensées, des Mémoires), mais en soi : on peut apprécier la tension du dépouillé, du raccourci, du fragmentaire, puisqu’il existe même du sublime peu orné. À la limite, on débouche sur un genre à part entière, le discours bref défini à la fois par sa taille extérieure et par sa nervosité et sa condensation verbales internes, qui marque si singulièrement tout un champ des lettres européennes aux xvie et xviie siècles. On en arrive à découvrir plusieurs horizons rhétoriques de la brièveté, dont le dernier n’est pas sans toucher davantage notre sensibilité moderne.

=> Éloquence, oratoire, orateur, oraison; style, niveau, genre; élevé, bas; sublime; élocution, disposition, composition, partie, narration, altercation; figure, macrostructurale, microstructurale, répétition; amplification; ornements ; pensée ; qualités, vices; abondance, gravité, dignité, convenant, variation; obscurité, sécheresse; coupé.

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