attique
Le style attique représente un des plus grands fantasmes dans la tradition rhétorique. Ses qualités sont généralement associées à celles de la brièveté, mais aussi au vice du caractère sec ou grêle. Du point de vue des niveaux, il a été parfois assimilé à l’humble, ce qui n’est pas sans poser, même à vue superficielle ou inexpérimentée, quelque problème culturel. Enfin, il semble assez généralement entrer en harmonie avec le qualificatif d’élégant, ce qui transcende les précédentes catégories.
Cicéron serait assez près de qualifier d’attique le style des orateurs ténus et aigus, pour qui tout est démonstration, éclaircissement, sans amplification, dont le caractère essentiel est d’être précis et comme serré. Quintilien est beaucoup plus équilibré. Il commence par noter qu’il existe une sorte de conception du style attique froid (l’atticisme), sans suc, sans force, sans nourriture. Mais, dans l’ensemble, l’attique s’oppose simplement et massivement à l’asian, au sein d’une dichotomie au départ plutôt binaire. L’attique est pur, serré et sain; il n’a rien de superflu. Il vient du génie des Athéniens, qui avaient naturellement beaucoup de finesse et de justesse d’esprit, et ne supportaient rien de surabondant ni d’inutile. Et il finit par affirmer : on ne peut pas douter que de tous les genres de style, le genre attique ne soit incomparablement le meilleur.
Après ce circuit axiologique, Quintilien aborde la question sous un tout autre jour. Or, comme ceux qui ont écrit dans ce style ont quelque chose de commun entre eux, à savoir un Jugement excellent et un goût sûr, aussi diffèrent-ils par le caractère d’esprit. C’est pourquoi on se trompe quand on ne reconnaît l’atticisme que dans le style léger, clair et expressif dépourvu des grands mouvements et de l’ampleur. Quintilien passe alors en revue les grands orateurs attiques, de Lysias à Démosthène, en passant par Isocrate, Hypéride, Antiphon et Eschine : il a beau jeu de montrer les contradictions entre quasiment chacun de ceux-là, chez qui l’on trouve, ou isolément, ou tout à la fois, sécheresse, ampleur, grandeur, élégance, véhémence, harmonie. Pourquoi donc, conclut le sage, réserver l’appellation d’attique au style qui coule difficilement, comme ces petites veines d’eau qui ont peine à se faire un passage à travers les cailloux ? Pourquoi ne trouver l’odeur du miel et du thym que dans ces lieux secs et arides ? Parler et écrire attiquement, c’est écrire et parler de la manière la plus parfaite. Le point, il est vrai, est obscurci par l’encombrement de l’histoire et par l’atavisme du jugement de valeur, indépendamment même des évolutions dans le sentiment du goût. Pour les Latins aussi, il y a un idéal de culture : la Grèce d’Athènes. La pureté du style est donc aussi celle du modèle attique. Mais à ce compte, il est difficile d’intégrer dans la même approbation les qualités du style de Lysias et celles de celui de Démosthène, puisqu’elles sont, à bien des égards, opposées, le premier sec et net, le second ample et véhément, ou celles d’Isocrate et d’Eschine, le premier grandement et noblement développé et le second plus diffus et plus figuré. Il est indéniable qu’il y a là une contradiction, qui a été diversement résolue, souvent au profit d’une réduction de l’atticisme au caractère serré, concis et clair, voire simple, avec même parfois l’idée d’une préférence pour ce type de style, pourtant aisément interprétable en termes péjoratifs, renversant ces mêmes traits en vice.
Par-delà ces fourvoiements esthétiques, l’atticisme peut être aussi pensé comme un mythe culturel, représentatif d’une sorte d’idéal, ou d’absolu, des origines de la perfection rhétorique.
=> Éloquence, oratoire; style, niveau, genre; pureté, netteté, sec, clarté, brièveté, élégance; humble, simple; amplification, véhément; qualité, vices; asian, rhodien.
Attique. Région qui entoure Athènes (sa principale cité), montagneuse et en grande partie aride, qui forme le promontoire sud-est de la Grèce centrale, s’étendant sur environ 2 500 kilomètres carrés. L’Attique est dominée par quatre ensembles montagneux, l’Aegialée, l’Hymette, le Pentélique et le Laurion, qui divisent la terre en trois plaines : à l’ouest la plaine de la Thriasie avec sa principale ville Éleusis, au centre la plaine attique, et à l’est le Mésogée. Les principaux fleuves de l’Attique, qui ne sont hauts qu’en hiver ou après de fortes pluies, sont la Cephise et l’Ilissos. La plus grande partie du sol étant très peu arrosée, il convient mieux aux olives et aux figues qu’au blé. Dans les temps anciens, on cultivait la vigne, mais celle-ci ne produisit pas de vin bien fameux. Le miel, cependant, était particulièrement fin, en particulier celui de l’Hy-mette. Le pays est trop vallonné et trop sec pour élever des chevaux, mais les moutons et les chèvres s’y développaient parfaitement. Le poisson se trouvait en abondance dans les eaux côtières. Pour ce qui était des richesses naturelles, l’Attique était célèbre pour son éblouissant marbre du Pentélique, et le marbre gris, bleu et noir de l’Hymette. L’argile de ses potiers était excellente et on trouvait à Laurion des mines d’argent et de plomb. À l’origine, l’Attique se composait de nombreuses communautés séparées, douze selon la tradition, à l’époque du roi Cécrops, qui furent plus tard réunies en un seul Etat athénien. Cette réalisation attribuée à Thésée fut en fait un processus progressif qui dura probablement jusqu’au viie siècle av. J.-C. Athènes devint la capitale en dépit de la permanence de loyautés locales, et même au cours du vie siècle des familles aristocratiques menaient encore une vie indépendante à la campagne. Ce fut la tyrannie de Pisistrate et, plus encore, les réformes de Clisthène qui brisèrent finalement les liens locaux et amenèrent l’ensemble de l’Attique sous un gouvernement centralisé à Athènes.
Attique, région de la Grèce, limitée à l’ouest par la Béotie et la Mégaride, au sud par le golfe Saronique et au nord par le bras de mer qui la sépare de l’île d’Eubée. Elle était divisée en trois régions naturelles : au nord la Diacrie, au centre la Mésogée, au sud la Paralie. Malgré sa sécheresse, son sol offrait des ressources agricoles (figues, vigne, laurier, olivier, élevage de moutons et de chèvres, miel de l’Hymette, où poussaient en abondance des plantes sauvages) et industrielles (mines de plomb argentifère du Laurion ; marbre du Brilessos, connu plus communément sous le nom de Pentélique). Ses habitants se disaient autochtones et descendants des anciens Pélasges. Après le synœcisme, la population fut divisée en quatre tribus, puis en dix tribus territoriales par Clisthène. À partir de cette époque l’histoire de l’Attique se confond avec celle d’Athènes.