amour
amour, élan du cœur qui nous porte vers un autre être. L’amour connaît toutes, sortes de degrés et de variétés qui « sont autant d’expressions d’un seul et même ensemble de tendances » (S. Freud). L’amour, même s'il se masque sous des allures bourrues, est le viatique le plus précieux que l’enfant puisse recevoir. Il conditionne le développement du sentiment de sa valeur personnelle et rend acceptables les frustrations et les contraintes éducatives. L’enfant sait reconnaître l’amour authentique de celui qui ne l’est pas. Même si on lui- prodigue des mots, des gestes, des cadeaux et des baisers sans chaleur, il sent avec certitude ce qui se cache derrière les apparences. Le désir d’amour est précoce et universel. Même les animaux éprouvent un tel besoin de rapprochement. Des chiens élevés sans contacts physiques avec d’autres chiens ou avec des hommes restent définitivement instables et immatures.
L’Amour est, avec la Haine (ou la discorde), le grand moteur de l’existence humaine. Il reste peu de choses qui ne soient accomplies par amour, pour l’amour ou avec amour ; au moins si l’on met l'amour de Soi à parité avec l'amour d’objet, et si l’on prend à compte les contingents inhibés quant au but et sublimés de l’érotisme... L’amour, en psychanalyse, a un sens en fait plus large et général, déterminé par les phénomènes d’équivalence, de substitution et de transfert, observables dans la cure. Il caractérise alors toute forme d’attachement pour les êtres : pour Soi, mais aussi pour les choses, les concepts, les idéaux... Vu de cette façon, l’amour forme la composante érotique de l'Instinct de Vie, en opposition avec les tendances de destruction ou de mort. L’amour est toujours couplé, sous cet aspect, avec la haine dans l'ambivalence du sentiment. Et le contraire de l’amour n’est pas la haine, mais l’indifférence... L’énergie de l’instinct de Vie (Eros) est alors nommée « libido » pour autant qu’elle correspond aux métamorphoses du désir.
1. Au sens propre, l’amour concerne de fait l’investissement de l'Objet sexuel. L’Objet d’amour est alors l’enjeu d’un choix ; tandis que les différentes « pulsions sexuelles partielles » sont synthétisées sous la primauté du génital. L’amour condense ici le courant sensuel, le courant de tendresse et l’idéalisation, la surestimation de sa « cible ». Le choix de l’objet évolue cependant en deux temps chez l’Homme. Le premier choix est soumis au refoulement du Complexe d’Œdipe (barrière de l’inceste). Celui-ci est lié à la sexualité infantile qui culmine dans son organisation prématurée. L’existence d’une phase de latence, entre le déclin de la sexualité infantile réprimée et le retour de la puberté, conduit au problème du changement d’objet. Ses avatars expliquent les diverses « retombées » de la vie amoureuse (Don juanisme, dissociation de l’affection et de l’érotisme et autres rabaissements) dans la suite de la déception œdipienne qui marque au coin l’amour d’insatisfaction, de jalousie, d’inhibition, de blessure... Le garçon renonce sexuellement à sa mère, mais continue, en principe, d’investir les femmes. La fille, elle, doit renoncer à sa mère, puis à son père. Au double changement de personne, elle doit associer un changement de sexe de l’objet. Il y a là un chemin plus aventureux, plus difficile, expliquant la plus grande fréquence des névroses féminines, comme les exigences d’amour plus intenses chez la femme...
2. Le premier choix de l’Objet repose sur les expériences de satisfaction liées aux soins maternels. C’est là la base d’un choix dit « anaclitique » (par étayage du sexuel sur le vital et qui fait de la mère le Premier Amour). Cependant, l’existence d’homosexuels témoigne de la réalité d’un choix narcissique (selon un reflet de Soi). En fait, les deux choix se rencontrent au départ ; l’être humain a d’abord deux objets sexuels : lui-même et la femme qui s’occupe de lui... D’une manière générale, il appartient à la psychologie amoureuse différentielle des sexes de remarquer que l’homme est plus « anaclitique » et transfère son « narcissisme » dans la surestimation de l’Objet sexuel. Après le développement sexuel pubertaire, la « vraie femme » est plus narcissique (elle aime surtout être aimée) et se rend, comme telle, « fascinante » pour celui qui a partiellement renoncé au narcissisme. Ces orientations ne peuvent évidemment être isolées de leur différenciation dans la totalité de la Relation (dualité des identifications paternelle et maternelle ; complexe de castration ; changement d’Objet ; bisexualité, etc.). Elles ne peuvent servir à nier un type d’attachement anaclitique chez de nombreuses femmes. Les plus narcissiques accèdent d’ailleurs généralement à « l’amour d’Objet » soit dans l’enfant, soit dans l’identification à la masculinité renoncée, et retrouvée dans le partenaire sexuel...
3. Si l’Amour est la grande affaire de la Vie, il n’est guère besoin de la psychanalyse pour savoir que ce n’est jamais une affaire simple. Les écueils en sont grands et multiples. L’état amoureux suppose que l’Objet draine, la plus grande partie des ressources en « libido » et prenne la place de l’idéal du Moi : il y a ici la condition d’un appauvrissement du Moi (aimer rend humble) qui ne peut être compensé que par le fait (aléatoire) d’être aimé en retour. La vie amoureuse engendre donc, possiblement, un cortège de sentiments d’infériorité faisant bientôt place à l’ambivalence. Par ailleurs, l’idéalisation excessive de l’objet d’amour peut conduire à un « platonisme » impuissant ou à un « rabattement » dans le clivage de l’objet idéalisé et de l’objet sexuel. Il est nécessaire qu’une fraction d’activités « perverses » (érotiques extra-génitales) n’ait été ni refoulée, ni l’objet de formations réactionnelles, pour fournir les « plaisirs préliminaires » indispensables à l’acte sexuel. Enfin, la relation amoureuse hétéro-sexuelle suppose l’admission, la symbolisation, de la différence sexuelle (le dépassement dans les deux sexes du complexe de la castration), comme la libre capacité d’une identification fusionnelle prégénitale à l’autre, redevenu l’Un, dans le rapport sexuel... Ces facteurs, associés aux contingences extérieures et à bien d’autres composantes (régressions instinctuelles ; masochisme, etc.), laissent entrevoir la complexité des conditions qui président au Bonheur dans l’Amour...