ARCHÉTYPE
ARCHÉTYPE, n.m. (gr. archêtupos, de archê «principe» et tupos «empreinte», «forme»). ♦ 1° Sens primordial. Modèle fondamental : les Idées selon Platon. De même chez Malebranche : «Considérez avec attention l’idée claire de l'étendue : c’est l’archétype des corps ; elle en représente la nature et les propriétés» ; les choses participent des Idées. Sens voisin chez Berkeley : idées des choses en Dieu avant l'acte créateur. ♦ 2° Chez les empiristes (Locke, Condillac), pour lesquels il n’y a pas d’idées, l’archétype est soit une sensation en tant qu’origine des images qui la reproduisent, soit une notion qui sert à classer les objets perçus. ♦ 3° Le psychanalyste dissident C. G. Jung, «admettant que tous les inconscients individuels reposent sur un inconscient collectif qui leur est commun, et qui est lui-même enraciné dans la constitution de la nature, appelle archétypes certains types originels de représentations symboliques qui sont contenus dans celui-ci (l'inconscient collectif), et qui par suite se retrouvent semblablement, avec la même valeur affective, chez des peuples de races différentes, éloignés, qui n’ont pu avoir d’influence historique l’un sur l’autre, et même chez des individus isolés» (DOCTEUR Roland Cahen) ; Jung les appelait d’abord «les dominantes de l’inconscient collectif» {ex. : le dragon).
ARCHÉTYPE
(Du grec arché : commencement et typos : modèle.) Modèle idéal, dans la philosophie idéaliste. Il est, par exemple, chez Platon, synonyme d’idée, c’est-à-dire de prototype idéal permettant de rendre intelligible la chose sensible qui lui correspond ; chez Malebranche, les archétypes sont les idées de Dieu ou modèles éternels des êtres créés. ♦ En psychanalyse, la doctrine de Jung - renouant avec la théorie stoïcienne de l’âme universelle conçue comme lieu d’origine des âmes individuelles -admet l’existence d’archétypes, c’est-à-dire d’images ancestrales et symboliques qui, d’une part, se retrouvent à travers les mythes et légendes appartenant au fond commun de l’humanité, et d’autre part, constituent en tout individu, à côté de son inconscient personnel, l’inconscient collectif décelable dans les rêves, les délires et certaines manifestations de l’art.
ARCHÉTYPE
1. Sens courant : modèle premier ou idéal (cette maison est l'archétype du style normand traditionnel). Synonyme de type ou prototype.
2. Dans des philosophies idéalistes, les archétypes désignent des idées surprasensibles, suprêmes, qui servent de modèles éternels aux choses sensibles. Par exemple, Platon parle des Idées réalités éternelles et divines qui sont les archétypes de toutes choses : ainsi, quand un artisan fait un lit, il copie l’idée de lit qu’il a en tête et cette idée elle-même imite l’idée (éternelle) de lit.
3. C.G. Jung fait un usage particulier du mot archétype : il nomme ainsi des idées mythologiques communes à tout un peuple ou à toute une époque formant l’inconscient collectif et se retrouvant dans les légendes, les mythes ou les rêves. Par exemple, l’Ombre, personnage masculin sombre et inquiétant, se rencontre dans le folklore, dans des œuvres littéraires, dans les rêves : c’est un archétype.
ARCHETYPE. L’observation répétée chez ses patients, en particulier chez les schizophrènes, d’images et comportements archaïques, ne pouvant se réduire à la résurgence d’expériences oubliées, conduisit Jung à la notion d’un Inconscient dont les contenus « montraient des analogies patentes avec des formations mythologiques ». Puis se précisa la notion que « ces motifs ne sont pas inventés mais plutôt découverts ; ce sont des formes typiques qui apparaissent spontanément à travers le monde, indépendantes de la tradition, dans les mythes, les contes de fées, les imaginations, les rêves, les visions et les systèmes délirants des malades mentaux ». Par ailleurs, « en raison de leur énergie spécifique, ces images (qui se comportent comme des centres autonomes chargés d’énergie) exercent une influence fascinatrice qui, s’emparant de la conscience du sujet, est capable de l’altérer profondément ». Deux points de vue se dessinent : d) celui des représentations avec la notion d’ « image primordiale », assez proche, semble-t-il, des « fantasmes originaires » de Freud. « Il émane de l’inconscient des effets déterminants qui assurent dans chaque individu isolé la similitude et même l’identité de l’expérience ainsi que la formulation par l’imagination ». Ainsi se répètent des « situations humaines qui prévalent depuis les temps les plus anciens : jeunesse et vieillesse, naissance et mort, il y a fils et filles, pères et mères, il y a accouplement, etc. ». Cette direction suggère la notion de frayage. « L’archétype est une sorte de disponibilité, de propension à reproduire toujours à nouveau les mêmes représentations mythiques ou des images analogues » ; b) le point de vue des modalités d’action qui identifie l’archétype aux patterns of behaviour biologiques : ce sont « des attitudes typiques, des modalités d’action, pensées, processus et impulsions qui peuvent être considérés comme constituant le comportement typique de l’espèce humaine ». L’archétype serait donc le pouvoir organisateur commun à la représentation et au comportement. Le glissement constant entre images primordiales et archétype est à l’origine du malentendu concernant les « représentations héritées ». Jung a pourtant bien précisé : « Je n’affirme nullement la transmission héréditaire des représentations, mais uniquement la transmission héréditaire de la capacité d’évoquer tel ou tel élément du patrimoine représentatif ». Il s’agit en somme de « facteurs organisateurs qu’il faut considérer comme des modes fonctionnels innés et dont l’ensemble constitue la nature humaine ». « Ce serait une erreur de les considérer comme des idées héritées, alors qu’ils sont bien plus des conditions nécessaires à la formation des représentations en général, tout comme les instincts sont les conditions dynamiques nécessaires aux divers modes de comportement ». Les archétypes ont un rapport très étroit avec l’instinct. « Tout comme la conception consciente donne à l’action forme et fin, la conception inconsciente détermine par l’archétype la forme et la fin de l’instinct ». En lui-même, l’archétype est insaisissable. C’est « un élément vide, formel, qui n’est rien d’autre qu’une facultas praeformandi, une possibilité donnée a priori de la forme de représentation »: c’est pourquoi Jung le définit comme un « facteur psychoïde » dont le dynamisme créateur se retrouve chez les animaux comme dans le domaine de la physique ainsi que le suggèrent les phénomènes de synchronicité. En résumé : l’archétype est une hypothèse qui permet de tenir ensemble des perspectives antinomiques : a) celles de la représentation et des modalités d’action ; b) celles des phénomènes psychiques et physiques par son caractère psychoïde ; c) celles de structure et création dans le temps, d’ordre et de hasard, et de la synchronicité. « Dans l’expérience pratique, les archétypes sont à la fois des images et des émotions. L’on ne peut parler d’archétype que lorsque ces deux aspects se présentent simultanément ». Ils ont une charge énergétique spécifique et « développent des effets numineux qui s’expriment comme des affects », et qui leur confèrent une autonomie pouvant entraîner des phénomènes de fascination et de possession. « Quand une situation survient qui correspond à un archétype donné, celui-ci est activé et une tendance compulsive apparaît qui, comme une pulsion instinctuelle, poursuit son chemin contre toute raison ou volonté, ou produit un conflit ». Il prend forme alors grâce à la projection qui permet de le rencontrer comme un partenaire autonome. « Si la conscience réussit à interpréter l’archétype d’une manière conforme à la fois au sens et au moment », celui-ci apparaît sous une forme susceptible d’être intégrée. La capacité de relier l’archétype et le conscient individuel est appelée « fonction transcendante ».
ARCHETYPE (n m.) 1. — (Stricto) Modèle et principe de l’existence de quelque chose, Syn. prototype, paradigme ; pour Platon, les idées sont les archétypes de la réalité sensible ; pour les empiristes, les choses sont les archétypes des idées. 2. — (Lato) Modèle au sens 1. 3. — Idée archétype : pour Locke, idée (morale, mathématique) qui, n’ayant pas de modèle dans la réalité parce que formée arbitrairement, est son propre archétype. 4. — Entendement archétype : pour Kant, entendement qui est cause de la réalité de toutes ses représentations (c.-à-d. entendement divin), par oppos. à un entendement ectype dont les représentations ne sont que des copies de la réalité (entendement humain).