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auteur/littérateur/narrateur

auteur/littérateur/narrateur

Auteur, littérateur : personne qui écrit des romans, des pièces de théâtre, des poèmes ou des ouvrages spécialisés. Narrateur : dans un roman, le narrateur est la personne qui raconte.

Commentaire

La notion d’auteur est un concept moderne : les textes anciens (Antiquité, Moyen Age) sont souvent anonymes, fruits d’un travail collectif ou d'une compilation. On opposera la personne de l’auteur, qui crée, à celle du narrateur, qui raconte. Toutes sortes de jeux sont possibles à partir de cette double identité : — l’auteur et le narrateur sont deux personnes séparées, la première étant réelle et l’autre fictive. On trouve cette formule dans Manon Lescaut (roman du XVIIIe s.) où l’auteur (l’abbé Prévost) donne sa plume à son héros (le chevalier des Grieux), qui devient ainsi le narrateur et qui raconte à la première personne ses amours avec l’héroïne, Manon ;— l'auteur et le narrateur se confondent en une seule et même personne : c’est le cas, par exemple, de Marcel Proust dans À la recherche, du temps perdu, où le « je » désigne à la fois celui qui écrit et celui qui raconte ; — l’auteur peut brouiller les pistes en donnant plusieurs identités au narrateur : tantôt il intervient nommément en tant qu’auteur, tantôt il s’en remet à son héros, qui prend le relais de la narration. C’est cette formule que l’on trouve dans Jacques le Fataliste, de Denis Diderot (xviiie s.), où le « je » désigne tantôt l’auteur, tantôt le héros. (Voir la table d’orientation.)

Citations

Auteur Le public ne doit rien savoir de nous. Qu’il ne s’amuse pas de nos yeux, de nos cheveux, de nos amours. (Combien d’imbéciles accueilleront ces vers d’un gros rire !) C’est assez de notre cœur que nous lui délayons dans l’encre sans qu'il s’en doute. (Gustave Flaubert, Correspondance.)

Narrateur Le narrateur, dans le roman, n’est pas une première personne pure. Ce n’est jamais l’auteur lui-même littéralement. Il ne faut pas confondre Robinson et Defoe, Marcel et Proust. Il est lui-même une fiction, mais parmi ce peuple de personnages fictifs, tous naturellement à la troisième personne, il est le représentant de l’auteur, sa persona. N’oublions pas qu’il est également le représentant du lecteur, très exactement le point de vue auquel l’auteur l’invite à se placer pour apprécier, pour goûter telle suite d’événements, en profiter. (Michel Butor, Essais sur le roman.)

NARRATEUR, n. m. Celui qui prend en charge la narration d’un roman; celui qui est censé rapporter ce qui est raconté. Il importe ici de distinguer l'auteur (du livre) et le narrateur (du récit). Trois possibilités :

1° L’auteur et le narrateur peuvent être totalement confondus : c’est le cas des récits autobiographiques dans lesquels l’auteur déclare expressément qu’il raconte sa vie, à la première personne du singulier. Il y a même fusion ici entre le personnage principal, l’auteur et le narrateur.

2° L’auteur et le narrateur peuvent à la limite être confondus lorsque le récit est conduit en focalisation externe, et même en focalisation «zéro» (narrateur omniscient : voir le mot Focalisation). C’est effectivement l’auteur (Balzac, Stendhal, Zola, Hemingway) qui raconte tout ce qui se passe, prend en charge tous les aspects du récit (y compris lorsqu’il fait parler ou penser ses personnages). Mais, ce faisant, il joue à tout savoir; il fait comme s'il était un témoin reconstituant les choses : la fonction de narrateur est un rôle que se donne l’auteur au moment où il écrit, et qui est distincte de ce que cet auteur se trouve être dans la vie (ou même, dans les autres aspects de ses écrits : Hugo narrateur et Hugo poète sont deux rôles différents de Hugo auteur). Parfois, l’auteur se met en scène explicitement comme narrateur : il fait semblant d’avoir été présent à telle époque ou à tel endroit, d’avoir rencontré tel témoin de cette histoire (qu’il invente). Il organise sciemment la confusion auteur-narrateur. Il faut donc opérer la distinction, et prendre soin à ce que l’on dit, chaque fois qu’on utilise les mots auteur et narrateur.

3° L’auteur et le narrateur sont à distinguer absolument lorsque le récit, sans être une autobiographie officielle de l’auteur, se trouve mené à la première personne du singulier. L’auteur, dans ce cas, a choisi de faire raconter l’histoire par un personnage qui y participe (comme acteur ou témoin). C’est le cas d’Adolphe (Benjamin Constant), de L'Enfant (J. Vallès) ou de L'Étranger (Camus). L’auteur s’efface ainsi devant la fonction de narrateur (même s’il reste le maître d’œuvre); il ne faut donc pas rapporter à la personne de l’auteur les éléments du récit qui concernent le personnage du narrateur : chose tentante lorsque le personnage en question, par certains de ses traits, peut nous rappeler ce que nous savons de l’auteur. Méfions-nous donc des romans à caractère biographique, dans lesquels l’auteur prête quelques aspects de sa personne au personnage du narrateur (cas notamment de Proust, dont le Narrateur raconte même l’histoire de sa vocation artistique dans A la recherche du temps perdu).

NARRATEUR nom masc - Personnage qui raconte un récit. ETYM. : du latin narrator. La narratologie - étude des récits - s’est abondamment penchée sur cette question. Il existe donc plusieurs systèmes de description de la fonction du narrateur dans le récit. L’essentiel est ici de ne pas confondre auteur et narrateur, car comme l’écrit Roland Barthes dans L ’analyse structurale du récit : « qui parle (dans le récit) n’est pas qui écrit (dans la vie) et qui écrit n’est pas qui est. » Prenons l’exemple de À la recherche du temps perdu de Marcel Proust. Le personnage qui, dès la première ligne du roman, dit « je » n’est en aucun cas Proust lui-même. Certes, les ressemblances entre l’auteur et le narrateur sont ici nombreuses qui expliquent la confusion que l’on fait souvent : en quelques rares endroits de son texte, Proust donne à son personnage le même prénom que le sien : il emprunte largement au récit de sa propre vie pour construire celle de son héros. Cependant, Proust insiste bien sur ce point : le « Marcel » de la fiction n’est pas lui-même. De même, et ainsi que Proust le souligne dans son Contre Sainte-Beuve, il convient de ne pas confondre « moi créateur » et « moi social » : il faut distinguer l’individu tel qu’il existe dans le quotidien et tel qu’il se construit lui-même dans l’acte de la création. On ne saurait expliquer le premier par le second. Si bien qu’entre l’« homme » Proust et le personnage qui, dans l’œuvre, dit « je », s’intercale toute une série de filtres et de prismes qui interdisent qu’on assimile l’un à l’autre. Le narrateur n’est, pour reprendre une expression de Barthes, qu’un « être de papier ». Sans rentrer dans les classifications complexes qu’établit la narratologie, on peut présenter deux cas de figures simples. Souvent, le narrateur est interne à la fiction : c’est le cas, par exemple, des récits à la première personne où l’un des personnages assume cette fonction. Dans cette hypothèse, tout nous est présenté à travers un regard particulier : nous ne connaissons de l’histoire que ce qu’il nous en dit. Mais, tout aussi souvent, le romancier a recours à un narrateur externe à la fiction : ainsi dans le récit à la troisième personne ou dans le roman balzacien qui nous fait découvrir récit et personnage « de l’extérieur », comme si nous étions omniscients à la manière de Dieu lui-même. Cette question, parce qu’elle engage toute une conception de la littérature, a été au centre de nombreux débats théoriques et expérimentations romanesques. —> Focalisation - Narrataire — Personnage

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