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APOLLINAIRE Guillaume

APOLLINAIRE Guillaume 1880-1918
Guillaume Apollinaris de Kostrowitzky est né à Rome, le 26 août 1880. Sa mère, Angélique, est une jeune polonaise, fille d’émigrés; de son père, non déclaré, on pense qu’il est un ancien officier sicilien. Guillaume passe les premières années de sa vie sur la Côte d’Azur, avec son jeune frère Albert et sa mère. L’été 1899, non loin de Spa, il découvre des paysages et un folklore qui reviendront régulièrement dans son œuvre; il fait aussi sa première expérience de «mal-aimé». Les deux années qui suivent se passent à Paris; il se consacre à divers petits métiers tout en écrivant et en lisant beaucoup. En 1901, après un séjour en Allemagne, il publie ses premiers poèmes dans une revue, puis, l’année suivante, entreprend un long voyage en Europe centrale. Il est amoureux d’une jeune anglaise, Annie Playden, qui ne veut pas de lui. Rentré à Paris, il se lie avec Jarry et Salmon, puis avec Derain, Vlaminck, Max Jacob et Picasso, écrit beaucoup, collabore à diverses revues. En 1907 il rencontre Marie Laurencin, avec qui il vivra jusqu’en 1912; il fait paraître deux romans érotiques, Les Aventures d’un Jeune Don Juan et Les Onze mille Verges. En 1909 est publiée La Chanson du Mal-aimé. En 1910, il a abandonné toute autre activité pour se consacrer à l’écriture; il donne des articles de critique d’art, publie un roman, L’Hérésiarque et Cie, qui rencontre un succès certain, écrit des contes, publie Bestiaire ou le Cortège d’Orphée, une série de quatrains illustrés par Raoul Dufy. Ses amis s’appellent Paul Fort, Moréas, Jules Romains et aussi Cendrars et le peintre Delaunay . Mais la période faste ne dure pas. En 1911, à la suite du vol de la Joconde, il est incarcéré à la Santé pour une rocambolesque affaire de recel, dans laquelle il n’a rien à voir. L’année suivante, Marie Laurencin le quitte. Suit une longue période de déprime, qui ne l’empêche pas, pourtant, de continuer à écrire (Le Pont Mirabeau date de 1912). En 1913 paraissent Les Peintres cubistes, un ouvrage de critique, et son premier recueil de poèmes: Alcools. L’année suivante, il fait la rencontre de Louise Coligny-Chatillon pour laquelle il s’enflamme. Brève passion, Louise — Lou, comme il la nomme dans son œuvre — le décevra bientôt. La guerre le surprend en pleine période d’activité créatrice; il veut s’engager dès le début du conflit (à ce moment-là, il n’a pas encore la nationalité française qui lui sera octroyée en mars 1916), mais n’est incorporé qu’en décembre 1914. Nommé sous-lieutenant, il fait bientôt la dure expérience de la guerre de tranchées, où il continue néanmoins de composer des poèmes. 1915 le voit très officiellement fiancé à Madeleine Pagès, qu’il laissera tomber l’année suivante. Blessé à la tempe par un éclat d’obus, en 1916, il est trépané et ne guérit que très péniblement. A la fin de l’année paraît Le Poète assassiné. Beaucoup de jeunes poètes se réclament de lui: tels Reverdy, Soupault, Breton; Tzara essaie d’avoir son parrainage pour le mouvement Dada qui commence à naître. Après la représentation en juin 1917 de son drame surréaliste: Les Mamelles de Tirésias, il publie Vitam impendere amori et, en 1918, Calligrammes. Au début de 1918, il épouse Jacqueline Kolb, mais, affaibli par une mauvaise congestion pulmonaire dont il a souffert au début de l’année, il ne résiste pas à la terrible épidémie de grippe espagnole qui ravage le pays en cet automne 1918, et meurt, le 9 novembre. De toute sa production poétique, entre 1899 et 1918, une partie seulement a été publiée de son vivant; le reste a été rassemblé en recueils: Il y a... (1925), Ombre de mon Amour (1945), Le Guetteur mélancolique (1947), ou intégré, comme poèmes inédits, à des œuvres déjà connues lors de rééditions. Entre la fin du symbolisme et l’irruption de Dada, la poésie d’Apollinaire marque et illustre bien le tournant qui, dans la poésie française, accompagne le tournant du siècle, et la fait passer d’une esthétique «décadente» ou «fin de siècle» à une autre, «révolutionnaire». En effet, si ses premiers vers, ceux de la Chanson du Mal-aimé par exemple, ou ceux que savent tous les enfants (comme Les Colchiques), sont proches encore des harmonieuses mélodies d’un Verlaine ou d’un Laforgue, très vite, Apollinaire opte pour le vers libre, pour l’assonance plutôt que la rime, pour le vers parlé plutôt qu’écrit, pour la discontinuité de la syntaxe et, aussi, peut-être à cause de son goût pour le visuel, en vient à supprimer la ponctuation (1913) et à jouer avec la disposition des vers, jusqu’à en faire des calligrammes ou des dessins. Chaud partisan du futurisme, des peintres modernes, des cubistes, il a fait de son œuvre comme un écho de leurs recherches et, par là, est le premier poète du XXème siècle.
APOLLINAIRE Guillaume (pseud. de Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky). Poète français. Né à Rome le 26 août 1880, mort à Paris le 9 novembre 1918. Fils d’une Polonaise fantasque et de goûts nomades, et d’un Italien que la légende a voulu prélat romain, évêque de Monaco ou gentihomme et officier de l’armée italienne, Français lui-même de langage, de culture et d’élection, Apollinaire est le plus original, le plus divers, le plus grand aussi des poètes qui ont cherché la rénovation de la poésie en France au début de notre siècle. Après de bonnes études effectuées dans des collèges religieux à Monaco, puis à Cannes et à Nice, qui formèrent son humanisme classique et le teintèrent de quelque mysticisme frondeur, il se rendit à Paris (1899), et trouva peu après l’occasion de suivre, en qualité de précepteur, une famille en Allemagne. Par la suite il parcourut, le plus souvent à pied, la Rhénanie, la Forêt Noire, puis la Bohême, enfin la Hollande, au cours de trois ans de vagabondage qui fourniront à sa poésie, à ses contes, une foule de motifs et d’images. A son retour à Paris, après la faillite de la banque où il avait trouvé a gagner de quoi vivre, il devint rédacteur à différents journaux, signa Four la collection « Les Maîtres de l’Amour » édition d’ouvrages libertins français (Sade, Mirabeau, Andréa de Nerciat, abbé de Grécourt, etc.) et traduits (Arétin, Giorgio Baffo, F. Delicado, etc.), en écrivit lui-même ou les signa : Les Mémoires d’un jeune Don Juan (1905), Les Onze mille verges (1907). Entre-temps il avait fondé avec André Salmon une revue éphémère, Le Festin d’Esope, s’était lié avec Max Jacob, Jarry, les peintres Picasso et Braque, avec toute l’avant-garde de l’Art. En 1908 il publia L’Enchanteur pourrissant , roman qui paraphrase avec bonheur la légende de Merlin et de la fée Viviane; en 1910, L’Hérésiarque et Cie , récits fantastiques d’une rare perfection de style; en 1911, son premier volume de vers, Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée , dont presque chaque poème parvient à enfermer dans le raccourci de quelques vers tout un microcosme. En 1911, sa nonchalante insouciance le fit impliquer dans un vol de statuettes phéniciennes au musée du Louvre; avant le non-lieu qui termina l’affaire, le poète connut un court séjour à la Santé qui nous vaudra quelques-uns des vers les plus poignants d’Alcools (1913), son œuvre maîtresse où se déploie dans toute sa diversité et sa richesse le jeu multiforme de son génie poétique. Il n’a pas laissé pour autant d’allonger la liste de ses ouvrages libertins : les romans La Rome des Borgia (en réalité de son ami René Dalize) et La fin de Babylone sont l’un de 1913, l’autre de 1914 ainsi que Les Trois Don Juan (Don Juan Tenorio, Don Juan Manara, Don Juan d’Angleterre); de 1913 date le catalogue descriptif de l'Enfer de la Bibliothèque Nationale (en collaboration avec F. Fleuret et L. Perceau). Le combat pour un art nouveau, en peinture comme en poésie, commencé avec l’exaltation du douanier Rousseau, se poursuit avec la revue Les Soirées de Paris, fondée en 1912; avec les « méditations esthétiques » sur Picasso, Braque, Marie Laurencin, Fernand Léger, Picabia, etc., dans Les Peintres cubistes (1913); enfin avec le manifeste L’Antitradition futuriste (1913). Non mobilisable, Apollinaire se fit naturaliser, s’engagea volontairement, se battit comme artilleur d’abord, puis, sur sa de mande, dans l’infanterie. Blessé gravement à la tête en mars 1916, il fut affecté à divers services à Paris où, affaibli par les opérations subies et par les suites de sa blessure, il mourut, emporté par l’épidémie de grippe de l’automne 1918. De la guerre il avait rapporté les poèmes de la Case d’Armons qui seront repris dans Calligrammes , publié en 1918, après sa mort. Dans ce recueil, de très beaux poèmes d’avant la guerre et de la guerre alternent avec les jeux graphiques, parfois funambulesques, souvent amusants ou touchants, qui lui donnent son titre. De son vivant furent encore publiés Le Poète assassiné , fantaisie surréaliste et polémique (1916), un recueil de poèmes, Vitam impendere amori (1917) en collaboration avec André Rouveyre, la Très plaisante histoire [...] de Perceval le Gallois (1918) d’après les anciens textes, Le Flâneur des deux rives (1918), évocations de Paris teintées de surréalisme. Rappelons encore les deux pièces de théâtre, le « drame surréaliste » Les Mamelles de Tirésias , joué sans lendemain le 14 juin 1917, publié après sa mort (1918), transformé par Francis Poulenc en opéra-comique (représenté en 1945 à Paris); et un autre drame, Couleur du temps, en 3 actes et en vers, joué une seule fois au Théâtre Lara (24 nov. 1918) et publié en 1920. Des nombreux ouvrages publiés à titre posthume citons La Femme assise (1920; rééd. 1948), centon d’éléments assez disparates sous forme de roman, inégal mais intéressant; Il y a... (1925; rééd. 1947) et Ombre de mon amour (1947), deux recueils de poèmes inédits Les Epingles (1928), contes inédits; Anecdotiques (1926), Contemporains pittoresques (1929), L’Esprit nouveau et les poètes (1946), recueils des articles publiés au Mercure de France et ailleurs, Lettres à sa marraine (1948), écrites pendant la guerre, Le Guetteur mélancolique (1952), poèmes inédits, Tendre comme le souvenir (1952), lettres. Cinq figures de femmes traversent son œuvre, inoubliables, depuis Annie, la jeune anglaise de la Chanson du mal aimé, et Marie qui déchire le poète de Zone ou du Pont Mirabeau (Marie Laurencin), et Lou, puis Madeleine, ses amours du temps de la guerre, jusqu’à Jacqueline, l’« adorable rousse » de Calligrammes, qu’il épousa en mai 1918. Les poèmes d’Apollinaire ont souvent inspiré les compositeurs : Honegger mit en musique six poèmes d’Alcools, Francis Poulenc de nombreux poèmes, ainsi que Louis Durey, Jean Rivier, et autres. Dans la poésie d’Apollinaire passent souvent des échos de tous les grands poètes qui l’ont précédé, depuis Villon et Ronsard jusqu’à Verlaine, Rimbaud et Mallarmé : mais il n’en possède pas moins une personnalité, une originalité indiscutable. Magicien un peu mystificateur pour ceux qui Font connu, il laisse souvent percer la mystification sous la magie musicale de ses vers. Les tentatives d’une poétique nouvelle s’accompagnent inévitablement de faux pas et laissent des scories : cela n’enlève rien à la vraie grandeur d’Apollinaire; et son influence, qui a été profonde sur l’art de tout le demi-siècle dernier, est très loin d’avoir cessé aujourd’hui. ♦ «... poésie mystérieuse, étrange, au ton un peu brisé, barbare et équivoque, d’un effet de suggestion et d’émotion extraordinaire, le plus souvent avec les mots les plus simples... » P. Léautaud. ♦ « La poésie de Guillaume Apollinaire est rurale comme celle de l’écolier François. Les bars y remplacent les tavernes; les halls des gares, avec leurs filous et leurs émigrants misérables, les places sordides de l’ancien Paris... Comme Villon il rit en pleurs; il est roué et jobard, réaliste et raffiné, sceptique et crédule, viril et faible; il est le peuple de Paris, le Peuple même. » F. Fleuret. ♦ « Apollinaire prend à cœur de toujours combler ce Vœu d’imprévu qui signale le goût moderne... Apollinaire pilote du cœur laissons-nous seulement gouverner. » A. Breton.

APOLLINAIRE Guillaume 1880-1918 Poète, né à Rome. D’origine polonaise par sa mère, et italienne par son père (qu’il ne verra jamais). Il passe son enfance à Monaco et à Nice ; gagne d’abord sa vie comme précepteur en Allemagne, où il connaît son premier amour, Annie Playden. À partir de 1903, il est à Paris et s’adonne à force « travaux de librairie » (mais par là, du moins, il découvre Sade). Il se jette avec enthousiasme au premier rang de l’avant-garde (artistique d’abord aux côtés des peintres Picasso, Braque et Delaunay, qu’il défend ; littéraire ensuite, aux côtés de Jarry et Max Jacob). Activité moderniste et avant-gardiste non dénuée de courage, d’ailleurs ; à cette époque on ne pouvait guère en rapporter que des horions. Pour sa part, il sera traité dans le meilleur des cas de « brocanteur cosmopolite ». Et aussi (plus volontiers) de « métèque ». En revanche il rencontre le délicieux peintre Marie Laurencin, qui sera l’une des grandes passions de sa vie. Dès 1898, il a fait paraître ses premiers poèmes dans diverses revues ; mais, aux yeux du public, il reste un critique d’art. Son premier livre, L’Enchanteur pourrissant (1909), fait dialoguer Merlin, Médée, Lilith, etc. L’Hérésiarque et Ce (1910) réunit des contes brefs et curieux, en particulier L’Amphion faux messie. C’est en 1913 seulement qu’il se décide à publier son premier recueil de poèmes, Alcools. Il y a rassemblé des pièces assez anciennes (la série des Rhénanes) et parfois très traditionnelles dans leur forme et dans leur ton (La Chanson du mal aimé, Le Pont Mirabeau). Mais Zone, la pièce initiale du recueil, surprend le public par sa nouveauté. Composée par Apollinaire peu avant de remettre le livre à l’éditeur et sous le coup de la lecture des premiers poèmes de Cendrars, c’est une pièce en vers libres, riche en changements de registre, en images violemment juxtaposées (un avion, des sirènes qui chantent), et en trouvailles visuelles et verbales (le célèbre Soleil cou coupé qui la termine). Introduit peu à peu dans le « monde », le bohème Apollinaire se piquera un jour de courtiser Louise de Coligny-Châtillon : Lou dans ses Poèmes, et ses Lettres (publiées en 1969). Survient la guerre où le poète s’engage aussitôt (décembre 1914), ce qui attendrit la jeune femme. Mais cette liaison n’aura guère de suite. Il réussit mieux auprès d’une jeune fille qu’il connaît dans un wagon de chemin de fer, Madeleine Pagès, avec qui il se fiance. Du front, il continue d’envoyer à Paris des poèmes d’amour ou de guerre, également enthousiastes. Muté dans l’infanterie sur sa demande, il reçoit à la tempe un éclat d’obus. On l’opère (mars 1916), mais il ne se remettra jamais véritablement de cette blessure. On publie à Paris Le Poète assassiné (1916), contes et nouvelles (dont le titre, imaginé par l’éditeur, est vraiment peu dans l’esprit d’Apollinaire, alors hospitalisé). De retour à Paris, il publie bientôt une mince plaquette de vers au titre éloquent, Vitam impendere amori (vouer la vie à l’amour). Puis il fait jouer la même année (1917), grâce à son énergique confrère Pierre Albert-Birot, Les Mamelles de Tirésias, opéra bouffe qui se propose d’encourager la natalité en France (et qui, au passage, inaugure dans son sous-titre l’épithète surréaliste). Il a le temps encore - avant de mourir, victime de la grippe dite espagnole - de se marier avec Jacqueline Kolb, la jolie rousse que chante un de ses poèmes, et de donner un dernier recueil : Calligrammes (1918). Ces calligrammes sont des poèmes dont les vers, de longueur variable, dessinent par leur profil un objet déterminé. Genre connu dès l’Antiquité (ainsi, au XVIIe siècle, les poèmes bachiques « en forme de bouteille »). Mais Apollinaire en diversifie les formes avec beaucoup d’ingéniosité (La Colombe poignardée et le jet d’eau) ; et non sans humour aussi, à l’occasion (La Cravate et la montre). Au surplus, le recueil ne contient pas seulement des calligrammes, mais encore le regroupement de ses très surprenants poèmes de guerre. Surprenants, en particulier, par leur ton d’exaltation joyeuse et presque enfantine : cette guerre dite « de position », aussi mome que meurtrière, est conçue ici, le plus souvent, comme une féerie pure (et les duels d’artillerie au-dessus de la tranchée, comme le « bouquet d’artifice » d’une fête particulièrement réussie : Que c’est beau ces fusées...). Apollinaire au total est un tendre, un lyrique ; un « romantique » pour ainsi dire. On lui en a fait grief : faux poète d’avant-garde, poète-caméléon, etc. ; romantique? sans aucun doute : par la chaleur, ou plutôt, par le besoin de chaleur autour de lui. Mais, avant tout, cette perpétuelle effusion reste pudique : honteuse d’elle-même presque et voilà qui (fort éloigné de l’attitude romantique) apparaît, dans le vrai sens de ce mot, moderne. Encore faut-il préciser qu’il sera, dans ses plus beaux morceaux, moderne sans le chercher : malgré lui. Son avant-gardisme aussi bouillant que protéiforme n’est pas souci d’étonner (ni la « galerie » ni le « bourgeois » ; rappelons que c’était chose assez peu payante à l’époque) mais besoin d’être étonné lui-même : en état de perpétuel émerveillement. D’où ses engagements successifs dans les rangs des symbolistes puis des futuristes ; puis, de nouveau, ses bravos tardifs au groupe du cabaret Voltaire de Zurich en 1916 (les futurs dadaïstes) ; et sa rage à forer sans répit d’autres issues, à forger des mots tout neufs (« surréaliste », « art tactile », « esprit nouveau » ; soit trois écoles, trois révolutions la même année 1917), ou encore à élargir la brèche que vient de tailler quelqu’un de ses amis (Pierre Albert-Birot, Cendrars ; et Cocteau même, dont le ballet bouffe Parade préfigure Les Mamelles de Tirésias). Friand de tout ce qui est différent, voire bizarre, et affligé d’une curiosité boulimique, s’il retourne parfois sans crier gare à la simplicité (quand ce n’est pas à la sentimentalité), c’est par une soif ardente de « communion ». Le bonheur invraisemblable que chante le « métèque » Kostrowitzky dans ses poèmes de tranchée, c’est celui d’un homme qui se sent chez lui, dans son élément enfin, au sein d’une classe populaire à l’âme candide, cordiale (et un peu cynique aussi, parce que sincère). Là, il est pour la première fois à l’aise ; avec une grosse bourrade, on l’appelle « Costro ». De même lorsque plus tard, dans Les Mamelles, il chante la repopulation (Faites-nous des enfants vous qui n’en faisiez guère), est-ce là ambition de poète-patriote ? Certes, non ; mais bizarre mélange de son naïf souci de deviner aussitôt (voire de devancer) l’« esprit du jour » et d’un besoin d’être adopté, enfin, dans son pays d’adoption. De même, avec les femmes, il réussira toujours moins bien ses « passions » pour les grandes cérébrales, ou les femmes du monde, que ses amours simplistes et tendres avec les artistes débutantes ou les jeunes femmes de rencontre. Il les aime d’être simples. Comme il est simple lui-même en fin de compte. Et c’est ici le lieu d’évoquer la définition de Watteau par Michelet : « Il rejoint l’innocence à force d’intelligence. »