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Bergson: L'obéissance à la société

Ses conceptions sur les contenus et les processus de la conscience conduisent Bergson à en dégager les conséquences morales et sociales. La conscience s'intéresse essentiellement aux situations nouvelles qui se présentent à elle, alors que ce qui est déjà connu exige moins son concours : c'est alors l'habitude qui prend le relais. Dans Les Deux Sources de la morale et de la religion, nous retrouvons cette opposition à travers les images du statique et du dynamique, du mécanique et du vivant, du clos et de l'ouvert.

Problématique

Obéir, c'est aller contre ses désirs. Nous en prenons l'habitude dès l'enfance parce que nous sentons que les adultes représentent la société. Mais d'où vient ce pouvoir de la société qui s'impose plus ou moins à chaque individu ?Celle-ci fonctionne comme un organisme dont les individus ne seraient que les cellules ou les organes. Les habitudes sociales correspondraient alors à ce que sont l'instinct ou la programmation génétique chez les êtres vivants. Cependant, il y a une différence essentielle entre un organisme et la société humaine : les hommes sont libres, alors que les cellules sont totalement soumises à l'ordonnancement de l'ensemble.

Enjeux

Peut-on réduire les processus sociaux à des extensions des processus organiques ? Bergson répond en insistant sur la liberté humaine, pour montrer que les sociétés évoluent grâce à l'intervention d'individus libres, qui sont capables d'introduire des innovations. Les habitudes sociales apparaissent alors comme autant de renoncements à la liberté.

L'obéissance à la société

Que n'eût pas été notre enfance si on nous avait laissé faire ! Nous aurions volé de plaisirs en plaisirs. Mais voici qu'un obstacle surgissait, ni visible ni tangible : une interdiction. Pourquoi obéissions-nous ? La question ne se posait guère ; nous avions pris l'habitude d'écouter nos parents et nos maîtres [...], leur autorité leur venait moins d'eux-mêmes que de leur situation par rapport à nous. Ils occupaient une certaine place : c'est de là que partait, avec une force de pénétration qu'il n'aurait pas eue s'il avait été lancé d'ailleurs, le commandement. En d'autres termes, parents et maîtres semblaient agir par délégation. [...] Nous comparerions la société à un organisme dont les cellules, unies par d'invisibles liens, se subordonnent les unes aux autres dans une hiérarchie savante et se plient naturellement, pour le plus grand bien du tout, à une discipline qui pourra exiger le sacrifice de la partie. Ce ne sera d'ailleurs là qu'une comparaison, car autre chose est un organisme soumis à des lois nécessaires, autre chose une société constituée par des volontés libres. Mais du moment que ces volontés sont organisées, elles imitent un organisme ; et dans cet organisme plus ou moins artificiel l'habitude joue le même rôle que la nécessité dans les œuvres de la nature. De ce premier point de vue, la vie sociale nous apparaît comme un système d'habitudes plus ou moins fortement enracinées qui répondent aux besoins de la communauté. Certaines d'entre elles sont des habitudes de commander, la plupart sont des habitudes d'obéir, soit que nous obéissions à une personne qui commande en vertu d'une délégation sociale, soit que, de la société elle-même, confusément perçue ou sentie, émane un ordre impersonnel. Chacune de ces habitudes d'obéir exerce une pression sur notre volonté. Nous pouvons nous y soustraire, mais nous sommes alors tirés vers elle, ramenés à elle, comme le pendule écarté de la verticale.

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