Bergson: Les limites de l'intelligence

L'intelligence est considérée comme la faculté qui permet d'analyser le réel : c'est une fonction de la raison. Or, Bergson soutient quelle est moins adaptée à la connaissance des phénomènes vivants qu'à celle de la matière brute.

Problématique

C'est dans l'activité de fabrication que l'intelligence semble le plus efficace. Or, la fabrication s'exerce sur la matière brute, dont elle ne retient que ce qu'il y a de stable en elle. Tout ce qui ne concerne pas cette activité fabricatrice échappe à l'intelligence, d'où sa difficulté à comprendre le vivant dans sa spécificité.

Enjeux

Parce quelle procède par analyse, décomposant son objet en autant d'éléments simples, l'intelligence ne peut pas saisir cet objet dans ce qu'il a de spécifique. Ainsi, l'anatomie ne connaît le vivant que par sa structure, en faisant abstraction de son fonctionnement, tandis que la physiologie étudie des fonctions dont elle doit d'abord construire les concepts. Une vraie connaissance du vivant ne peut s'obtenir que par une saisie intuitive, qui coïnciderait avec lui.

Les limites de l'intelligence

Nous nous demandons quelle est la portion du monde matériel à laquelle notre intelligence est spécialement adaptée. Or, pour répondre à cette question, [...] il suffit de se placer au point de vue du sens commun. Partons donc de l'action, et posons en principe que l'intelligence vise d'abord à fabriquer. [...] Si donc l'intelligence tend à fabriquer, on peut prévoir que ce qu'il y a de fluide dans le réel lui échappera en partie, et que ce qu'il y a de proprement vital dans le vivant lui échappera tout à fait. Notre intelligence, telle qu'elle sort des mains de la nature, a pour objet principal le solide inorganisé.

• sens commun : l'ensemble des conceptions ordinairement partagées par la plupart des hommes ; s'oppose aux conceptions philosophiques ou scientifiques, justifiées rationnellement.
• fluide : ce qui coule, ce qui est en perpétuel mouvement, en perpétuel changement. Pour penser le courant d'un fleuve, il faut le saisir comme courant, c'est-à-dire par une abstraction qui ne rend pas compte de l'état absolument unique de l'eau, à un moment donné.