asian
Le style asian (ou asiatique, ce qui veut dire de l’Asie Mineure) définit l’un des genres de style, également saisissable en termes de niveau. Quintilien en donne un commentaire assez dépréciatif. Selon lui, le style asiatique est enflé et vide ; il manque souvent de justesse, et ne garde ni bornes ni mesures. Les anciens orateurs auraient expliqué, rapporte-t-on, que ta langue grecque se répandant insensiblement dans les villes de l’Asie la plus prochaine, ces peuples, avant de savoir parfaitement cette langue, ont aspiré à la gloire de l’éloquence, et, pour cela, au lieu d’exprimer les choses par des termes propres, comme ils ignoraient ces termes, ils les énonçaient par des circonlocutions, habitude qui leur est restée. Mais, précise sagement Quintilien, on doit plutôt penser que cette différence de style est venue du génie des orateurs et de celui de leurs auditeurs : les Asiatiques, peuple vain et plein de superbe, ont donné à leur éloquence le caractère de vaine gloire qu ’ils avaient en tout. On comparera aux propos de Cicéron : il existe un style grandiloquent, avec une profonde gravité de pensée et une réelle majesté dans l’expression, véhément, varié, abondant, grave, tout à fait équipé pour émouvoir et ébranler les coeurs et les esprits. Le commentaire est nettement moins dépréciatif, beaucoup plus neutre, voire même plutôt favorable. On a l’impression que le style asian apparaît composé de qualités, même si on voit bien comment chacune peut se dégrader, ou se retourner, par excès, en vice. Le problème correspond à une ambiguïté. D’un côté, représenté dans nos citations par Quintilien, le style asian, vu comme un défaut, est essentiellement aussi l’opposé du style attique, qui est lui-même paré de toutes les vertus. D’un autre côté, représenté dans nos citations par Cicéron, le style asian n’a pas forcément de connotations principalement négatives ; même s’il entretient chez les mêmes rhétoriciens ou critiques, dans l’histoire de la tradition rhétorique, le même type de relation d’opposition au style attique, il est rangé du côté de l’abondance verbale et de la hauteur de la pensée, c’est-à-dire résolument vers la grandeur, voire le sublime. Il faut bien reconnaître que c’est cette seconde inflexion qui va animer, notamment dans la pratique de l’art verbal, dans la littérature, environ quinze siècles de réflexion et de production. La contradiction n’en sera pas davantage limitée, dans la mesure où, simultanément, se développe l’éloge du style attique, plus, il est vrai, dans l’analyse théorique idéale que par les réalisations concrètes dans les œuvres.
=> Éloquence, oratoire; style, niveau, genre; attique, rhodien; sublime, élevé, grand; vices, qualités, abondant, enflure.