art pour l'art (I')
art pour l'art (I')
Théorie selon laquelle l’art ne doit viser que la recherche du beau, l’esthétique.
Commentaire
L’un des premiers, Victor Hugo revendiqua pour le poète le droit de produire « un livre inutile de pure poésie jeté au milieu des préoccupations graves du public » (les Orientales, préface). Il ne réalisa pourtant pas son projet, préférant orienter le romantisme vers un engagement politique et social. Ce fut Théophile Gautier qui développa cette théorie, dès 1835, dans la préface de Mademoiselle de Maupin. Devenu directeur de la revue l'Artiste vingt ans plus tard, il lança un manifeste proclamant « l’autonomie de l'art », le culte de l’esthétique pure, dans lequel se reconnurent le Parnasse, puis d’autres poètes comme Baudelaire et Mallarmé, pour un temps du moins.
Pour Gautier, l’artiste doit patiemment triompher de son narcissisme trop encouragé par les romantiques, travailler sur la forme et la force de son poème, plutôt que sur son sens social, politique ou historique. Le poème devient alors objet fini, jeu poétique, parfois acrobatique, et le poète, magicien du verbe et de la forme, artisan funambule. La critique contemporaine, tout en saluant les prouesses techniques des poètes de « l’art pour l’art », a mis en cause l’idée qu’une expression poétique puisse n’être qu’esthétique, tout choix poétique renvoyant nécessairement au « moi » du poète.
Citations
L’art pour l’art, et sans but. Tout but dénature l'art. (Benjamin Constant, Journal, 11 février 1804.) Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l'expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. — L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines. Moi, n'en déplaise à ces messieurs, je suis de ceux pour qui le superflu est le nécessaire, — et j'aime mieux les choses et les gens en raison inverse des services qu’ils me rendent. (Théophile Gautier, Mademoiselle de Maupin, préface.) Il ne faut plus dire que l’art pur ne sert à rien : il sert à vivre. (Georges Duhamel, la Possession du monde).
ART POUR L'ART - Théorie littéraire qui a été soutenue par les poètes parnassiens à la suite de Théophile Gautier et selon laquelle l’art n’a de valeur qu’en lui-même et se définit par la seule recherche des beautés du style et de l’expression. L'art pour l'art a été conçu et formulé en réaction contre le romantisme à qui l’on reprochait de trop accorder à l’expression des sentiments personnels et au souci d’une action politique. Les tenants de l’art pour l’art prônaient le retour à des notions exaltées par les classiques comme l’importance accordée au métier poétique. Selon cette conception, qui s’est développée approximativement à partir de 1840, la littérature doit être axée sur les valeurs esthétiques à l’exclusion de tout autre critère politique, idéologique ou moral. Un écrivain est avant tout un artiste et ne doit viser, dans son œuvre, que la perfection formelle et non la transmission d’un quelconque message. En dehors de certains excès qui ont débouché sur l’esthétisme, cette attitude a entraîné non seulement la sublimation de l’art, mais aussi le culte de l’artiste qui méprise la société et se tient au-delà du bien et du mal. L’art pour l’art a influencé des poètes comme Baudelaire, des romanciers comme Flaubert. Mais, en privilégiant le sens de la beauté par rapport aux autres valeurs, il a aussi préparé le décadentisme fin de siècle, le non-conformisme et la provocation immoraliste d’Oscar Wilde et de Gide. D’une manière plus générale, il correspond à une définition de la littérature qui donne le pas à la forme sur le contenu et que l’on retrouve, sous différentes variantes, à toutes les époques. L’école « parnassienne » en reprendra les principes.
—> Engagement - Parnasse
DÉCADENTISME nom masc. - Mouvement littéraire et artistique qui s’est développé, en France essentiellement, dans les années 1880 et qui se caractérise par une sensibilité tournée vers la recherche de sensations rares ou nouvelles, l’esthétisme, l’artificiel et le morbide. Pour désigner ce mouvement, on parle soit de « mouvement décadent », soit de « décadentisme », voire quelquefois de « décadisme ». Quant à en définir le contenu précis, cela s’avère extrêmement malaisé. En effet, le décadentisme n’a jamais constitué un mouvement structuré ou, à plus forte raison, une école littéraire. À la différence, par exemple, du surréalisme, le décadentisme ne s’est jamais véritablement doté d’un manifeste, ne s’est jamais constitué en groupe organisé, ne s’est jamais donné un chef de file. Plus que de mouvement, il faudrait sans doute parler de sensibilité diffuse, de climat artistique, de préoccupations récurrentes. Le décadentisme peut se définir comme l’état d’esprit dans lequel communièrent, de manière passagère, un certain nombre d’écrivains qui cherchèrent dans la pratique de leur art et l’exacerbation de leurs sens une sorte de réponse à ce qui leur semblait être la médiocrité bourgeoise de leur temps. Baudelaire peut sans doute être considéré comme le principal inspirateur du décadentisme, mais l’ouvrage le plus représentatif reste le roman de Joris-Karl Huysmans, intitulé À Rebours (1884), dans lequel l’auteur nous présente un « fm-de-race », des Esseintes, qui se retire du monde pour recréer un univers totalement artificiel régi entièrement par les caprices de son esthétique. Le décadentisme, même s’il fut éphémère et fuyant, reste une étape essentielle dans l’évolution de la littérature française. Il contribua à la formation du symbolisme, et, à un moment ou à un autre, d’une manière ou d’une autre, des écrivains aussi importants que Verlaine, Mallarmé, Laforgue ou Wilde s’en sentirent proches.
—> Dandy - Parnasse — Romantisme