Databac

BLOY (LÉON)

BLOY (LÉON)
français né à Périgueux en 1846, dans une famille modeste, mort à Bourg-la-Reine en 1917. Sa vie n'est qu'un long combat mené au milieu d'une effroyable misère que retrace en partie ses livres Le Désespéré (1886) et La Femme pauvre (1897) : sur ses quatre compagnes, deux meurent, l'une devient folle, la dernière, qu'il épouse, met au monde quatre enfants dont seulement deux survivent. Catholique converti, il est, dans ses positions, d'une intransigeance extrême, provoquant une adversité qui ne le lâche jamais. Ses articles, où il dénonce le matérialisme de son époque qu'il voudrait « sacraliser » davantage (il veut notamment faire canoniser Christophe Colomb, le « révélateur du globe»), sont d'une telle violence qu'il est renvoyé de tous les journaux auxquels il collabore. Quand il emprunte de l'argent, il ne remercie jamais: lui-même se désigne comme un « mendiant ingrat ». À tel point qu'une véritable conspiration du silence entoure son œuvre de son vivant, malgré son style, d'une rare vigueur et aux échos fréquemment mystiques. Les dernières années de sa vie sont plus paisibles.: son talent reconnu, le « pèlerin de l'absolu » s'éteint, entouré de disciples.
Pamphlétaire et romancier, né à Périgueux. C’est surtout l’essayiste et le polémiste qui retiennent aujourd’hui l’attention du public. Spiritualiste sincère mais trop impatient, Bloy inquiéta d’abord l’Église, dont, sans relâche, il dénonçait la tiédeur. Dans le Journal d’un entrepreneur de démolitions (1884) il clamait son ferme propos d’être toujours imprudent et de remplacer toute mesure par un perpétuel débordement. « Pèlerin de l’Absolu » (ainsi se surnomme-t-il), comme Bernanos il annonce aux hommes l’imminence de la catastrophe qui doit en finir avec ce monde de la médiocrité. Médiocrité dans la morale, dans l’art, dans tous les domaines. La Révolution de 1789 a été une duperie et l’esprit positif et matérialiste du bourgeois a avili tout ce qu’il a touché. Curieusement, lorsqu’il s’attaquera à la médiocrité en matière de pensée (Exégèse des lieux communs, 1902-1913), on le verra commenter avec patience chacune de ces « idées reçues », et, en définitive, lui trouver presque une justification au nom de la sagesse traditionnelle. Mais il ne faut voir aucune indulgence, ici, aucune volonté d’apaisement ; bien au contraire. Jamais Bloy n’a été si « désespéré » ; ou plutôt : si vindicatif. Alors que Flaubert, dans son célèbre Dictionnaire des idées reçues, s’amusait encore de la bêtise et se trouvait suffisamment content d’inventorier, Bloy s’évertue, par dérision, à paraphraser jusqu’à écœurement chacune de ces banalités, puis il nous montre qu’en somme il n’y a pas d’issue, car l’idée opposée est tout aussi stupide. De son vivant, Bloy dut le peu de notoriété qu’il réussit à conquérir (c’est lui qui inventa la notion de conspiration du silence) aux deux récits du Désespéré (1886) et de La Femme pauvre (1897). Sauvés auprès de la critique de son temps par leur style vigoureux, ils n’en sont pas moins délaissés - et bien à tort - par le public d’aujourd’hui ; peut-être en raison de l’accumulation des épisodes dramatiques. Ainsi, dans Le Désespéré, la folie où sombre à la fin du roman la pieuse Véronique, ex-prostituée repentie ; ou, auparavant, la défiguration volontaire qu’elle s’était imposée pour mettre son rédempteur (l’écrivain Marchenoir) à l’abri de toute tentation chamelle et pour qu’il puisse achever son évolution vers le mysticisme. Par contre, on ne peut rester indifférent devant la figure pathétique de Marchenoir. C’est Bloy lui-même que sous ce masque chacun croit reconnaître. En particulier dans la scène étonnante du banquet : Marchenoir souhaite remercier des confrères catholiques qui l’ont invité à collaborer à leur journal Le Pilate, mais il ne peut se retenir bien longtemps de clamer son mépris universel, et sans crier gare il se met à invectiver ses nouveaux amis.


BLOY (LÉON)
Écrivain français né à Périgueux en 1846, mort à Bourg-la-Reine en 1917. Sa vie ne fut qu’un long combat mené au milieu d’une effroyable misère que retrace en partie son livre Le Désespéré, écrit en 1886. Catholique converti, il fut dans ses positions d’une intransigeance extrême. Une véritable conspiration du silence entoura son œuvre de son vivant.


BLOY Léon. Écrivain français. Né à Périgueux le 31 juillet 1846, mort à Bourg-la-Reine, le 3 novembre 1917. Fils d’un fonctionnaire des Ponts-et-Chaussées, second d’une nombreuse famille, Léon Bloy fit de brèves études; à quatorze ans, il quitte le collège pour étudier le dessin et, dès 1864, il travaille à Paris où il est commis d’architecte. La rencontre de Barbey d’Aurevilly, en 1867, détermine sa conversion, ou plutôt son retour au catholicisme et le confirme dans ses ambitions littéraires. Mais la guerre le ramène à Périgueux et, démobilisé (il a combattu dans l’armée de la Loire), il décide d’y demeurer. En 1873, il revient à Paris et occupe divers emplois : copiste chez un notaire, commis à l’enregistrement, dessinateur aux Chemins de Fer du Nord, tandis qu’il fait ses premières et difficiles tentatives littéraires; l’Univers, journal de Veuillot, la Restauration, la Revue du Monde catholique... acceptent mal son intransigeance religieuse et sa violence; il ne peut publier ni La Méduse-Astruc, poème en prose inspiré par un buste de Barbey, ni La Chevalière de la mort, étude poétique et mystique sur Marie-Antoinette. Il lui faudra attendre 1882 pour trouver dans un petit journal, Le Chat noir, la liberté d’écrire. Les quelques années qui précèdent sont pour lui fort des années importantes, marquées par la rencontre avec Anne-Marie Roulé (on renverra ici au Désespéré : le drame vécu par Caïn Marchenoir et Véronique fait mieux saisir que tout récit cette aventure où le mysticisme peu à peu l’emporte sur la sensualité), par la mort de son père, en mai 1877, par celle de sa mère, en septembre, par les séjours à la Grande Trappe de Soligny, où il fait de vains essais de vie monastique, par les pèlerinages à La Salette où l’entraîne Tardif de Moidrey. Léon Bloy dira plus tard de ce prêtre qu’il « tenait de lui le meilleur de ce qu’il possédait intellectuellement », l’idée même de ce « symbolisme universel » qu’il allait appliquer à l’histoire, aux événements contemporains et à sa propre vie. Dès cette époque, il écrit Le Symbolisme de l’Apparition qui ne sera publié qu’en 1925. En juin 1882, Anne-Marie Roulé, devenue folle, doit être internée. « Je suis entré dans la vie littéraire à trente-huit ans, après une jeunesse effrayante et à la suite d’une catastrophe indicible qui m’avait précipité d’une existence purement contemplative » dira plus tard Léon Bloy. C’est en 1884, en effet, qu’il publie ses deux premiers livres, Le Révélateur du Globe, étude sur Christophe Colomb, qui malgré l’élogieuse préface de Barbey, passe à peu près inaperçu, et les Propos d’un entrepreneur de démolitions ; recueil des articles donnés depuis la fin de 1882 au Chat noir, ce second ouvrage provoqua par la violence de ses attaques quelque scandale; il en fut de même au Figaro où Bloy accueilli avec éclat se vit très vite refuser ses articles; il créa alors son propre journal, Le Pal, dont la publication fut interrompue après quatre numéros. Commencé à cette époque — il parut en 1887 — Le Désespéré donne, à travers la transposition romanesque, l’image la plus juste de la vie de Bloy jusqu’à cette date; ce mode d’expression, à demiautobiographique, lui convient alors et il envisage bientôt d’écrire un second roman, La Désespérée : l’héroïne en serait Berthe Dumont qu’il a rencontrée en 1884 et qui mourut en 1885. Mais, pour vivre, il revient au journalisme, publie dans le Gil Blas, en 1888 et 1889, des articles repris plus tard dans Belluaires et Porchers, collabore ensuite à La Plume. En avril 1889, meurt Barbey d’Aurevilly, en août Villiers de l’Isle-Adam, avec qui Bloy était fort lié depuis quelques années. A la fin de cette même année, il rencontre Jeanne Molbech, fille d’un poète danois, qu’il épouse l’année suivante. Déçu par ses échecs, il quitte la France en février 1891 pour le Danemark où il fera des conférences. C’est à Copenhague que naît, en avril, sa fille Véronique. Ce séjour est aussi le moment de la rupture avec Huysmans dont le prétexte fut l’attitude inamicale de ce dernier, et la vraie raison la publication de Là-Bas où Bloy retrouvait ses idées (et sa personne) caricaturées. Il revient en septembre 1891 au moment du procès que Péladan lui avait intenté, pour un article. Quelques mois plus tard, les derniers amis connus auprès de Barbey : Buet, Landry, Louise Read... le « lâchent » à leur tour. En 1892, paraît Le Salut par les Juifs , l’un de ses ouvrages auquel il attachait le plus d’importance; écrit pour répliquer à Drumont, il est au centre de la pensée et des rêves de Bloy qui ordonne l’histoire du monde autour d’Israël. La même année, il rentre au Gil Blas auquel il donne des récits inspirés par la guerre de 1870, repris en 1893 dans Sueur de sang, et une série de nouvelles, Histoires désobligeantes (1894). Une polémique où il défendit Tailhade mit fin à cette collaboration; Léon Bloy devant les cochons raconte les détails de cette affaire. Léon Bloy revient alors au projet ancien de roman; mais l’année 1895 lui est particulièrement douloureuse; en janvier, son fils André, né en février 1894, meurt subitement; Pierre, qui naît en septembre, meurt lui aussi quelques semaines plus tard. Bloy évoquera ces événements dans La Femme pauvre où, comme dans Le Désespéré, est reprise, transposée, sa propre vie. La rédaction de ce récit est achevée en mars 1897. En mars également naît sa fille Madeleine. Depuis 1892, il tenait régulièrement sans intention littéraire son journal; il eut, en 1895, l’idée d’y puiser la matière d’un livre; cette relecture fit naître le projet d’une publication pour laquelle il reprit le texte, l’allégeant, le récrivant parfois. Le Mendiant ingrat (1892-1895) fut publié en 1898; sept autres volumes devaient suivre. Ni La Femme pauvre ni Le Mendiant ingrat n’ayant obtenu le succès espéré, Bloy décide de quitter à nouveau la France pour le Danemark; il y passe dix-huit mois avec sa famille. En lisant Fécondité de Zola que l'Aurore publiait en feuilleton, il prit les notes d’où il tira Je m’accuse... , pamphlet où la critique de Zola se mêle à des réflexions sur la politique française et l’affaire Dreyfus. Il écrit aussi au Danemark Le Fils de Louis XVI. De retour en France, en 1900, il publie ces deux ouvrages et travaille à l'Exégèse des lieux communs qui paraît en 1902; il poursuivra dans une « deuxième » série (1912) cet inventaire, « livre terrible sous son apparente cocasserie », où sont analysées une à une ces expressions toutes faites par quoi se traduit la « sottise bourgeoise ». La polémique se fait à nouveau plus directe dans Les Dernières colonnes de l’Eglise, études sur les écrivains catholiques admis : Coppée, Brunetière, Bourget, Huysmans... En 1904, paraissent Mon Journal (1896-1900), en 1905, Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne, récit des quatre années passées à Lagny, après le retour du Danemark, et Belluaires et Porchers, recueil d’articles parfois anciens; certains datent de 1888. Désormais la vie de Bloy se confond avec son œuvre; du moins peut-on se contenter d’une énumération de titres, d’une énumération aussi des amis, de plus en plus nombreux, qui l’entourent à cette époque : Jacques et Raïssa Maritaux, Van der Meer, Rouault, Ricardo Vinès, Georges Auric... pour ne citer que quelques-uns parmi les plus connus; plusieurs ont été convertis par Bloy. A Montmartre, de 1904 à 1911, puis à Bourg-la-Reine, où il mourra, il écrit L’Epopée byzantine (repris plus tard sous le titre de Constantinople et Byzance), rêverie historique à propos d’un ouvrage de Schlumberger; Celle qui pleure (1908), sur La Salette, L’Invendable (1909), journal des années 1904-1907, Le Sang du Pauvre (1909) qui est, avec Le Salut par les Juifs, un des livres où se condense sa pensée. Le Vieux de la Montagne, cinquième volume du journal, paraît en 1911; en 1912, L’Ame de Napoléon, et la deuxième série de l'Exégèse des lieux communs; en 1914, Le Pèlerin de l'Absolu. Bloy regrettera de n’avoir pas donné ce titre à l’ensemble de son journal. La guerre marque profondément les dernières œuvres, les deux volumes du journal, Au seuil de l’Apocalypse (1916) et La Porte des humbles, publié après la mort de Bloy; plus encore Jeanne d’Arc et l’Allemagne (1915), les Méditations d’un solitaire en 1916 et le livre auquel il travaillait au moment de sa mort, Dans les ténèbres. De cette œuvre, les polémiques surtout ont frappé — et irrité — les contemporains; elles expliquent en grande partie l’insuccès sur l’instant, cette « conspiration du silence » dont se plaignait Bloy. Avec le recul, elles n’ont gardé que leur vigueur et souvent leur saveur, et s'intègrent dans l’ensemble de l’œuvre. La violence, plus que colère à l’égard de ceux qu’il jugeait, était pour Bloy un mouvement naturel, une manière d’aborder le réel, un élan que l’on retrouve par ailleurs et qui donne a son style son éclat et sa force. L’unité de cette œuvre est religieuse; il faut la chercher dans la quête de l’absolu, dans la dénonciation des apparences, que l’œuvre romanesque ou historique rend plus sensibles encore que les « méditations » des dernières années. Dans l’histoire de Napoléon ou de Louis XVII, comme à travers ses personnages romanesques ou, dans son journal, à travers les événements de sa propre vie, Bloy cherche à saisir le sens d’un destin. Tout à ses yeux est symbole, ce qui est une affirmation de mystique, mais aussi de poète. Il savait bien que les sujets — romanesques ou historiques —, que les œuvres des autres n’étaient que prétextes à retrouver les grands thèmes et les figures qui le hantaient. Il l’a reconnu souvent : «... le fils de Louis XVI, c’est moi-même, c’est-à-dire... que je l’ai vu en moi, dans la grande glace noire qui est au fond de mon cœur. » Cette image lui est familière : la réalité (l’histoire, le monde, soi-même...) est un « grand miroir aux énigmes » que l’écrivain a mission d’interroger.


♦ « C’est un esprit plein de feu et d’enthousiasme... polémiste de talent, fait pour toutes les luttes, tous les combats, toutes les mêlées... » Barbey d’Aurevilly. ♦ «... C’est bien notre monde qu’il annonce et les auditeurs subjugués le distinguent vaguement à travers les images et les symboles de ce style d’une opulence byzantine, comme on voit entre les puissants piliers de l’Arc de Triomphe descendre un soleil rouge. » Georges Bernanos. ♦ « Quand on lit Bloy, on est transporté aussitôt dans ces régions surnaturelles où il se promène comme sur une grand’route en y faisant sonner des souliers à clous. » Julien Green. ♦ « Je voudrais écrire un article sur Bloy; il me semble que personne n’a encore parlé de lui comme il faut. » André Gide. ♦ « Il détient un génie comique auquel je suis plus sensible dans son œuvre qu’à ses aspects d’Apocalypse... Sa vision des êtres, cette pulsation de la bêtise quotidienne... voilà ce qui est unique chez Bloy. » François Mauriac.