BOUTER
BOUTER vient de la langue germanique des Francs, le francique, où le verbe bôtan signifie «frapper» (voir le néerlandais médiéval bot-ten). De ce sens, on passe à celui de «pousser». Chacun sait que Jeanne d'Arc voulait « bouter les Anglais hors de France ». Normalement, le t du radical aurait dû s'affaiblir et même disparaître en passant en français. S'il s'est maintenu, c'est que le mot germanique est d'introduction relativement récente. On trouve cependant sans le t du radical un mot comme bousculer (bouter + cul = « pousser au derrière ») ; le radical y a été influencé par le mot basculer. La famille de bouter et de bousculer est riche de dérivés et de composés. Nous noterons, entre autres, les mots bousculade, boutefeu, boute-en-train. Originellement, cette expression pittoresque désigne en zootechnie le (beau) mâle qu'on place dans le voisinage des femelles, telles les juments, pour les disposer à l'accouplement : «pour les mettre en train»! Par une curieuse analogie, boute-en-train désigne aussi une personne qui met en mouvement (ou en gaieté). On appréciera comme il convient cette réflexion de Balzac : « Camille Desmoulins avait été le premier boute-en-train de la Révolution. » C'est encore à cette famille qu'appartient le mot bout, déverbal (nom de l'action) de bouter. Le bout, c'était l'«action de bouter», c'est-à-dire le «coup», avant de devenir «l'extrémité qui porte le coup». Une boutade est une «pointe» (spirituelle) qu'on pousse contre quelqu'un ou sur un sujet. La bouture est une « pousse » dont on fera une plante entière une fois régénérée. Aboutir, c'est arriver au bout, au couronnement de ses efforts. Maintenir debout, c'est originellement tenir «bout à bout», d'où le sens actuel, «être en position verticale ». De même, on trouvera le sens originel de bouter ou de bout dans les termes débouter, emboutir, rebouter, etc. On le trouvera encore dans le mot bouton, qui désigne la «pousse» (voir ci-dessus bouturé), et dans toute la famille du mot. De cette famille, toujours sur la racine germanique bôtan, il faut sans doute rapprocher bosse (du francique bôtja) qui désigne le «coup» et la «tumeur qui en résulte». D'où la famille où l'on trouvera bossu (refait sur les participes en u comme cousu) et bosseler, bosselage, etc; et même cabosser ou encore caboche (forme picarde dérivée de bosse où l'addition de ca- vient des dérivés en langue méridionale du latin caput = « la tête »).