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Bachelard: Qui est enseigné doit enseigner

L'oeuvre de Bachelard contient de nombreuses pages consacrées à l'enseignement des sciences, car toute recherche s'accompagne nécessairement d'une parole pédagogique. Pour enseigner, il ne suffit pas de savoir, il faut aussi comprendre les obstacles que rencontre la raison pour discerner le vrai du faux.

Problématique

Tout enseignement suppose une réflexion sur l'art d'enseigner. D'une manière générale, l'enseignant croit qu'il peut enseigner comme il a appris, alors qu'il faudrait tenir compte des valeurs élémentaires que possèdent les élèves pour donner au cours sa véritable portée. Enseigner ne revient pas à donner, comme si les élèves n'avaient qu'à recevoir ; enseigner consiste, tour à tour, à donner et à recevoir.

Enjeux

Pour Bachelard, la fonction de l'école est sous-estimée dans la société moderne. L'école n'est pas seulement un lieu d'enseignement, c'est aussi un cadre social où les êtres humains apprennent à vivre ensemble. Bien des élèves vivent l'école à travers un échec et sont ainsi déterminés leur vie durant à rejeter toute forme d'enseignement. L'utopie bacherlardienne consiste dans une inversion des valeurs. C'est la société qui devrait se plier aux exigences de la connaissance et se mettre au service de l'éducation.

Qui est enseigné doit enseigner

À l'école, le jeune milieu est plus formateur que le vieux, les camarades plus importants que les maîtres. Les maîtres, surtout dans la multiplicité incohérente de l1 Enseignement secondaire, donnent des connaissances éphémères et désordonnées, marquées du signe néfaste de l'autorité. Au contraire, les camarades enracinent les instincts indestructibles. Il faudrait donc pousser les élèves, pris en groupe, à la conscience d'une raison de groupe, autrement dit à l'instinct d'objectivité sociale, instinct qu'on méconnaît pour développer de préférence l'originalité, sans prendre garde au caractère truqué de cette originalité apprise dans les disciplines littéraires. Autrement dit, pour que la science objective soit pleinement éducatrice, il faudrait que son enseignement fût socialement actif. C'est une grande méprise de l'instruction commune que d'instaurer, sans réciproque, la relation inflexible de maître à élève. Voici, d'après nous, le principe fondamental de la pédagogie de l'attitude objective : Qui est enseigné doit enseigner. Une instruction qu'on reçoit sans la transmettre forme des esprits sans dynamisme, sans auto-critique. Dans les disciplines scientifiques surtout, une telle instruction fige en dogmatisme une connaissance qui devrait être une impulsion pour une démarche inventive. Et surtout, elle manque à donner l'expérience psychologique de l'erreur humaine. Comme seule utilité défendable des "compositions" scolaires, j'imagine la désignation de moniteurs qui transmettraient toute une échelle de leçons de rigueur décroissante. Le premier de la classe reçoit, comme récompense, la joie de donner des répétitions au second, le second au troisième et ainsi de suite jusqu'au point où les erreurs deviennent vraiment trop massives. [...] Dans l'œuvre de la science seulement on peut aimer ce qu'on détruit, on peut continuer le passé en le niant, on peut vénérer son maître en le contredisant. Alors oui, l'École continue tout le long d'une vie. Une culture bloquée sur un temps scolaire est la négation même de la culture scientifique. Il n'y a de science que par une École permanente. C'est cette école que la science doit fonder. Alors les intérêts sociaux seront définitivement inversés : la Société sera faite pour l'École et non pas l'École pour la Société.

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