André COMTE-SPONVILLE : Une éducation philosophique
André COMTE-SPONVILLE : Une éducation philosophique
Que cherche le philosophe ? la sagesse. Mais que vaut la sagesse si elle ne procure pas le bonheur, c’est-à-dire la plénitude d’être. Comte-Sponville dans son Traité du désespoir et de la béatitude qui le fit connaître au début des années 80 rappelle que toute la philosophie ne vaut que si elle permet de poser la question du sens de l’existence humaine. La sagesse désespérée qu’il nous propose est au-delà de l’espoir. L’humain ne peut penser échapper à sa condition de mortel, mais il peut l’accepter lucidement par un travail sur lui-même. Si de tous les désirs, le bonheur est le plus universel, il n’en est pas moins vrai qu’il est aussi le plus difficile à réaliser. Car les obstacles sont innombrables, en raison de l’idée très commune que le désir est la conséquence d’un manque. Ce que nous propose Comte-Sponville, retrouvant par là la sagesse des stoïciens, c’est de vivre dans le présent et d’adopter un point de vue lucide, désespéré, débarrassé de toute espérance.
- désirable absolu : qui trouve sa légitimité et sa satisfaction en lui-même. Par exemple, le sage cherche la plénitude non pour la maîtrise de soi qu'elle suppose mais pour elle-même.
- espérance : pour Comte-Sponville, c'est une illusion. Le philosophe doit la dépasser en acceptant le réel tel qu'il est, car la vérité n'est ni bonne ni mauvaise. Ce que propose l'auteur c'est une lucidité désespérée, c'est-à-dire une sagesse, un art de vivre sans troubles.
Philosopher pour être heureux
Tout homme veut être heureux, et cela suffit peut-être à définir, au moins provisoirement, le bonheur : il est ce que chacun désire, non en vue d’une autre chose (comme on désire l’argent pour le luxe ou le luxe pour le plaisir) mais pour lui-même, et sans qu’il soit besoin - ni, d’ailleurs, possible - d’en justifier la valeur ou l’utilité. “A quoi bon être heureux ?” A cette question saugrenue il n’est pas de réponse, et c’est à quoi le bonheur se reconnaît : il est le désirable absolu qui vaut par soi seul, la satisfaction ultime vers quoi toutes les satisfactions tendent, le plaisir complet sans lequel tout plaisir est incomplet (...). Une telle définition n’est pourtant que nominale (c’est ce qui explique que les hommes, qui s’entendent si bien sur le mot, s’entendent si peu sur la chose ; tous appellent “bonheur” ce qu’ils désirent absolument, mais tous ne désirent pas, comme on sait, les mêmes choses... Or ce n’est pas le mot qui importe mais la chose, c’est-à-dire le bonheur lui-même, qui n’est pas un mot, ni une chose. Qu’est-il ? Peut-on l’atteindre ? Comment ? La philosophie et la vie (la vie, donc la philosophie) trouvent là l’objet principal de leurs préoccupations. C’est l’enjeu de vivre et de penser. (...) Ce que Platon dit du désir, qu’on ne désire que ce qu’on n’a pas (...) est donc vrai, non du désir en acte, mais du désir en attente : non du désir mais de l’espérance (...). C’est pourquoi le bonheur est manqué : non du fait du désir (que le bonheur au contraire suppose), mais du fait de l’espérance. Nul n’a peut-être mieux vu la chose, en tout cas en Occident, que les stoïciens. L’espérance est une passion (...) un mouvement déraisonnable de l’âme qui s’éloigne de la nature. Le sage ne saurait le ressentir. Il vit au présent et rien ne lui manque.
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