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ALLÉGORIE ALTÉRITÉ ALTERNATIVE Althusser ALTRUISME AMORAL AMORALISME AMOUR

ALLÉGORIE
Terme qui désigne à la fois un type de lecture et une catégorie d’œuvres. Au premier sens, c’est une méthode d’interprétation, appliquée dès le VIe siècle avant J.-C. aux textes d’Homère (pour l’excuser de ce qu’il dit des dieux) ou à la mythologie grecque, et ultérieurement à la Bible - notamment par les Pères de l’Église, dont saint Augustin qui définit, de façon traditionnelle, l’allégorie comme la « figure où l’on donne à entendre une chose par une autre ». ♦ L’œuvre allégorique est ainsi celle dont tous les éléments correspondent terme à terme à ceux d’un sens qu’elle sous-entend. Dans cette deuxième acception, on distinguera toutefois l’allégorie du symbole qui est équivoque et offre un intérêt esthétique même si l’on n’en perçoit pas le sens ; l’allégorie est le plus souvent univoque, et n’a pas en soi une grande valeur indépendamment de sa signification.
ALTÉRITÉ
Caractère de ce qui est autre - ce dernier terme étant pratiquement impossible à définir, mais s’opposant classiquement, jusque dans la métaphysique, au même : depuis Platon (Le Sophiste) on le comprend de façon plutôt négative. C’est Hegel* qui, le premier, montrera qu’il recèle un aspect positif.En logique, c’est la négation stricte de l’identité.
ALTERNATIVE
En logique formelle, groupe de propositions dont une seule est vraie. Elle se présente souvent sous la forme (au moins implicite) : « ou bien... ou bien... ».


Althusser
(Louis, 1918-1990.) Philosophe français qui, après une étude sur Montesquieu et l'histoire, a renouvelé la lecture de Marx pour entamer une critique de gauche du stalinisme. ♦ Il a montré que la théorie de Marx implique une rupture avec Hegel (accomplie lors de la « coupure épistémologique » de 1845-46, soit à partir de L'Idéologie allemande), et que, une fois en cours, elle aboutissait à un antihumanisme théorique (l'homme demeurant un sujet, mais dans, et non de l'histoire) - la philosophie devenant non plus reflet de la lutte des classes, mais un de ses terrains propres : « en dernière instance, lutte des classes dans la théorie ». En raison de l'importance qu'il accorde à la détermination par l’économique Althusser s'est involontairement retrouvé inclus dans la mode du structuralisme. Son apport le plus important, qui prend la suite des travaux de Gramsci sur les institutions culturelles, est peut-être son analyse des « appareils idéologiques d’État », qui désignent les institutions (enseignement, justice, armée, etc.) imposant à une population l’idéologie de la classe dominante. Œuvres : Pour Marx (1965) ; Lire le Capital (1965) ; Lénine et la philosophie (1968) ; Réponse à John Lewis (1973) ; Positions (1976).

Althusser Louis (1918-1990). Né en Algérie, d’une famille de petits fonctionnaires, il fait ses études à Marseille, puis à Lyon ; il entre en 1939 à l’École normale supérieure, mais sa scolarité est interrompue par la guerre ; il est fait prisonnier et envoyé dans un camp en Allemagne, où il restera jusqu’en 1945. Après la guerre, il reprend sa scolarité à l’École normale. Il y élabore son œuvre philosophique, une lecture structuraliste du marxisme, et y enseigne jusqu’en novembre 1980, date à laquelle il assassina sa femme, Hélène Legotien. Ce drame est à l’origine de son autobiographie, L’avenir dure longtemps (Stock-IMEC, 1992). Écrit pour rompre le silence imposé par l’absence de procès, ce texte s’ouvre de manière révélatrice sur la scène du meurtre. Rompant « le destin du non-lieu, la pierre tombale du silence », il relate son enfance en Algérie, ses visites à ses grands-parents dans le Morvan, moments de rare bonheur. Évoquant le personnage de sa mère et le roman familial (il prit la place d’un mort, le frère du père, dont il porte le prénom), il tente d’expliquer l’origine de ses dépressions. Sa relation avec Hélène Legotien, ses prises de position au parti communiste, ses lectures de Marx sont au centre d’un texte qui bouleverse parfois l’ordre chronologique pour rôder autour de ce meurtre dans lequel il s’enracine. Il est mort le 22 octobre 1990. La publication posthume de L’avenir dure longtemps est accompagnée d’un récit inachevé, Les Faits, rédigé en 1976, qui apparaît comme un double burlesque de l’autobiographie tragique. Le Journal de captivité (Stock-IMEC, 1992) offre un témoignage sur la personnalité du jeune Althusser et sur l’expérience du Stalag. Fonds Althusser à l’IMEC.


ALTRUISME
Ce terme créé par A. Comte désigne le sentiment désintéressé à l’égard d’autrui, par opposition à l’égoïsme. La morale d’A. Comte (morale positiviste) repose sur le précepte altruiste : « Vivre pour autrui. »
AMBIGUÏTÉ
Caractère de ce qui est équivoque et - dans l’existentialisme - condition de l’homme dont l’existence n’a pas de sens donné au préalable, mais un sens qui « doit sans cesse se conquérir » grâce à la liberté. À distinguer de l’absurdité, qui nie que l’existence puisse se donner un sens.
ÂME
Principe susceptible d’animer la matière, c’est-à-dire de lui conférer la vie. ♦ Tel est le point de vue d’Aristote qui distingue l’âme végétative commune à tous les vivants et assurant les fonctions vitales de base, l’âme sensitive qui produit la sensation et la sensibilité chez l’homme et les animaux, et enfin l’âme raisonnable, principe de la pensée chez l’homme. Avec Descartes, l’âme raisonnable subsiste seule sous le nom de substance pensante - les autres parties de l’âme étant réduites à l’activité corporelle - ce qui aboutit à une séparation radicale de l’âme et du corps (dualisme). ♦ Certaines philosophies (stoïcisme, Schelling) admettent la notion d’âme du monde ou principe de vie et d’unité de l’Univers, de la même manière que l’âme individuelle par rapport au corps. ♦ En psychologie, le terme d’âme - synonyme de conscience ou d’esprit -est parfois employé pour désigner l’ensemble des faits psychiques observables. Signalons que la psychanalyse de Jung reprend les deux notions latines anima (souffle vital) et animus (pensée, esprit) pour en faire dans l’inconscient les archétypes complémentaires de la masculinité et de la féminité.
ÂME (BELLE)
Selon l’expression de Hegel, la « belle âme » est la « bonne conscience » morale qui se satisfait de sa pureté d’intentions au lieu d’agir. A l’inverse de l’authentique conscience morale capable d’affronter le monde tel qu’il est réellement, la « belle âme » n’est qu’une « vapeur sans forme qui se dissout dans l’air » {Phénoménologie, II, 189).
AMICUS PLATO...« Je suis l’ami de Platon, mais plus encore celui de la vérité » est une phrase employée par Aristote lorsqu’il se voit contraint de critiquer les positions philosophiques de son ancien maître Platon. L’expression illustre la distinction entre l’ordre humain et psychologique de l’affection et celui, plus métaphysique, de la vérité.
AMITIÉ
Sentiment de sympathie réciproque entre deux ou plusieurs personnes indépendant d’un lien sexuel ou de parenté. ♦ Fruit de l’habitude et de la volonté, l’amitié, selon Aristote - qui l’élève au rang de vertu - est une disposition permanente découlant d’un choix libre et réciproque. En outre, c’est pour lui-même qu’autrui est aimé et non par calcul plus ou moins égoïste : Aristote disqualifie les amitiés établies sur l’utilité et le simple plaisir. Cette conception très forte de l’amitié se retrouve chez Montaigne : « En la vraie amitié, dit-il, je me donne à mon ami plus que je ne le tire à moi. » Sous cette forme, l’amitié est considérée depuis l’Antiquité comme l’expression même du bonheur. ♦ L’intimité propre à l’amitié où les amis se retrouvent à l’écart du monde, conception notamment représentée par Rousseau à l’époque moderne, ne doit pas masquer son importance politique. Pradines montre qu’il s’agit de dépasser l’ordre de la simple sympathie entre semblables, propre aux sociétés grégaires : l’amitié, dans les sociétés humaines, donne lieu à l’ordre du droit, grâce, dit-il, à la « collaboration des différences », sous l’égide de la raison. ♦ La dimension politique de l’amitié se retrouve chez H. Arendt qui affirme, avec les Grecs de l’Antiquité, que l’amitié entre citoyens est la condition du bien-être dans la cité : le monde commun doit devenir objet de dialogue*, sans quoi il demeure inhumain. Grâce au « parler-ensemble », observe-t-elle, nous humanisons le monde et apprenons à être humains.
AMNÉSIE
Il faut la distinguer de l’oubli dans la mesure où elle est pathologique : il s’agit en effet d’une perte partielle ou totale de la mémoire, coexistant avec un état satisfaisant des autres fonctions mentales et dont l’origine peut être aussi bien psychique (refoulement) que physiologique (vieillissement, traumatisme). ♦ On prendra toutefois garde que certaines « amnésies », repérées par Freud (amnésie de réveil, amnésie infantile) font partie du fonctionnement psychique normal et n’ont donc rien de pathologique.
AMORAL, AMORALISME
Est amoral tout ce qui est sans relation avec la morale. En ce sens, on dira par exemple que la science, ou la vie organique, est amorale. Mais le terme, souvent employé pour parler d’une personne dépourvue de sens moral, désigne dans ce cas l’immoralité de celle-ci ou de sa conduite. Comme doctrine, l’amoralisme rejette toute considération de nature morale.
AMOUR
Ce terme renvoie à une pluralité de sentiments, qui diffèrent tant par leur objet (amour maternel, amour de la patrie...) que par leur finalité (du désir sexuel au « pur amour » des théologiens qui, totalement désintéressé, vise Dieu lui-même). Leur seul point commun serait de porter le sujet vers un « objet » admis comme « bon ». ♦ Freud montre que la sexualité est au fondement de toutes ces manifestations, mais il ne fait là que reprendre une tradition philosophique : Empédocle voyait déjà dans l’amour sexuel (ou « concorde ») le principe d’union momentanée des éléments du Monde ; Platon*, dans Le Banquet, y repère le point de départ des formes les plus intellectualisées ou mystiques de l’amour ; les scolastiques l’isoleront sous l’appellation d’« amour de concupiscence » pour l’opposer à l’« amour de bienveillance » qui a seul, à leurs yeux, une portée morale. On admet en général que l’amour s’oppose à l’égoïsme (cf. Leibniz : « Aimer, c’est se réjouir du bonheur d’autrui »), mais cela fait évidemment problème dans les cas d’amour captatif ou possessif, où le sujet aimant paraît ne tenir compte que de son propre besoin.
AMOUR-PROPRE
A côté de la signification usuelle - opinion favorable que l’on veut donner de soi-même aux autres -, le sens philosophique de la notion s’amorce avec La Rochefoucauld qui croit voir dans ce sentiment l’origine intéressée de toutes les actions humaines, et se précise avec Pascal et Rousseau. L’apparition de l’amour-propre, sentiment égoïste - se substituant au légitime amour de soi -, traduirait, selon Pascal, l’état de péché par la « mort de Dieu » en l’homme, et selon Rousseau, le passage de l’état de nature à l’état de société. Pour ces deux auteurs, l’amour-propre serait, de toute manière, la source de tous les malheurs de l’humanité.
ANALOGIE
Au sens propre, c’est l’identité du rapport unissant deux à deux les termes de deux ou plusieurs couples - d’où, par excellence, la proportion mathématique. Dans un sens plus concret, l’analogie évoque l’identité du rapport entre des êtres ou des phénomènes. Dans les deux cas, le « raisonnement par analogie » conclut, à partir de la connaissance d’un terme et de la relation qui en unit deux autres, à celle du quatrième. De façon moins stricte, on utilise le mot pour désigner une ressemblance entre deux termes ou objets. Mais pour qu’il y ait analogie véritable il faut au moins quatre éléments, faute de quoi la simple ressemblance n’aboutit qu’à des pseudoraisonnements sans rigueur.
ANALYSE(Du verbe grec analuein, délier.) Démarche fondamentale de la pensée, qui décompose un tout défini en ses éléments. Descartes, en envisageant de « diviser chacune des difficultés que j’examinerais en autant de parcelles qu’il se pourrait, et qu’il serait requis pour les mieux résoudre », en fait le deuxième précepte de sa méthode, qui doit lui permettre de découvrir des idées simples. On distingue classiquement une analyse « matérielle » (en chimie par exemple) d’une analyse « idéale » ou « mentale » (analyse d’un concept). ♦ Par extension, on évoque également l’analyse pour désigner toute méthode cherchant à expliquer un objet ou un événement par ses composants ; on remarquera que dans ce cas, le repérage des éléments constitutifs dépend en général de choix implicites : c’est notamment ce qui a lieu dans l’analyse d’un fait historique, où les principes de l’historien renvoient à différentes conceptions du déterminisme*. ♦ En mathématiques, le terme a un double sens : chez les Grecs, il désigne une méthode de démonstration qui part de la conclusion pour adopter une démarche régressive ; en mathématiques contemporaines, il englobe l’ensemble des disciplines qui, par opposition à l’algèbre (elle-même nommée analyse au xviie siècle), étudient les relations de dépendance entre diverses grandeurs (calcul infinitésimal, théorie des ensembles, etc.). ♦ En psychanalyse, le mot équivaut à une cure « analytique ».
ANARCHIE, ANARCHISME
L’anarchie est l’état de désorganisation d’une société privée de gouvernement. L’anarchisme, en tant que doctrine, rejette l’autorité de l’État et de l’Église (« Ni Dieu ni maître ») mais ne renvoie pas à l’idée d’anarchie au sens de désordre car celui-ci est alors considéré comme le résultat d’un excès d’autorité. Il affirme la valeur souveraine de l’individu et prétend que les hommes, bons par nature, peuvent s’organiser eux-mêmes, librement, en communautés plus ou moins vastes, selon un mouvement ascendant à partir de l’entreprise jusqu’à la commune et au-delà. Ces associations libres - et révocables -sont à la base du fédéralisme que préconisent par exemple Proudhon, le « père de l’anarchisme » moderne, et aussi Bakounine, principal représentant du nihilisme russe.