Armand Gatti
Né le 26 janvier 1924 à Monaco. Enfance pauvre, autodidacte. A 16 ans, entre dans la Résistance. Arrêté par la Gestapo, il s’évade et s’engage dans les parachutistes SAS. Après la guerre, entre au Parisien libéré où il tient la chronique judiciaire. Devenu grand reporter, il remporte en 1954 le prix Albert Londres pour Envoyé spécial dans la cage aux fauves. Après de nombreux voyages, il tourne en 1961 un film en Yougoslavie, l’Enclos, puis un autre à Cuba en 1963, l'Autre Cristobal. Mais c’est surtout pour son théâtre qu’il mérite d’être retenu à partir de 1958 avec le Poisson noir qui remporte le prix Fénéon. En 1959, Jean Vilar lui offre sa chance au TNP avec le Crapaud-buffle. La pièce, jugée hermétique, est mal reçue. Mais, en 1962, Roger Planchon inscrit au programme du Théâtre de la Cité à Villeurbanne la Vie imaginaire de l’éboueur Auguste Geai Depuis, la démarche de Gatti n ’a cessé de s’affirmer dans le sens d’un théâtre militant, avec une prédilection, ces derniers temps, pour le travail collectif avec des enfants ou des travailleurs immigrés. Avec Gabriel Cousin et Michel Vinaver, Gatti est en effet l’un des dramaturges français contemporains à avoir le plus vivement et singulièrement réagi contre l’esthétique du théâtre de l’absurde. Dans la lignée de Brecht, Piscator et Meyerhold, il s’est prononcé de plus en plus en faveur du théâtre social et engagé. Ou plus exactement, pour lui, il n’est pas de différence entre l’acte théâtral et l’action politique, puisque toute sa démarche est tournée vers une imbrication du théâtre dans la vie. C’était déjà le cas de ses premières pièces qui condamnaient la souffrance humaine et le fait que l’homme soit le tortionnaire de son semblable. Dans l’Enfant-Rat, Gatti décrivait ses souvenirs de déportation, s’engageant dans une dénonciation de l’oppression que l’on retrouvera dans V comme Vietnam ou la Naissance. La dimension sociale est cependant transcendée au profit de résonances poétiques ou mythiques qui élargissent la vision de l’auteur et du spectateur. C’est pourquoi Gatti a toujours cherché des formes dramaturgiques nouvelles, faisant éclater les structures spatio-temporelles traditionnelles, utilisant moyens audiovisuels, projections de diapositives, plateaux tournants, décors multiples, afin de créer une impression de mouvement qui correspond au développement de la pensée du personnage et du spectateur. Théâtre militant, le théâtre de Gatti ne verse pas dans le conformisme didactique. A propos de V comme Vietnam, pièce qui lui a été commandée par un collectif syndical, il déclarait en 1967 : « Nous ne voulons pas d’un théâtre qui unisse mais d’un théâtre qui divise. » Le lieu théâtral évolue, jusqu’à l’extrême, jusqu’à sa négation. Et, en tout cas, disparaît le point de vue strictement individuel. Gatti accumule pour ses pièces toute une série de données qui sont mises au service du sujet ou des personnages de la pièce. D’où le caractère décousu que l’on a pu lui reprocher. Pourtant, cette confusion apparente procède du souci d’une lecture du monde qui vise à une prise de conscience individuelle. Les pièces se passent au Guatemala, en Chine, aux quatre coins du monde. Ou bien dans un quartier de Paris en proie à l’avidité des promoteurs, et cela donne les Treize Soleils de la rue Saint-Blaise,où Gatti s’est contenté d’être un scrip-teur au service des propositions faites par les habitants du quartier. C’est cette démarche collective qui a récemment conduit Gatti à travailler avec les élèves de 5e du C.E.S. de Ris-Orangis, aboutissant à un spectacle intitulé malicieusement le Chat guérillero. Expérience révolutionnaire s’il en fût puisque le directeur de ce collège a été sanctionné par ses supérieurs hiérarchiques pour avoir ouvert ses portes à une entreprise jugée subversive ! « Exubérant jusqu’à la confusion » écrit Geneviève Serreau dans son Histoire du nouveau théâtre à propos d’Armand Gatti. Peut-être, mais son baroquisme procède d’une ambition louable et trop rare dans le théâtre d’aujourd’hui pour ne pas être remarquable : celle de proposer au spectateur, au-delà d’un message politique, un reflet de lui-même. Ainsi, dans le contrepoint guerre-Pentagone, mort-IBM, dans V comme Vietnam, les scènes éclatent, figurant le mythe et la réalité, jusqu’à ce qu’il advienne nécessaire d’arracher le masque, de rompre le jeu de la comédie, pour que derrière le spectacle se révèle enfin la voix d’un homme : « Ce n’est plus la Quadrature qui vous parle. C’est un acteur parmi d’autres (un homme parmi d’autres). Mon rôle est fini, mais je n’en reste pas moins enfermé dans les sept lettres qui forment le mot Vietnam. » En mars 1976, Gatti présente à Paris la Passion du général Franco par les immigrés eux-mêmes. Franco est mort, la pièce n’est plus interdite comme quelques années auparavant au T.N.P. Mais le spectacle a lieu dans un entrepôt de béton des boulevards extérieurs, lieu incongru rendu à la vie par la magie d’une dramaturgie déambulatoire, le spectateur suivant debout les divers épisodes de l’action. Spectacle-manifestation mêlé à tous les groupes immigrés de quelque tendance que ce soit dont Gatti a tenu qu’ils tiennent leur stand sur le lieu même du théâtre. Cette pièce conte les différents trajets de l’exil qui conduisent les émigrés de Toulouse à La Havane, de Francfort à Mexico, ou tout simplement à la prison de Carabanchel. La Passion du général Franco est l’aboutissement de toute une démarche : pièce mobile, lieux éclatés, dramaturgie de campagne, lyrisme violent, ponctuent une action évolutive qu’auteur, acteurs et spectateurs modifient au gré des circonstances, comme Gatti lui-même l’a modifiée pour suivre les changements de la réalité espagnole. ► Bibliographie
(Sauf l'exception signalée, les textes d'Armand Gatti sont tous publiés aux éditions du Seuil) Reportages, documents : Envoyé spécial dans ta cage aux fauves, 1954 ; Vie de Churchill, avec Pierre Joffroy, 1955 ; Chine, coll. Microcosme, 1956; Sibérie, 1956 ; Préface au journal d'un guérillero, coll. Combats, 1971. Théâtre : le Poisson noir, 1958 ; le Crapaud-buffle, l'Arche, 1959 ; l'Enfant-rat suivi du Voyage du Grand Tchou, 1960 ; la Vie imaginaire de l'éboueur Auguste Geai, la Deuxième Existence du camp de Tattenberg, Chronique d'une planète provisoire, 1962 ; Chant public devant deux chaises électriques, 1964 ; la Naissance, 1966 ; V comme Vietnam, 1967 ; les Treize Soleils de la rue Saint-Blaise, 1968 ; la Passion du généra! Franco, 1968 ; Un homme seul, 1969 ; la Cigogne, 1971 ; Rosa collective, 1973, Passion du général Franco par les immigrés eux-mêmes suivi de la Tribu Carcara en guerre contre quoi, 1975. Etudes : Gatti aujourd'hui par Gérard Gozlan et Jean-Louis Pays, le Seuil, 1970.
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