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BERTRAND Aloysius


BERTRAND Aloysius 1807-1841
Né en Italie, à Ceva dans le Piémont, le petit Louis Jacques Napoléon a sept ans quand ses parents le ramènent à Dijon, ville qu’il aimera beaucoup. En 1828 il quitte la province pour Paris, encouragé par l’estime que ses débuts poétiques lui valent dans son entourage. Mais très vite, alors que les jeunes romantiques l’ont accueilli à bras ouverts, le voici qui retourne à Dijon, où il s’enflamme pour la révolution de Juillet 1830. 1832 le revoit à Paris, gagnant péniblement sa vie comme correcteur d’imprimerie. C’est l’époque où il compose son œuvre, un «genre de prose tout nouveau» dit il. Peu à peu pourtant, le besoin le presse; il s’éreinte dans des tâches pénibles; sa santé s’altère; le manque de soins et de ressources le conduisent à l’hôpital de la Pitié d’où il ne sort que pour entrer à Necker. Pris de la poitrine, il meurt de consomption. Son œuvre, Gaspard de la Nuit, Fantaisies à la Manière de Rembrandt et de Calot, une suite de poèmes en prose, est publiée après sa mort, grâce à la diligence de ses amis Sainte-Beuve et David d’Angers, le sculpteur. Si, contrairement à l’opinion avancée par André Breton, Aloysius Bertrand n’a pas inventé la prose poétique il n’en est pas moins un poète d’une profonde originalité, s’efforçant, avec un souci constant de la perfection et un goût parfait des termes archaïques, de retrouver la manière du Moyen-Age, en jetant un pont par-dessus une longue période où la poésie était, elle, devenue prosaïque.
Poète, né à Ceva (Italie). Demi-italien et demi-lorrain, établi à Dijon, il tente de se faire admettre dans les cénacles littéraires de la capitale, rentre dans sa province où il mène une vie misérable, et ne remonte à Paris que pour y mourir, âgé de trente-quatre ans, à l’hôpital Necker. Il n’avait publié aucun des poèmes en prose qui constituent son unique ouvrage : Gaspard de la nuit, fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot. Sainte-Beuve lit le manuscrit, s’enthousiasme - il est encore un peu poète alors - et, aussitôt, le fait éditer (1842). Sans grand succès, d’ailleurs. Un accueil aussi réservé s’explique après tout sans peine : c’est en vain qu'Aloysius (savourons au passage le prénom gothique) rassemble ici tous les thèmes alors à la mode - diables et gnomes, reîtres et gueux, tours et clochetons -, mêlant, selon les principes chers à Hugo, le « sublime » et le « grotesque », tandis que par son sous-titre il rend hommage au romantique allemand à la mode, Hoffmann et à ses Nocturnes ou Fantaisies à la manière de Callot. En vérité l’œuvre, pour l’essentiel, se situe à l’opposé de l’esthétique de son temps : par l’abandon, avant tout, du ton déclamatoire; puis par le refus méprisant qu’il oppose au « ronron » de la versification, au laisser-aller complaisant dans le récit. Pièces brèves, dont l’architecture admet seulement les disciplines qu’elle s’est données (un nombre constant d’alinéas, comportant chacun un nombre constant de lignes). Logique abolie au profit de la notation ; d’où le décousu d’une imagerie qui mêle les détails réalistes à des visions de caractère onirique. Pour finir : humour, toujours sous-jacent ; et voilà qui n’est pas une attitude romantique. On le lui fit bien voir. C’est bien plus tard que ce « romantique » fut salué comme un maître par Baudelaire (qui même lui empruntera la formule du poème en prose), puis par Laforgue, Rimbaud, Max Jacob ; et enfin par les surréalistes. Le Gaspard de la nuit de Maurice Ravel est un nouvel hommage de notre siècle à ce poète retrouvé.


BERTRAND Aloysius (Louis Jacques Napoléon Bertrand). Poète français. Ne à Céva (Piémont, Italie) le 20 avril 1807, mort à Paris le 29 avril 1841. Fils d’un capitaine de gendarmerie, qui était lorrain, et d’une mère italienne, il fut à l’âge de sept ans ramené en France par ses parents qui allèrent s’établir à Dijon (1814). Ayant fait de fort bonnes études au collège de cette ville, il débuta dans les lettres en publiant quelques ballades dans un journal (Le Provincial). D’entrée de jeu, il montrait là qu’il avait au plus haut degré le sens de la prose française. Fort des encouragements qu’il recevait de son entourage, il voulut connaître Paris (1828), désertant ainsi, comme tant d’autres, sa province par ambition. Accueilli chaudement par la jeune école romantique, il aurait pu s’y fixer, car on s’offrait à l’aider. Mais il était trop soumis à son humeur vagabonde pour ne pas avoir l’envie de retourner à Dijon. Il s’y trouvait quand éclata la révolution de Juillet (1830). Fou d’enthousiasme, il la servit avec sa plume dans la feuille Le Patriote de la Côte-d’Or. Revenu à Paris en 1832, il devait y composer la plupart de ces morceaux qui tendaient à la création, comme il disait, « d’un genre de prose tout nouveau ». En dépit de la pénurie dans laquelle il se trouvait, il en retardait constamment la publication en volume, tant il avait le goût de la perfection. Etant, par surcroît, soutien de famille, il gagne sa vie alors comme correcteur d’imprimerie, collabore à de petits journaux, se livre aux plus basses besognes et se voit réduit, en fin de compte, à tous les expédients. Pris de la poitrine, il dut entrer à l’hôpital de la Pitié (1838). Il n’en sortit un peu plus tard que pour entrer à l’hôpital Necker où il mourut. Ce n’est qu’après sa mort, et par les soins de ses amis Sainte-Beuve et David d’Angers que parut le recueil de ses poèmes en prose : Gaspard de la nuit, fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot (1842). Grâce à ce pur chef-d’œuvre, Aloysius Bertrand s’est, en quelque sorte, fait montreur de terre promise : tout le poème en prose de Baudelaire à Mallarmé.
♦ «Bertrand me fait l’effet d’un orfèvre ou d’un bijoutier de la Renaissance; un peu d’alchimie par surcroît s’y serait mêlée, et à de certains signes et procédés, Nicolas Flamel aurait reconnu son élève. » Sainte-Beuve. ♦ « Il faut le ranger dans le groupe des purs artistes, des précurseurs et des grands malchanceux chimériques que plus que tout autre symbolise Gérard de Nerval. » A. Thibaudet. ♦ « Dans la nuit de Gaspard, qu’importe s’il faut étendre longtemps la main pour sentir tomber une de ces pluies très fines qui vont donner naissance à une fontaine enchantée. » A. Breton.