Benjamin Walter

(Walter, 1892-1940.) Membre de l'École de Francfort, il est dès sa jeunesse hostile à l'Université allemande, qu’il juge « démoralisante ». Après avoir subi l'influence de la pensée religieuse juive et s'être intéressé à une métaphysique du langage, il devient marxiste à partir de 1925, mais ses travaux continuent à se référer à cette double source. ♦ En 1928, il fait paraître L'Origine du drame baroque en Allemagne, où l'analyse de l'allégorie artistique est proposée comme catégorie épistémologique. Benjamin est en effet sensible aux œuvres d'art, qu'il interprète comme des dialectiques concrètes où serait décelable le sens de l'histoire. Bon connaisseur du surréalisme et de Kafka, il admet la présence, dans chaque œuvre (littéraire, picturale ou cinématographique), d'une nécessité propre témoignant d'une structure du monde et d'une théorie de la connaissance saisies intuitivement : l'œuvre doit permettre de cerner le contenu de l'histoire. Par-delà l'esthétique hégélienne - qui serait un modèle de démarche abstraitement philosophique - Benjamin en revient à Kant et au principe du goût, pour souligner la façon dont l’œuvre d'art nous est présente par son aura spécifique - sorte d’apparition paradoxale d'un lointain dans la proximité. Lorsque l'œuvre est reproduite, comme l'affirme un célèbre article sur « L'œuvre d'art à l’ère de sa reproductibilité technique » (1936), il s’y introduit une histoire différente, et externe, qui est celle de la technique de multiplication. De même, un texte traduit passe d'un rapport historique initial, dans sa langue d'origine, à un autre, dans la langue d'arrivée, ce qui implique une transformation de son « aura ». ♦ Une science de l'histoire signifie ainsi pour Benjamin, non le recours mécanique à un marxisme figé, mais la conscience des relations dialectiques existant entre le passé dont on parle et le présent d'où on en parle. De ces relations, l'approche de l'œuvre d'art fournit en quelque sorte le modèle. Exilé à Paris à partir de 1934, Benjamin voulait les analyser sur le cas de Paris et de son espace urbain (dans lequel il accorde une grande importance aux « passages »), mais aussi de ses poètes - de Baudelaire à Aragon. De ce projet, interrompu par le suicide de Benjamin en 1940 lors de son refoulement à la frontière espagnole, ne restent que des fragments, qui confirment, comme Enfance berlinoise, que, pour ne plus être mystifié par les grands systèmes idéologiques (y compris marxiste), il s'agit de se faire « chroniqueur des petits événements ».

Œuvres principales : Sens unique (1928) ; Thèses sur la philosophie de Thistoire (1950) (trad. fr. dans Essais, tome II, 1971) ; Charles Baudelaire.