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BARBEY D'AUREVILLY (JULES)

BARBEY D'AUREVILLY (JULES)
Écrivain français né à Saint-Sauveur-le-Vicomte en 1808, mort à Paris en 1889. Cet amoureux de la grandeur, mal à l'aise dans un xixe siècle bourgeois et matérialiste, est intransigeant dans ses critiques diffusées par les journaux auxquels il collabore. Dandy extravagant, surnommé par sa cour de jeunes admirateurs le « Connétable des Lettres », il ne connaît que tard la notoriété, grâce à ses romans dont les plus marquants sont : Une vieille maîtresse (1851), Le Chevalier Des Touches (1864), Un prêtre marié (1865), la série de nouvelles Les Diaboliques (1849-1874) et Une histoire sans nom (1882). Monarchiste, ultramontain, il a eu Léon Bloy et Georges Bernanos pour disciples.
Romancier et pamphlétaire, né à Saint-Sauveur-le-Vicomte (Manche). Ce « chouan de Normandie », qui mit si longtemps à s’imposer dans les milieux littéraires de la capitale - il était pauvre, impatient de gloire et mal embouché, ce qui va mal ensemble - a subi de plus une interminable éclipse depuis sa mort. La critique moderne redécouvre avec un étonnement joyeux ce personnage hautain et tout ensemble haut en couleur. À l’exemple de Baudelaire, qui fut son ami, Barbey s’est d’abord fait connaître comme essayiste et comme critique. On craignait de toutes parts sa férocité, et il s’en amusait (mais on fera plus tard la conspiration du silence lorsqu’il s’avisera de conquérir les lauriers du « créateur de fictions »). Du dandysme et de George Brummel (1844) révèle son admiration pour une attitude alors à la mode, mais qui - le caractère de provocation mis à part - ne lui sied guère au total : à coups de parfums et de fards il cache son horreur de l’eau courante et il va renoncer très vite à un rôle trop en deçà de ses forces ; pour sa part, il avouera préférer le personnage du « ribaud ». À trente ans, toutefois, il décide de s’assagir. Il fait retour au catholicisme. Mais contre toute attente, la cruauté du pamphlétaire va redoubler de rigueur. Ses Prophètes du passé, qui commencent à paraître en feuilleton dans L’Opinion publique, s’en prennent à tout le siècle ; il s’élance sans peur à contre-courant de ce qu’on appelle aujourd’hui le « sens de l’histoire » et propose à ses confrères le personnage exemplaire de Chateaubriand. Quant à cette étonnante catégorie littéraire qu’il invente ici, et qui donne au livre son titre, elle sera utilisée bientôt pour caractériser Barbey lui-même ; et devant la postérité unanime, il sera le prophète du passé. En 1860 paraît le premier recueil de ses articles relatifs à la littérature contemporaine ; rassemblés sous le titre Les Œuvres et les hommes, ces volumes de polémique plutôt que de critique vont désormais se multiplier. De plus en plus décidé à ne pas être « de son temps » - y a-t-il pire insolence ? - Barbey sera l’anti-Hugo, et peu après, l’anti-Zola. Notons qu’en définitive il leur ressemble pourtant, plus que quiconque en ce siècle : par la fougue et, aussi, la rage vengeresse. Indépendant avant tout, il défendra l’insurgé Jules Vallès et, vers la fin de sa vie, il sera l’ami du socialiste Mirbeau. Dès 1857 il prenait à partie un critique de La Revue des Deux Mondes qui avait éreinté Balzac ; et, la même année il intervenait en faveur de Baudelaire au procès des Fleurs du mal (alors que Sainte-Beuve, ami personnel du poète, tefusait de venir témoigner). Parallèlement à cette activité inlassable de « Connétable des Lettres », il avait entamé, très jeune, une carrière de romancier. D’abord, il passe inaperçu (L’Amour impossible, 1841). Mais Une vieille maîtresse, dix ans plus tard, fait scandale ; ses récents amis tiennent prudemment à distance ce néophyte trop impatient qui proclame son intention de sonder les reins et les cœurs, ces deux cloaques. Dans L’Ensorcelée (1854) - précisons que le titre un peu vulgaire a été donné par l’éditeur contre le gré de Barbey - ses héros véritables sont les déserts du Cotentin, chers aux chouans de Normandie, et surtout les terres vagues et sauvages de la lande de Lassay. Ce roman, qui est sans doute son chef-d’œuvre, inaugure le cycle « chouan » (complété par Le Chevalier des Touches en 1864, et Un prêtre marié en 1865). L’œuvre paraît en feuilleton dès 1852 et Barbey écrit à ce sujet : Peut-être commencera-t-elle une hégire de célébrité (lettre à Trébutien, son éditeur). En réalité, Baudelaire mis à part, ses confrères et la critique ignorent ce roman, tant au stade du feuilleton que, deux ans plus tard, sous forme de volume : c’est en 1873 seulement, lors de la troisième édition à la librairie Lemerre, que Barbey aura droit à un véritable compte rendu de son œuvre, et le gentil poète Banville le félicite à cette occasion pour son « insouciance réfléchie de la popularité ». L’année suivante (1874) une série de nouvelles, Les Diaboliques, fait l’objet de poursuites. Barbey se proposait d’y montrer le passage du Malin dans la vie quotidienne, et, en particulier, parmi les âmes féminines. Mais son goût pour la description des pires turpitudes (et selon sa propre formule : sans embarras et sans fausse honte) fut jugé, par ses amis catholiques, fort suspect de la part d’un converti. Quant à ses adversaires, ils trouvaient trop envahissante l’intervention du surnaturel, et, en revanche, insuffisante l’étude des caractères. Ce qui était exact et même évident ; mais cette double constatation, de nos jours, est mise au compte des mérites de Barbey : si la présence du surnaturel pénètre à ce point son œuvre, c’est parce qu’il a du même coup (le premier parmi les romanciers modernes) réussi à délivrer enfin le roman français de l’« étude des caractères » et de l’« analyse psychologique » qui le nourrissaient, jusqu’à l’étouffer parfois, depuis plus de deux siècles (et précisément depuis La Princesse de Clèves). Seuls Georges Bernanos et Julien Green, un demi-siècle plus tard, seront sur ce point des continuateurs dignes de lui. Entre 1850 et 1875, c’est-à-dire prise en tenailles entre l’école réaliste animée par Champfleury (lequel s’annexait indûment Flaubert) et l’école naturaliste (Zola, Maupassant...), la tentative de Barbey était désespérée ; ou, tout au moins, héroïque. Il se sentait trop à l’étroit, intellectuellement parlant, dans ce XIXe siècle qui avait vu le triomphe d’une bourgeoisie à l’esprit positif et scientiste, satisfaite de se donner des aises physiques, ainsi qu’il dit dans le début -véritable « manifeste » - de L’Ensorcelée. 11 craignait qu’il n’y eût bientôt plus ni terres vagues, ni superstitions, toutes choses qui ne représentaient pas tant le passé, à ses yeux, que la jeune beauté du monde : elles sont (dit-il encore dans L’Ensorcelée) comme des lambeaux, laissés sur le sol, d’une poésie primitive Haillons sacrés qui disparaîtront au premier jour sous le souffle de l’industrialisme moderne; car notre époque grossièrement matérialiste et utilitaire a pour prétention défaire disparaître toute espèce défriché et de broussaille, aussi bien du globe que de l’âme humaine.


BARBEY D’AUREVILLY (JULES) Ecrivain français né à Saint-Sauveur-le-Vicomte en 1808, mort à Paris en 1889. Cet amoureux de la grandeur, mal à l’aise dans un XIXe siècle bourgeois et matérialiste, fut intransigeant dans ses critiques diffusées par les journaux auxquels il collabora. Il ne connut que tard la notoriété, grâce à ses romans dont les plus marquants sont Une vieille maîtresse (1851), Le Chevalier des Touches (1864), Un prêtre marié (1865), la série de nouvelles Les Diaboliques (1849-1874) et Une histoire sans nom (1882). Monarchiste, ultramontain, il eut Léon Bloy pour disciple.