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AUDIBERTI Jacques

AUDIBERTI Jacques 1899-1965

Cet Antibois, venu s’établir à Paris est journaliste quand il fait ses débuts de poète avec L'Empire et la Trappe (1930), puis confirme ses réels dons poétiques avec Race des Hommes (1937). S’il doit surtout sa renommée à la vingtaine de pièces de théâtre qu’il a données après guerre, jusqu’à la fin, il continuera de «vider le réservoir géant des mots» dans des poèmes: Vive Guitare (1946), Rempart (1953), La Beauté de l'Amour (1955), Ange aux Entrailles 1964) et Dimanche m'attend (posthume).

Poète, auteur dramatique et romancier, né à Antibes. Fils d’un maître maçon de Provence. Ses poèmes, qui, en apparence, restent attachés à la forme traditionnelle de la rime et du vers régulier, sont d’une invention, d’une richesse, d’une ampleur et d’une allégresse verbale, qui n’ont d’égales que les meilleures inspirations de Claudel dans les Cinq grandes odes. (Le pamphlétaire n’est pas moins ambitieux que le poète et il va même s’en prendre à tous les hommes de son siècle dans son « essai » intitulé férocement L’Abhumanisme ; mais le registre de l’enthousiasme lui réussit mieux que celui de l’invective.) Dès son premier livre, L’Empire et la Trappe (1930), puis avec Race des hommes (1937), Audiberti avait surpris par son souffle peu commun. Or, il va se dépasser dans la série de recueils poétiques des années 40 (Des tonnes de semence, 1941 La Nouvelle Origine, 1942 ; Toujours, 1944) et il se maintient sans presque fléchir à ce niveau jusqu’à ses derniers recueils : Rempart (1953) et Ange aux entrailles (1964). Il ne vient que relativement tard au roman : Abraxas (1937) et, surtout, Le Maître de Milan (1950), qui seront suivis de Marie Dubois (1952) ; et encore plus tard au théâtre où Quoat-Quoat (1946) et Le mal court (1947) font enfin connaître son nom. Mais il avait déjà écrit pour la scène deux œuvres tout aussi originales : L’Ampélour en 1937, restée sans écho (reprise avec succès en 1950), et La Bête noire en 1942 (reprise triomphalement sous le nom de La Fête noire en 1948). Ni la gloire ni l’accès des Femmes du bœuf à l’Odéon et de La Fourmi dans le corps à la Comédie-Française (en 1948 et en 1962) ne le grisent au point d’atténuer sa vigueur combative: Le Cavalier seul (1955), La Hobereaute (1958), son chef-d’œuvre, Le Ouallou (1959), L’Effet Glapion (1959), succès dans un genre plus facile, La Logeuse (1960), La Brigitta (1962). Cette vaste production théâtrale garde la trace de ses recherches et de ses préoccupations dans le domaine poétique (en matière de rythme surtout). Et ce, bien davantage sur le plan du « poème dramatique » proprement dit, c’est-à-dire dans sa structure scénique - son architecture, et ses rythmes, une fois encore -, que sur le plan très superficiel des créations de mots barbares ou de néologismes bouffons qui ont fait sa légende (type le célèbre merdoiement, dans Pucelle ; une de ses pièces les moins réussies, au demeurant, 1950).

Le cas limite de ces nouvelles architectures scéniques reste sans doute La Hobereaute (reprise dix ans plus tard, au joyeux étonnement de la critique), qualifiée en sous-titre d’opéra parlé. Toutefois, dans un hommage collectif à Audiberti, peu après sa mort - NRF de décembre 1965 -, Robert Abirached rectifiait cette formule trop modeste, en soulignant qu’à un tel niveau d’ivresse lyrique et, tout à la fois, d’eurythmie, « la parole tient à la fois son propre rôle et celui de la musique ».

AUDIBERTI Jacques. Écrivain français. Né à Antibes le 25 mars 1899, mort à Neuilly-sur-Seine le 9 juillet 1965. Après des études sans gloire particulière au collège d’Antibes, il devient greffier de la Justice de Paix au Tribunal de sa ville natale, où il copie des « grosses » à la main. Un ami de collège l’appelle à Paris pour le faire entrer dans le journalisme. Audiberti débute au Journal puis passe au Petit Parisien qui était alors le plus lu de tous les quotidiens. « Pendant quinze ans, j’appris en quoi consistent les crimes, les incendies, les tabassages, toute la poésie de la banlieue. » Durant ce même temps, il se perfectionne dans l’art des vers. Il publie un premier livre de poèmes, de facture classique, L’Empire et la Trappe (1929), chez un éditeur confidentiel. Son second recueil paraît huit ans plus tard et cette fois à la N.R.F. et c’est Race des Hommes (1937). L’année suivante, Audiberti fait ses débuts de romancier avec Abraxas. Dans le roman comme en poésie, il offre le spectacle le plus splendidement baroque que l’on ait pu admirer depuis longtemps. Il a eu des débuts tardifs, mais sa production va être désormais d’une extraordinaire abondance. Le titre d’un recueil poétique, paru en 1941, est tout un programme : Des tonnes de semence. Dans tous les genres littéraires, Audiberti va donner des preuves de son génie : après la poésie et le roman, il vient à l’essai, aux souvenirs et surtout au théâtre. C’est par hasard qu’il débute comme auteur dramatique. Quand il écrivit Quoat-Quoat (1945), il n’y voyait qu’un texte composé de répliques et ne le destinait nullement à la scène. Deux jeunes comédiens lui apprirent que c’était une pièce et décidèrent de le jouer, ce qu’ils firent. Quoat-Quoat fut créé par Catherine Toth et André Reybasz au petit Théâtre de la Gaîté-Montparnasse et, si elle ne remporta pas un grand succès, elle donna à Audiberti le désir d’écrire d’autres dialogues et, cette fois, en pensant à des représentations possibles. En 1947, Le Mal court est joué au Théâtre de la Huchette. Georges Vitaly animait cette salle de quatre-vingts places qui allait devenir un des hauts lieux de l’art dramatique contemporain. La pièce connaît un relatif succès malgré les éreintements des « grands critiques » : Gautier du Figaro et Kemp du Monde. C’est à la reprise, huit ans plus tard, qu’elle connaîtra un triomphe. Dans l’intervalle, Audiberti avait écrit une dizaine d’autres pièces, sans parvenir d’ailleurs à les faire jouer toutes. Parmi les plus réussies, citons : La Fête noire (1949), Les Naturels du Bordelais (1953), Le Cavalier seul (1955), La Hobereaute (1956). Son plus grand succès public, après la reprise du Mal court, fut L’effet Glapion (1959), qui est un étourdissant vaudeville. Il pensa que la Fourmi dans le corps, jouée à la Comédie-Française, lui apporterait une consécration (1962). La pièce fut scandaleusement chahutée lors de sa première représentation aux « mardis habillés ». Audiberti se disait surpris de dérouter certains spectateurs par son langage : « Le scandale autour de mon nom, affirmait-il, ne provient pas d’une excessive originalité de style, mais au contraire de la fidélité de celui-ci à des rythmes et à des normes qui firent leurs preuves. » Peu d’auteurs se sont en effet pliés comme Audiberti à des règles établies par de grands devanciers, mais par là il a montré, sans le vouloir, qu’un fort tempérament renouvelle complètement les formes qu’il adopte. Audiberti était beaucoup plus original qu’il ne souhaitait l’être. L’année 1962 le vit cependant accéder à une situation de premier plan au théâtre. En plus de La Fourmi dans le corps, il put faire représenter deux autres pièces, Pomme-pomme-pomme et La Brigitta. Le théâtre ne l’avait pas fait renoncer au roman. De La Nâ (1944) aux Tombeaux ferment mal(1963), il en a publié huit, dont l’autobiographique Monorail (1946), Marie Dubois (1952), Les Jardins et les Fleuves (1954) et La Poupée (1956), dont il tira le scénario d’un film (1962). Dans le domaine poétique, il publia aussi plusieurs recueils, de Toujours (1944) à Ange aux entrailles (1964), en passant par Rempart (1953). Sa dernière œuvre devait être le pathétique Dimanche m’attend (1965), journal qu'il tint de fin 1963 à la veille de sa mort. Pendant cette période, il avait subi deux graves interventions chirurgicales et se sentait, disait-il, « flotter dans l’au-delà ». Dans ce journal, il mêle les temps, évoque mille souvenirs et réfléchit sur la vie, qu’il avoue ne pas comprendre. Ce n’est pas faute d’avoir formé et formulé mille hypothèses. Et même il avait inventé une philosophie nouvelle, « l’ab-humanisme », dont il disait qu’elle s’amuse à considérer que l’Homme n’est pas un être à part, mais que la nature et lui ne font qu’un. « Ceci par opposition avec l’humanisme qui s’attache à démontrer la suprématie et l’autorité de l’Homme, pour ainsi dire, à côté de l’ordre universel. » Mais cet ordre universel est finalement un désordre dont il a utilisé l’infinie richesse à défaut d’en découvrir le sens, ce qui n’est sans doute à la portée d’aucun homme.




♦ « Tels ceux de Hugo, les azurs d’Audiberti gardent un envers sombre. Comme chez Hugo aussi, de l’énorme jeu verbal se dégage une sorte de brume stellaire. » Jean Follain. ♦ « Tumultueux comme un débat de meeting, dans un pandémonium d'images traversé de trouvailles éclairs, Audiberti, ce précieux naïf, est en même temps la viole et la cymbale, le hennissement et le jacassement, la stridulation et le ramage. Même son humeur noire a de la bonne humeur. » Paul Morand. ♦ « Audiberti avait reçu le plus général don du langage que l’on ait probablement vu parmi nos contemporains français. » André Pieyre de Mandiargues.

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