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ARISTOTE : DEUX FORMES D'ÉGOÏSME

ARISTOTE : DEUX FORMES D'ÉGOÏSME

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La tradition judéo-chrétienne fait de l'amour d'autrui une sorte d'obligation. A l'égoïsme moralement condamnable, elle oppose l'altruisme, le dévouement aux autres. Les analyses d'Aristote présentent une autre problématique : même lorsque j'aime les autres, c'est, en un sens, toujours moi-même que j'aime. Mais il faut alors distinguer deux formes d'égoïsme, car l'égoïsme vulgaire ne peut rendre compte de l'amitié dont est capable “l'égoïsme” de l'homme vertueux.

« Les gens qui font du mot égoïste un terme de réprobation appellent égoïstes ceux qui, qu’il s’agisse de richesses, d’honneurs, de plaisirs corporels, prennent la part la plus grande ; tels sont en effet, pour la plupart des hommes, les objets de leurs désirs et de leurs efforts, car ils pensent que ce sont les plus grands des biens ; c’est pourquoi ce sont ceux qu’on se dispute le plus. Or, quand on place là son ambition, on s’abandonne à ses convoitises et, en général, à ses passions, et par conséquent à la partie irrationnelle de l’âme. Comme c’est là le cas de la plupart des hommes, la signification du mot vient de cet “égoïsme” de la masse, qui est vile. C’est donc avec justice qu'on méprise ceux qui sont égoïstes de cette manière. Que l’on appelle communément égoïstes ceux qui cherchent à se procurer ces sortes de biens, la chose est claire. Car s'il se trouve un homme qui s’applique constamment à accomplir plus que tout autre des actes de justice, de tempérance, ou de tout autre vertu, qui, en un mot, se réserve toujours à lui-même le beau — personne ne qualifiera cet homme d'égoïste ni ne le blâmera. Et pourtant c'est celui-là qui semblerait plutôt être égoïste ; il cherche, en tout cas, à s’assurer à lui-même les choses les plus belles, les biens suprêmes ; il veut contenter la partie de lui-même qui a l’autorité souveraine, et il lui obéit en tout. » AristoteEthique à Nicomaque, IX, 8,1168-1169 b.

ordre des idées

1) Analyse de l'égoïsme vulgaire. —Exemples d'égoïsmes : rechercher certains biens (richesses etc.) au détriment des autres hommes. — Ses sources : cette forme d'égoïsme résulte d'un abandon aux désirs et aux passions, ainsi que d'une confusion sur la nature des vrais biens. —Extension d'un tel égoïsme : il est très répandu ; la plupart des hommes cherchent des satisfactions de ce genre. Ce qui explique que ce sens du mot soit le sens commun.

2) Analyse de l'égoïsme de l'homme vertueux. — Exemples : être juste, tempérant, etc., donc s'approprier les biens véritables. — Sources : l'âme raisonnable, capable de choisir les vrais biens. — Conséquences : faire le bien, c'est “contenter” cette partie de l'âme, qui est la plus importante en l'homme, donc faire preuve d'une forme d'égoïsme, mieux : c'est être réellement égoïste (l'égoïsme vulgaire ne procure que d'apparentes et fragiles satisfactions).

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