AUTODÉTERMINATION DES PEUPLES
AUTODÉTERMINATION DES PEUPLES
Détermination du statut politique d’un territoire, par la population de celui-ci, fondée sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, principe admis depuis 1917, sous la double influence du président américain Woodrow Wilson et de Wladimir Ilitch Lénine, mais qui résulte de la logique de la Déclaration française des droits de l’homme du 26 août 1789. Cette définition est conforme à la résolution n° 1514 (XV) de l’Assemblée générale de l’ONU en 1960.
Quel est le plus petit sujet pensable de l’autodétermination ? Lors de la guerre des Malouines de 1982 qui a opposé l’Argentine au Royaume-Uni, puissance tutélaire de ces îles, beaucoup d’analystes ont dénié aux quelques milliers d’anglophones installés au xixe siècle sur ce petit territoire au large de l’Argentine le droit à l’autodétermination, acceptant les arguments historiques et géographiques avancés par Buenos Aires, ce que d’autres avaient également fait contre les Ibo sécessionnistes du Biafra (Nigéria) lors de la guerre qui a sévi entre 1967 et 1970.
Droits historiques et logique démographique.
Derrière ce débat se profilait la question de la viabilité d’un nouvel État et celle de la contradiction entre les droits historiques et la logique démographique et/ou démocratique d’une population donnée dans une région donnée. Certains cumulent la double revendication comme ont pu le faire les dirigeants serbes après 1991 : historique là où ils sont minoritaires (Kosovo) et « démographique » là où ils sont nombreux (quelques communes croates et une partie de la Bosnie-Herzégovine en 1991). La question de la viabilité est vaine : le Luxembourg est prospère, même si cela n’a pas empêché un ministre luxembourgeois de s’interroger publiquement sur la viabilité de la Slovénie en juillet 1991, État quatre fois plus peuplé et huit fois plus étendu.
Une autre contradiction se situe au cœur de la dynamique de l’autodétermination : fondée sur la contestation de l’ordre établi, international et interne, il s’appuie en cas de succès sur un nouvel ordre établi. Mais la dynamique multiséculaire, dont est issu la revendication de l’autodétermination, ne s’arrête jamais : on peut la rattacher à la grande vague du « désenchantement du monde » qui ôte leur légitimité à toutes les constructions impériales de droit divin, mais aussi à tous les empires idéocratiques comme les fédérations communistes ou même aux empires coloniaux des démocraties européennes, idéologiquement fondées sur la suprématie de la « civilisation » industrielle, mais dont les sujets retournent les principes contre leurs maîtres.
Enfin, la logique de l’autodétermination des peuples conduit à la multiplication des États. Ils étaient environ 50 en 1914, plus de 60 en 1920, plus de 150 en 1974, à la suite des décolonisations, près de 200 en 2000. Le principe d’autodétermination des peuples qui veut pacifier les relations internationales en les fondant sur un principe de légitimité moderne aboutit, contrairement aux espoirs de Giuseppe Mazzini et de Victor Hugo, à multiplier les guerres par un effet pervers bien connu des sociologues : depuis 1914, cela a abouti à des « guerres en chaîne » : seuls des principes immoraux (arme nucléaire, bipolarisation créée par la double réalité de l’arme nucléaire et de la conquête stalinienne de l’Europe centrale et orientale) ont consolidé des parenthèses de paix dans certaines régions (Europe en 1945-1990), de même que le « concert des puissances » impériales avait permis en Europe une paix presque générale en 1815-1914, que la victoire du principe de l’autodétermination, fondateur du xxe siècle de 1914 à 1989, a interrompue. Là est la plus grande contradiction de ce principe.
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