BELLAY Joachim du
BELLAY Joachim du 1522-1560
Né au bourg de Liré, en Anjou, le jeune Joachim étudia le droit à Poitiers avant de rencontrer, en 1547, Pierre de Ronsard. Ce dernier lui fait prendre conscience de sa vocation poétique et l'emmène à Paris suivre les cours du philologue Dorat. Deux ans plus tard il signe la Défense et Illustration de la Langue française, le manifeste passionné et quelque peu brouillon de ce qui sera bientôt La Pléïade. Il s'agit de rompre avec la tradition héritée de Clément Marot et surtout, surtout, d'en finir avec les traductions des classiques latins dont les auteurs sont ainsi qualifiés: «reblanchisseurs de murailles, imitateurs, troupeau servile». Cette même année il publie un recueil de vers amoureux, L'Olive, dédiés à Mlle de la Viole ainsi que les Vers lyriques et le Recueil de Poésies. En 1552 il tombe gravement malade (tuberculose pulmonaire). Miné par la consomption, il devient sourd, ce qui ne l'empêche pas, l'année suivante, de partir pour Rome afin d'y devenir le secrétaire de son oncle, le cardinal du Bellay. Ce séjour dans la ville pontificale, qui durera quatre ans, lui est pénible: il l'exprime dans les sonnets qu'il compose alors et qu'il publiera en 1558 dans deux recueils intitulés Les Regrets et Antiquités de Rome. En 1559 il donne Divers Jeux rustiques, et une satire bien venue: Le Poète courtisan. Très affaibli par la maladie, il meurt subitement à Paris, le 1er Janvier 1560. S'il a toujours cédé, bien volontiers, la première place à son ami Ronsard qu'il nomme «le prince de nos odes», s'il est vrai que ce dernier est plus universel, plus aventureux, plus grand poète en un mot, s'il n'est pas douteux qu'il y a dans l'oeuvre de du Bellay beaucoup de fatras et de clinquant imité de l'Italie et qui nous laisse, comme les antiquités de Rome, de marbre, comment ne pas être touché par la musique triste des Regrets, la sincérité de sa nostalgie qu'il exprime dans des vers d'une grande pureté et si mélodieux?
DU BELLAY Joachim
1522-1560
Poète, né à Liré, en Anjou. D’une famille illustre ; son oncle Jean du Bellay, cardinal-évêque de Paris, est longtemps ambassadeur de France à Rome (où le suivra, en particulier, Rabelais). Le grand événement de la vie de Du Bellay est, à l’âge de vingt-cinq ans, sa rencontre avec Ronsard ; ensemble ils suivront de 1547 à 1549 les enseignements de Dorat, chez leur ami et confrère Jean-Antoine de Baïf, puis au collège de Coqueret. Dans leurs débats amicaux, les idées autour desquelles va se rassembler le groupe de la Pléiade sont déjà tout entières ; mais c’est Du Bellay qui en 1749 donne, coup sur coup, le manifeste du groupe, Défense et illustration de la langue française, et les premiers modèles, en particulier L’Olive, suite de sonnets (dont la destinataire est Viole ou, peut-être, Olive de Sévigné, sa cousine), suivie de Vers lyriques (treize « odes », qui sont les premières en date de la littérature française, ce dont Ronsard sera fort mécontent) ; enfin, deux mois plus tard à peine : Recueil de poésie.
De cette magistrale série qu’il livre au public en moins d’une année, l’œuvre la plus chaudement accueillie est cet « exposé d’intentions » du groupe de la Pléiade, qu’il intitule Défense et illustration de la langue française. Réponse immédiate - et bâclée - à L’Art poétique d’un certain Sébillet (1548), la Défense est, malgré son titre, d’un ton fort agressif. Le volcanique Du Bellay y pose, d’entrée de jeu, que la poésie française d’hier, celle que cultivait encore Marot et les « marotiques » est de caractère patriarcal ; qu’il faut la rejeter ; qu’il faut viser plus haut : l’ode dans l’esprit de Pindare ou d’Ovide, l’épître à la façon d’Horace, et même l’épopée, la tragédie. Double inconséquence, semble-t-il, qu’une « défense de la langue française » aboutisse d’une part à délaisser nos propres poètes; et, d’autre part, que cette mise en cause de la tradition poétique française, considérée comme trop ancienne, aboutisse à l’éloge de poètes de l’Antiquité. Mais, en réalité, les thèses de Du Bellay sont aussi justes que hardies : d’abord, contre un art d’intérêt local - provincial, pourrait-on dire - il propose en exemple un art de portée universelle ; et ensuite, il souligne que le passé le plus récent de la littérature s’offre à nous comme plus vieux (car il est, déjà, démodé) que l’art antique (qui est, lui, éternel). Enfin le pamphlétaire Du Bellay élève encore le débat en proclamant l’origine céleste de la poésie, cette fureur divine, dit-il, qui quelques fois agile et échauffe les esprits poétiques ; à quoi, d’ailleurs, il apporte ce très sage correctif : la culture, le travail (car, ajoute-t-il pour conclure, le naturel n’est suffisant). Premier porte-parole du mouvement de la Pléiade à ses débuts, Du Bellay ne saura pas profiter de sa jeune gloire. Écrivain d’humeurs, vulnérable, maladif, il cède trop vite à la colère ou à l’écœurement. Ronsard, qu’il admire sans arrière-pensée, possède à la fois le souffle (inépuisable, impétueux) et la maîtrise du souffle : il sait se montrer aimable, si ce n’est courtisan ; et il vit de pensions, dans le même temps que Du Bellay gagne sa vie et doit accompagner à Rome, en qualité de secrétaire, son oncle l’ambassadeur. Il restera silencieux dix années, avant de redonner une œuvre au public ; c’est, en 1558, Les Regrets (son plus beau recueil poétique), et une brève série de sonnets, Les Antiquités de Rome (où il semble se servir de la Rome antique, dont il chérit les ruines, pour « taper » contre les Romains de son temps, qu’il méprise). La publication de ce dernier recueil, acte très peu diplomatique pour un secrétaire d’ambassade à Rome, fait bien du tort à son oncle, l’évêque-ambassadeur, qui se brouille avec lui. Du Bellay traînera quelques mois à Paris, vague « poète du roi », moribond ou presque, aux côtés du triomphal Ronsard. Une attaque d’apoplexie l’emporte à trente-cinq ans. S’il n’est pas le grand poète de la Pléiade, il en est du moins le plus personnel. Tout de suite, il a trouvé sa voie (Je me contenterai de simplement écrire / Ce que la passion seulement méfait dire). L’imitation des sonnettistes maniérés, « à l’italienne » et, surtout, celle des grands modèles gréco-latins qu’il avait en sa jeunesse préconisée lui-même dans la Défense et illustration, ne peut être décelée que dans les œuvres de début. Dès 1550, il comprend qu’il n’est pas un chef d’école, et qu’il n’a décidément pas le « bec grand » (comme dit son ami Ronsard dans l’Ode à Christophe de Choiseul). Mis à part quelques bouffées de rage (la satire du Poète courtisan 1559 ; deux ou trois sonnets antiromains, tels que : Marcher d’un grave pas, et d’un grave sourcil...). Du Bellay n’est dans son véritable climat que lorsqu’il s’adonne à l’élégie ou à la « complainte » ; le mot est de lui, et la longue Complainte du désespéré, au titre si inhabituel à cette époque, qu’il joint sans grande conviction à des travaux de traducteur, en 1552, est un des poèmes les plus douloureux de notre littérature. En tous temps, il semble qu’il ait été en exil : s’il se trouve « en étrange pays », il y chantera la France ; et s’il est à la ville, il y chantera les champs (ce qu’il fait mieux que personne : D’un vanneur de blé au vent, D’un vigneron..., et toute la série des Jeux rustiques). Les regrets sont vraiment son point fort, qu’il s’agisse de la méditation mélancolique sur le thème des ruines (une « invention » dont les préromantiques : Delille - l’abbé - et Volney, se disputeront la paternité deux siècles plus tard) ou qu’il s’agisse de l’amour. Sur ce chapitre encore, et plus qu’ailleurs peut-être, sa singularité se manifeste : en un siècle où le poète, à l’exemple de Ronsard, menace volontiers la première belle venue, si elle ne veut pas céder, de voir condamner son nom au silence éternel, Du Bellay au contraire supplie, s’agenouille ; ou va, un peu plus loin, gémir. En un siècle où chacun rivalise de « folastrie » (Ronsard, d’abord, qui rend le mot célèbre par son recueil du même nom en 1554, puis Jodelle, et, surtout, Baïf), Du Bellay ne conçoit l’amour que délicat, fervent, chaste. S’il vomit Rome, ville sacrée, c’est d’abord pour la débauche qui, avec bonne conscience, s’y étale (Quelque part où j’arrive / Je trouve de Vénus la grand bande lascive). Il n’entend pas suivre le mouvement, s’étourdir ni mentir :
De blanc et de vermeil sa face déguiser, Baller, chanter, sonner, folâtrer dans la couche, Avoir le plus souvent deux langues dans la bouche.
L’originalité de Du Bellay n’est pas moins saisissante dans la technique. Ici encore, c’est son personnage qui, sans masque, nous apparaît : frémissant, susceptible, tout en brusques caprices et en imprévisibles sautes d’humeur. Le premier vers de ses poèmes, volontiers abrupt (« l’attaque », comme disent les musiciens), nous prend par surprise. Si les larmes servaient de remède au malheur... Ou bien : Dans l’enfer de son corps mon esprit attaché... Et encore, cette image :
Déjà la nuit en son parc amassait Un blanc troupeau d’étoiles vagabondes.
Au total la nature très particulière de la sensibilité chez Du Bellay, vibrante, aiguë, est étrangement accordée à celle de l’homme de notre siècle. C’est sans doute une des raisons qui peuvent rendre compte à la fois de l’éclipse que son œuvre a connue en son siècle même, et de l’intérêt que la critique moderne semble témoigner pour lui.
Né en Anjou en 1522, à Liré, dans une famille de petite noblesse, Joachim du Bellay n'a pour refuge que les études : il est orphelin et de santé fragile. Ami de Ronsard, il l'accompagne au célèbre collège de Coqueret, à Paris, où il a pour condisciples les membres de la future Pléiade, qui participent à l'élaboration de la célèbre Défense et illustration de la langue française qu'il signe en 1549. II en applique les nouveaux principes dans L'Olive, recueil de sonnets inspirés de Pétrarque. Parti à Rome avec son cousin le cardinal Jean du Bellay; où le prélat est ambassadeur et lui confie l'intendance de son palais, il s'y ennuie à repousser les créanciers. Parmi les intrigues et les mesquineries de cour, il se sent exilé et exprime sa nostalgie du pays natal dans Les Regrets et Les Antiquités de Rome. Revenu en France quatre ans plus tard, il y retrouve ses amis de la Pléiade, mais le temps lui est compté : atteint d'une telle surdité qu'il ne peut communiquer que par écrit, il meurt d'une attaque d'apoplexie dans la nuit du 1er janvier 1560, à 37 ans.