BRETON André

BRETON André
1896-1966
Poète, né à Tinchebray, dans l’Orne. Il est poète en toutes ses activités (même dans la vie pratique) et, poète encore, s’il s’avise d’écrire un roman ; ou lorsque, dans sa série des Manifestes du surréalisme, échelonnés tout au long de sa carrière, il se fait théoricien poétique (cette fonction peut faire sourire ; mais n’y a-t-il pas des « théoriciens politiques » ?). Au début de la Première Guerre mondiale, étudiant en médecine, il est affecté au service neuropsychiatrique ; ce qui lui vaut de découvrir les théories de Charcot et de Freud sur l’activité (tant normale qu’anormale) de l’inconscient. Quand il rejoint le mouvement dadaïste alors en pleine croissance (1919), il ne tarde pas à le juger trop uniquement négatif à son goût. Dès cette même année 1919, il propose un renouvellement de la littérature (cette « littérature », que vient de condamner le dadaïsme) au moyen de l’écriture automatique ; et, aussitôt, il en donne avec Philippe Soupault (dans Les Champs magnétiques) le premier exemple. Ayant rompu en 1922 avec le groupe dadaïste, il lance le premier Manifeste du surréalisme (1924 ; le deuxième est de 1930 ; quant aux autres, plus tardifs, ils n’auront pas la même force percutante et ne rencontreront pas le même écho). Le Manifeste du surréalisme, en dépit de son titre, n’entend nullement fonder une école. Au-delà de la poésie et de son public - mais par le moyen de la poésie, c’est-à-dire de l’attitude poétique face à la vie - il se propose de changer la société, et ce à l’échelon même de l’homme de la rue, de changer notre mode de pensée. Seule l’attitude surréaliste peut nous affranchir de structures morales ou logiques dont l’humanité s’encombre et se ligote depuis les Grecs et les Romains. L’homme secouera son esprit de toutes ses habitudes et s’entraînera à suivre, docilement, le hasard de l’esprit ; il s’abandonnera à la rencontre, à l’inattendu. 11 ouvrira tous les biefs, ceux de la révolte comme ceux de la rêverie. Il sera somnambule volontaire. Il mettra à la place d’honneur le subconscient - si mal nommé par Théodule Ribot, puisque ce mot implique une infériorité -, qui est, en fait, ressort et tremplin tout ensemble de notre élan vers la surréalité. Il pourra enfin se retourner, avec un étonnement joyeux, vers ce domaine qu’avaient maudit les siècles rationalistes : le côté nocturne de la vie. Ainsi la logique sera dépossédée de sa place traditionnellement privilégiée dans notre mode de vie, dans notre culture, et se limitera désormais à la résolution de problèmes d’intérêt secondaire. La poétique proprement dite du surréalisme n’est donc, dans le cadre du mouvement, qu’un simple cas particulier, un moyen d’entraînement, un exercice en vue de l’acquisition de ce nouveau mode de pensée : Faites-vous apporter de quoi écrire [...] Placez-vous dans l’état le plus passif, ou réceptif, que vous pourrez [...] Écrivez vite sans sujet préconçu [...] La première phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu’à chaque seconde il est une phrase étrangère à notre pensée consciente qui ne demande qu’à s’extérioriser. Le but premier de cette technique ou du moins son résultat le plus beau, sa manifestation exemplaire, est l’apparition du rapprochement en quelque sorte fortuit de deux termes. De la nuit de notre conscience prélogique, André Breton nous promet de faire ainsi sortir des éclairs ; et c’est la plus belle des nuits... Il nous donne alors quelques exemples des bonheurs inattendus d’expression que rencontre à chaque pas la pensée poétique, une fois parvenue, au terme d’un patient dressage, à s’abandonner au hasard (chez Pierre Reverdy, son contemporain, mais aussi chez Lautréamont, qu’il salue comme le grand précurseur). Toutes ces images - conclut-il - semblent témoigner que l’esprit est mûr pour autre chose que les bénignes joies qu’en général il s’accorde. Comme Breton l’avait prédit, le Manifeste déclencha un nouveau style de vie, et, sans aucun doute, une nouvelle conception de la littérature. Mais, la peinture, le théâtre et le cinéma en subirent eux aussi les contrecoups. Dans l’esprit de son initiateur, enfin, le groupe surréaliste se voulait aussi une centrale, qui devait prendre position sur le plan politique ; et Le Surréalisme au service de la révolution sera le titre adopté pour la revue du mouvement, de 1930 à 1937. Or le théoricien Breton n’a cessé de prêcher d’exemple : ainsi, Nadja (1928), roman des rencontres parfaites, livre enchanté comme un conte de fées moderne, qui nous fait évoluer longuement, et doucement, guidé par l’impérieuse déraison du poète dans un monde presque défendu : celui des rapprochements soudains, des pétrifiantes coïncidences ; puis Les Vases communicants (1932), un de ses meilleurs recueils poétiques; L’Amour fou (1937), lequel, selon Breton, dès lors qu’il est l’amour unique, restitue à toutes choses les couleurs perdues du temps des anciens soleils; un essai : De l’humour noir (1937), qui s’adjoindra une Anthologie, en 1940 (interdite aussitôt en France par le gouvernement de Pétain). Pourtant, la carrière du poète était devenue, peu à peu, assez décevante. Après avoir « exclu » certains des fidèles du groupe, par exemple, en 1927, Artaud, Soupault et Vitrac (parce qu’ils refusaient d’adhérer au PC que lui-même quittera en 1933), il dut, peu après la Seconde Guerre mondiale (qu’il avait vécue pour l’essentiel hors de France : aux États-Unis ou au Mexique) voir s’éloigner définitivement Éluard et Aragon, précisément parce qu’ils étaient restés fidèles pour leur part à l’idéal d’une révolution communiste. Le seul thème qu’ait préservé Breton des temps héroïques, celui de la révolution par la poésie, semble alors bien étranger aux préoccupations de ce nouvel après-guerre. À part l'Ode à Charles Fourier (1947), Breton n’apportera plus guère à son œuvre poétique qu’une abondante et sans contredit éblouissante exégèse, en complément aux deux premiers Manifestes de 1924 et 1930. Jamais d’ailleurs il n’a écrit aussi somptueusement, avec une aussi chaleureuse et souveraine eurythmie, ainsi qu’en témoigne Perspective cavalière, recueil posthume de textes réunis après sa mort (1971) et couvrant la période 1952-1966. Car ce poète est aussi - et surtout peut-être - un magistral artisan de la prose. Très concertée, quoi qu’il en dise, mais véritablement rayonnante, vivante (convulsive, ainsi qu’il le proclame lui-même à la dernière ligne de Nadja), la muse d’André Breton est à l’image exacte de sa phrase ; elle offre, avec une royale satisfaction, son opulente beauté physique. Et le plus souvent, cette richesse et cette beauté de la phrase lyrique, chez Breton, naissent de la continuité même dans le développement d’une image unique, d’une métaphore unique (À flanc d’abîme, construit en pierre philosophale, s’ouvre le château étoilé...), à quoi s’allie un rythme savant, solennel, amplement déroulé comme une période oratoire de Bossuet ou de Chateaubriand.
Breton
(André, 1896-1966.) Principal théoricien et animateur du mouvement surréaliste. ♦ Dès le Premier Manifeste du surréalisme (1924), il critique violemment la sclérose de rationalisme étroit et réclame que l'imagination ait tous les droits, en même temps qu'on prête attention au rêve et à l'inconscient. Sa découverte précoce de Freud le place en effet parmi les premiers intellectuels français qui aient pris la psychanalyse au sérieux, à un moment où les psychiatres n'y voyaient en général qu'un système odieusement pansexualiste et lourdement germanique. Aussi Breton, fidèle à l'injonction rimbaldienne de « changer la vie », essaiera-t-il dans Les Vases communicants (1933) de montrer - en particulier aux communistes de l'époque - qu’il est nécessaire, si l'on veut aboutir à une révolution intégrale de l’homme, d'unir les enseignements de Freud à ceux de Marx. ♦ Très tôt déçu par la révolution soviétique et antistalinien, il rédige avec Trotski le manifeste Pour un art révolutionnaire indépendant (1938), où la liberté la plus complète est revendiquée pour l'artiste ; mais après la Seconde Guerre mondiale, ses sympathies politiques se partageront entre l'anarchie et le socialisme « utopique » à la Fourier, pendant qu'il réclamera l'élaboration d'un « mythe nouveau » où pourraient fusionner les tendances rationnelles et les besoins sensibles de l'homme. ♦ Bien que non philosophe de profession, Breton donne l'exemple, dans toute son œuvre, d'une pensée fortement marquée par Hegel et la dialectique, où il trouvait en particulier la justification de la « poétisation » de tous les arts.
BRETON (ANDRÉ) Écrivain français né à Tinchebray (Orne) en 1896, mort à Paris en 1966. D'abord étudiant en médecine, il se tourne peu à peu vers la poésie. Il fréquente Apollinaire, Aragon, Eluard, lit Freud et Lautréamont, et s'affirme comme le théoricien du mouvement surréaliste. Il proclame alors sa volonté de rompre avec le passé et de renouveler les moyens d'expression : exploration du subconscient, du rêve, écriture automatique, etc. Politiquement, il opte pour le communisme (1927). Pendant la Seconde Guerre mondiale, il s'exile aux États-Unis (1941) et ne rentre qu'en 1947. Il est l'auteur du Manifeste du surréalisme (1924), de Clair de Terre (1924), de Nadja (1928), de L'Amour fou (1937)...