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AUBIGNE Agrippa d’

AUBIGNE Agrippa d’ 1552-1630

Né à Pons, en Saintonge, il parle latin, grec et hébreu à neuf ans. A dix-huit, il prend part aux guerres de religion qui ravagent la France et, sept ans durant, s’y fait remarquer par sa bravoure. Il a pourtant le temps de tomber amoureux et de composer, pour sa belle, un premier recueil de vers: Le Printemps (1572). En 1573, il devient l’ami d’Henri de Navarre, le futur Henri IV. En 1577, il commence Les Tragiques, sa grande œuvre poétique, qui ne sera terminée que quarante ans plus tard. Arrestations, prison, condamnations (il sera condamné à mort quatre fois) : sa vie est un tourbillon. Pourtant la conversion d’Henri IV («Paris vaut bien une messe») et la paix qui la suit le laissent inactif un moment: il en profite pour se consacrer à son œuvre. A partir de 1596, il rédige son Histoire universelle, dont la publication en 1619 lui vaut de nouveaux ennuis: le livre est brûlé par arrêt du Parlement. Lui-même, un peu plus tard, est compromis dans un complot, et une nouvelle fois condamné à mort. Gracié, il s’exile à Genève, en 1620, où il mourra dix ans plus tard. Ce qui frappe dans les sept chants des Tragiques, ce poème de dix mille vers, c’est sa variété: histoire, épopée, satire, lyrisme s’y mêlent. L’époque entière y est, et quelle époque! Il y a des pages terribles, tous les malheurs du royaume, les orphelins, les guerres, les cadavres, les bûchers où montent les martyrs, et, finalement, la peinture du jugement dernier. Variété, souffle, puissance de l’imagination, hauteur de vue, droiture, telles furent les qualités d’Agrippa d’Aubigné, que les classiques ont rejeté pour son «manque de bon goût». Les romantiques ont vu plus juste: Hugo, Sainte-Beuve ne s’y sont pas trompés, qui ont vu en lui un grand poète.

Poète lyrique, poète épique, et romancier, né à Saint-Maury en Saintonge. Huguenot peu banal, d’Aubigné ne ressemble guère à l’image du rigoriste hâve et revêche qu’à l’ordinaire évoquait - pour ses adversaires - le réformé. Cet homme heureux a tout pour lui : vitalité, verve (éclatante et féroce à la fois), générosité, fantaisie, panache. Il se paie même le luxe d’être débauché, à l’époque où la cour du roi de Navarre, momentanément catholique, est corrompue par « l’Escadron volant », c’est-à-dire les filles d’honneur de la reine mère (laquelle encourage méthodiquement les galanteries, dans le but de séduire, sinon de réduire, les opposants). Par mégarde, on a cru trop vite sur parole l’édifiante biographie que le poète, en sa vieillesse, a retracée lui-même (Mémoires, 1629, réédités en 1928) ; en fait, le jeune Agrippa, dont l’appétit de savoir est au demeurant gargantuesque (théologie, magie, histoire, sciences, langues enfin, vivantes et mortes, y compris l’hébreu), déserte sa chambre d’étude, la nuit, pour aller, pieds nus et en chemise, se battre avec ses frères huguenots. D’abord piéton, puis argoulet (c’est-à-dire arquebusier à cheval), il se retire sur ses terres après la paix de Saint-Germain. Une brève idylle avec Diane Salviati - nièce de cette Cassandre Salviati que Ronsard avait chantée - lui inspirera son premier chef-d’œuvre, Le Printemps, un recueil de vers, gai et frais comme son titre ; poèmes d’amour sincère, au surplus, car le poète a été repoussé. (De son vivant, le livre ne sera pas publié, ce qui est sans doute un assez bon indice de l’authenticité d’une passion.) Puis il retourne guerroyer aux côtés d’Henri, roi de Navarre, dont il sera le conseiller et l’ami intime. Après un premier mariage, il suit encore le futur Henri IV jusqu’à l’abjuration de 1593. Découragé, il abandonne le métier des armes pour s’adonner, en professionnel désormais, à la littérature ; quitte son pays pour Genève, ville sainte des réformés (1620); se remarie à soixante-dix ans avec une charmante veuve qui, pour sa part, en a quarante-neuf (n’a-t-il pas écrit dans le IVe chant de son poème : Une rose d’automne est plus qu’une autre exquise?) ; se fait rabrouer par le Petit Conseil de Genève pour un ouvrage romanesque un peu trop gaillard (Les Aventures du baron de Fœneste, 1629) et meurt, oublié par ses compatriotes. Sa production est aussi vaste que variée. L’Histoire universelle dédiée à la postérité (1616-1620) reste, malgré le titre, fort limitée dans son sujet. Ce n’est là qu’un récit des guerres de religion dont il a été le témoin, et, bien souvent, l’acteur. Moins bien inspiré quand il est seul en scène, il donne au public, peu de temps avant sa mort, ses Mémoires sous le noble titre de Vie à ses enfants. Ces fils d’ailleurs, à qui Agrippa se propose d’enseigner le chemin de la vertu, étaient, l’un, bâtard, l’autre maître chanteur, « franc-monnayeur », et, pis encore pour notre poète, mécréant (il sera, en outre, père de la marquise de Maintenon, née Françoise d’Aubigné). La Confession catholique de Sancy, de même que Les Aventures du baron de Fœneste, nous révèlent un autre aspect : l’humoriste. C’est une satire dirigée contre les protestants repentis, qui publiaient force apologies de leur abjuration. Quant à L’Hiver, ou mieux : L’Hiver du sieur d’Aubigné, recueil de poèmes d’amour, curieusement symétrique à son premier livre intitulé Le Printemps, c’est la preuve que le fier Agrippa, jusqu’aux derniers jours, n’a rien perdu de son génie lyrique, ni de son enthousiasme devant la femme. Restent Les Tragiques, qui, pour n’être pas sa seule œuvre vivante, comme on l’a cru longtemps, suffiraient à sa gloire. Il s’y applique dès l’âge de vingt-cinq ans, mais, de trente à soixante-cinq ans, il y passera le plus clair de son temps. Quand il se décide à donner cette œuvre monumentale (1616), elle passe presque inaperçue. Le poème est divisé en sept chants, chiffre sacré ; mais, en fait, l’architecture de l’œuvre est plus simple. Une ample et noble ouverture en mineur, Misères, fait entendre les gémissements de la France ravagée par la peste, la famine et la cruauté (inutile et stupide) des reîtres, qui mettent à sac les campagnes ; puis trois sections de deux chants chacune. D’abord Les Princes et La Chambre dorée qui nous peignent l’existence du monarque efféminé parmi ses « mignons », et la vénalité des magistrats. Puis Les Feux et Les Fers ; et c’est ici la partie la plus animée, la plus furieuse : chef-d’œuvre à l’intérieur d’un chef-d’œuvre, sommet sur le plan dramatique et aussi sur le plan formel ; on y voit les bûchers dressés pour exterminer les partisans de la Réforme, et la guerre civile qui en est la suite inévitable. Enfin, Les Vengeances et Le Jugement : double prophétie d’un double châtiment promis aux adversaires du poète dès ce « bas-monde » d’abord, et ensuite au jour du Jugement dernier (alors même que les Bons connaîtront la béatitude). C’est le grand livre épique - et satirique aussi - qu’avait rêvé tout le siècle ; et Ronsard, en particulier, dans La Franciade ou dans ses flamboyants Discours. Mais, loin de manquer de souffle, ni de sincérité, Ronsard reste trop sûr de ses effets, trop maître de lui-même. D’Aubigné, à l’inverse, enrage de ne pouvoir dominer son tumulte intérieur il se proclame le champion des justes, tandis qu’il éclate de colère et de mauvaise foi. Les héros sont tous du parti huguenot ; et les lâches, de la Ligue. À ses côtés se rangent le Vieillard Océan (chant V), Thémis, déesse de la Justice (chant III), et Dieu lui-même (chant VII), entouré de ses puissances élémentaires, l’Eau, la Terre, l’Air, le Feu, et de ses cohortes ailées qui vont s’instituer les accusateurs publics des méchants. L’œuvre s’élèvera d’ailleurs de façon inattendue dans l’épisode terminal où d’Aubigné parvient, par le charme puissant et subtil de son verbe, à rendre compte d’une réalité qui échappe aux sens : ineffable, ténue, séraphique. Cet ouvrage, lequel, encore quelques années après, il a pu polir..., affirme d’Aubigné. En effet, surpris de l’insuccès de son poème, il en donne quatre ans plus tard (1619) une nouvelle édition, qu’il a pu longuement revoir et compléter. Mais polir, quoi qu’il nous dise, est au-dessus de ses forces ; et cette seconde version se révèle plus rude encore ; plus raboteuse. Tel quel, avec ses inégalités, ses excès (de longueur, en particulier; mais aussi de violence, de hargne), ses aspérités, ses obscurités, ce livre reste sans doute le plus grand poème, le plus puissant aussi, de notre littérature ; et puis, grâce à d’Aubigné, il est prouvé qu’un Français, enfin, peut « perdre la tête ». Hugo, qui l’a pratiqué, saura en faire à l’occasion son profit (voir Les Châtiments) ; et Baudelaire, en un siècle où ce nom même est inconnu du public, empruntera l’exergue de son recueil poétique à d’Aubigné.

AUBIGNÉ (AGRIPPA D’)

Écrivain français né au château de Saint-Maury (Saintonge) en 1552, mort à Genève en 1630. Il fut l’écuyer de Henri IV qui le nomma maréchal de camp, gouverneur d’Oloron, vice-amiral de Guyenne et de Bretagne enfin. Lorsque son souverain abjura, d’Aubigné s’éloigna de lui, ayant gardé pour le calvinisme un attachement profond. Fervent admirateur de Ronsard, il pratiqua autant la poésie lyrique et baroque (Le Printemps) que la verve satirique (Les Tragiques, œuvre où aux tableaux descriptifs se mêlent des imprécations adressées aux catholiques). Contre les protestants convertis, il écrivit, dans la même veine, La Confession de Sancy, pamphlet dirigé cette fois contre les protestants convertis. Il rédigea aussi une Histoire universelle, et des Mémoires où se révèle son caractère généreux et passionné.

AUBIGNE Théodore Agrippa d’. Né près de Pons, en Saintonge, le 8 février 1552, mort à Genève le 9 mai 1630. La vie et l’œuvre de d’Aubigné, homme de guerre, poète, diplomate, historien, helléniste érudit et calviniste intransigeant, sont inséparables des tumultes de ce XVIe siècle rempli par toutes les passions de la haine et de la foi, du fanatisme religieux, de l’amour et des lettres. A neuf ans, il parlait déjà le grec, le latin, l’hébreu et traduisait le Criton; mais au même âge, alors qu’il passait devant Amboise, au lendemain de l’exécution des conjurés dont les têtes étaient encore accrochées à des poteaux, son père lui faisait jurer de donner toute sa vie à de justes vengeances. Pas d’adolescence plus libre que la sienne, plus révoltée contre tout le monde, ses pédagogues, l’Église, le roi. A dix-huit ans, il a déjà frôlé la peste et risqué la mort au siège d’Orléans où sa bravoure a fait l’admiration des meilleurs. Mais le guerrier, soudain, se transforme en jeune galant : il aime Diane Salviati avec une frénésie toute romantique, il s’enthousiasme pour les poètes et ronsardise lui-même dans son Printemps qu’il ne publiera jamais. Bientôt, au contraire, le voilà envoyé, à la mort de son père, en pleine citadelle calviniste, à Genève, où l’accueille Théodore de Bèze. Mais, plus que la théologie, ce sont les combats qu’il aime ou, comme il dit, les « gentils exercices de guerre » : il repart donc, va courir d’embuscades et d’escarmouches en batailles rangées, fait le brave sous Condé, au point que le futur Henri IV le distingue et 1 attache à son service — et c’est le début d’une amitié passionnée mais difficile, orageuse, et, du côté de d’Aubigné au moins, querelleuse. Sur le champ de bataille de Casteljaloux, en 1577, il commence à dicter les premiers vers de ses Tragiques qu’il n’achèvera que quarante ans plus tard. Mais, en 1585, le voilà pris par les catholiques, enchaîné et transféré à Bordeaux; il obtient sur parole d’aller passer quelques jours à La Rochelle, où il apprend que Catherine de Médicis a donné l’ordre de son exécution. Il n’en revient pas moins et n’échappe à la hache que grâce à la bienveillance de Saint-Luc, conquis par sa bravoure. D’Aubigné se sentait parfaitement à son aise dans la guerre civile : aussi la conversion de son ami Henri de Navarre le scandalisa-t-elle. Il la regarda comme une trahison, ne la pardonna jamais et, homme de parti, irréductible, il finit par se séparer du roi de France et se retira dans ses terres. Sa franchise, sa causticité (la reine Marie de Médicis en fit plusieurs fois les frais) le disposaient mal à la vie de cour. A la mort d’Henri IV, il commença d’écrire son Histoire universelle, source de nouvelles aventures : tandis que le livre était livré au bûcher par arrêt du Parlement, l’auteur lui-même, impliqué dans la conspiration des princes contre de Luynes, était condamné à mort — pour la quatrième fois de sa vie. Il n’avait décidément plus sa place dans une France redevenue monarchique et catholique : Genève l’accueillit. Il y souleva contre lui les propriétaires avec ses plans de fortifications, il s attira les censures du grand conseil pour les « blasphèmes et crudités » de ses Aventures du baron de Fœneste, il eut la douleur de voir un de ses fils, Constant, père de Mme de Maintenon, passer au catholicisme et il se remaria enfin, à soixante-douze ans, avec une riche veuve. Une vie agitée, débordante, à l’image de son tempérament. Et une œuvre à l’image de sa vie, s élançant dans toutes les directions, avec à son service une érudition prodigieuse : d’Aubigné est satirique dans sa Confession catholique de Sancy (1600) où il raille les abjurations intéressées; il est mémorialiste dans Sa vie à ses enfants, historien aussi, fort bien documenté, mais partisan. Surtout il est poète. On en connaît peu dans la littérature française qui aient autant de richesse et de chaleur, une imagination aussi puissante, une telle aisance à se mouvoir dans l’invisible et la majesté des symboles. Œuvre de foi et de combat, mais surtout de haine, ses Tragiques sont d’un certain point de vue une manière de pamphlet, avec tout ce que le genre comporte d’indignation, d’injustice et parfois de grossièreté. Mais c’est aussi le tableau, d’un terrible réalisme, de la guerre civile, lorsque tous les liens sont rompus, et même ceux des fils et des parents, lorsque les grands sont corrompus, la justice bafouée, vendue, la patrie déchirée, les pasteurs et les saints égorgés, brûlés. Et c’est enfin l’évocation grandiose des mesures éternelles qui vont venger les justes dès ici-bas, dans l’attente de la résurrection des corps. Jamais la poésie française n’avait connu une telle violence et les fureurs du Chénier des ïambes, du Victor Hugo des Châtiments atteignent-elles même à la sincérité pathétique de d’Aubigné ? Le malheur est que d’Aubigné lui-même n’y atteint que par instants : il a écrit son œuvre au hasard des haltes entre deux batailles, et celle-ci s’en ressent. A vrai dire, c’est un chaos : beaucoup de beaux vers et de trouvailles géniales y sont perdus dans une accumulation d’images bizarres ou grotesques. Agrippa d’Aubigné ignore absolument 1 art de la composition — c’est un travers de son temps. Les développements interminables et les digressions ne l’effraient pas mais rebutent qui tenterait une lecture suivie; ce renaissant n’est pas non plus tout à fait dégagé du Moyen Age dont il accueille avec complaisance les abstractions et les allégories; il n’est pas bien maître de sa langue; enfin, il manque de mesure. Il déclame. Il aime l’énorme et n’aime que cela. Mais où trouverons-nous meilleure image du brûlant XVIe siècle ? Il fallut pourtant Sainte-Beuve pour le faire connaître : en 1616, quand avaient paru pour la première fois Les Tragiques, les esprits étaient apaisés, d’Aubigné faisait figure de survivant d un autre âge. On ne l’écouta pas.




AUBIGNÉ (AGRIPPA D') Théodore Agrippa d'Aubigné, écrivain, historien et pamphlétaire, né en 1552 au château de Saint-Maury (Saintonge) et mort à Genève en 1630, est l'un des hommes les plus remarquables du xvie siècle. Protestant à la foi farouche, parti à Genève étudier les mathématiques, il s'évade à 16 ans de sa pension pour participer aux combats des guerres de Religion. En 1572, absent de Paris, il échappe au massacre de la Saint-Barthélemy. Grièvement blessé quelque temps plus tard dans une embuscade, il est soigné au château de Talcy par Diane Salviati, nièce de cette Cassandre à laquelle Ronsard a dédié ses plus beaux poèmes, et dont il est épris. Mais il ne peut l'épouser : elle est catholique. Il sert fidèlement Henri IV, son camarade d'enfance, dont il est l'écuyer et qui le nomme successivement maréchal de camp, vice-amiral de Guyenne et de Bretagne... Lorsque son souverain abjure le protestantisme, d'Aubigné s'éloigne de lui, ayant gardé pour le calvinisme un attachement profond. A la mort d'Henri IV, il se retire pour écrire une Histoire universelle bientôt condamnée par le Parlement. Pour défendre sa religion, l'intransigeant huguenot reprend les armes sous le règne de Louis XIII et de Richelieu. Exilé à Genève, il y meurt. L'ironie du sort voudra que ce soit sa petite-fille, Françoise d'Aubigné, marquise de Maintenon, qui pousse Louis XV à révoquer l'édit de Nantes, en 1685. Fervent admirateur de Ronsard, il pratique autant la poésie lyrique et baroque (Le Printemps) que la verve satirique (Les Tragiques, œuvre où se mêlent à des tableaux descriptifs des imprécations adressées aux catholiques). Contre les protestants convertis, il écrivit, dans la même veine, le pamphlet La Confession de Sancy. Il rédige aussi des Mémoires où sê révèle son caractère généreux et passionné. Son œuvre, abondante et variée, ne sera redécouverte qu'au XIXe siècle.


♦ « D’Aubigné, qui est bon, celui-là, pour la plume et pour le poil, car il est bon capitaine et soldat, très savant et très éloquent et bien disant, s’il en fut oncques. » Brantôme. ♦ « Ce fut un orgeuilleux grinchu. » Mérimée. ♦ « Bonne lame, bonne plume, mauvais compagnon, sans peur, sans scrupules, poète et brigand, honneur des lettres, peste publique, un des derniers tyranneaux de la France féodale, moins huguenot qu’on a dit et assez traître, avec des poussées de rude honnêteté qui lui donnent une mine d’homme antique, de héros de Plutarque.» Anatole France. ♦ «D’Aubigné est notre Hugo, il est celui que Hugo crut être, et réussit à faire croire qu’il était. Aucun autre poète de France n ’a cette carrure terrible, cette voix de géant inspiré, ce souffle fait pour les trompettes des désastres cosmiques, pour le rassemblement des nuées du déluge, la chute des murs éprouvés, l’appel de l’aube de Josaphat. » Thierry Maulnier.


AUBIGNÉ (AGRIPPA D' ) Théodore Agrippa d'Aubigné, écrivain, historien et pamphlétaire, né en 1552 au château de Saint-Maury (Saintonge) et mort à Genève en 1630, est l'un des hommes les plus remarquables du xvie siècle. Protestant à la foi farouche, parti à Genève étudier les mathématiques, il s'en évade à seize ans de sa pension pour participer aux combats des guerres de Religion. En 1572, absent de Paris, il échappe au massacre de la Saint-Barthélemy. Grièvement blessé quelque temps plus tard dans une embuscade, il est soigné au château de Talcy par Diane Salviati, nièce de cette Cassandre à laquelle Ronsard a dédié ses plus beaux poèmes, et dont il est épris. Mais il ne peut l'épouser : elle est catholique. Il sert fidèlement Henri IV, son camarade d'enfance, dont il est l'écuyer, et qui le nomme successivement maréchal de camp, vice-amiral de Guyenne et de Bretagne... Lorsque son souverain abjure le protestantisme, d'Aubigné s'éloigne de lui, ayant gardé pour le calvinisme un attachement profond. A la mort d'Henri IV, il se retire pour écrire une Histoire universelle bientôt condamnée par le Parlement. Pour défendre sa religion, l'intransigeant huguenot reprend les armes sous le règne de Louis XIII et de Richelieu. Exilé à Genève, il y meurt. L'ironie du sort voudra que ce soit sa petite-fille, Françoise d'Aubigné, marquise de Maintenon, qui pousse Louis XIV à révoquer l'édit de Nantes, en 1685. Fervent admirateur de Ronsard, il pratique autant la poésie lyrique et baroque (Le Printemps) que la verve satirique (Les Tragiques, œuvre où se mêlent à des tableaux descriptifs, des imprécations adressées aux catholiques). Contre les protestants convertis, il écrivit, dans la même veine, le pamphlet La Confession de Sancy. Il rédige aussi des Mémoires où se révèle son caractère généreux et passionné. Son œuvre, abondante et variée, ne sera redécouverte qu'au XIXe siècle.

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