ALAIN : LA RAISON DOIT PARFOIS S'INCLINER

ALAIN : LA RAISON DOIT PARFOIS S'INCLINER

Même si l'on rejette l'irrationnel, même si l'on pose que le monde est intégralement intelligible, il nous faut reconnaître des limites à la raison : car la raison ne saurait donner raison de l'existence même du monde.

« Il y a des choses qu’il faut bien accepter sans les comprendre ; en ce sens, nul ne vit sans religion. L’Univers est un fait ; il faut ici que la raison s'incline ; il faut qu’elle se résigne à dormir avant d'avoir compté les étoiles. L’enfant s'irrite contre un morceau de bois ou contre une pierre ; beaucoup d'homme blâment la pluie, la neige, la grêle, les vents, le soleil ; cela vient de ce qu’il n’ont pas bien compris la liaison de toutes choses ; ils croient que tous ces faits dépendent de décrets arbitraires, et qu’il y a au monde un capricieux jardinier qui peut arroser ici ou là ; c’est pourquoi ils prient. La prière est l’acte irréligieux par excellence. Mais celui qui a un peu compris la Nécessité, celui-là ne demande plus de compte à l’Univers. Il ne dit pas : pourquoi cette pluie ? pourquoi cette peste ? pourquoi cette mort ? Car il sait qu’il n’y a point de réponse à ces questions. C’est ainsi, voilà ce que l'on peut dire. Et ce n'est pas peut dire. Exister, c'est quelque chose ; cela écrase toutes les raisons. »

Alain

ordre des idées

1) Idée centrale : la raison ne peut tout expliquer.

2) Ce que la raison ne peut expliquer : l'existence, c'est-à-dire le fait que les choses soient ce qu'elles sont, le pourquoi existentiel des faits (la raison peut seulement expliquer, comprendre comment ils se produisent, l'enchaînement des causes et des effets). — Un exemple majeur : la raison ne peut expliquer pourquoi l'Univers existe.

3) La raison laisse alors place à la vraie religion, c'est-à-dire à « accepter ces choses sans les comprendre », à reconnaître leur Nécessité.

4) Par opposition, Alain définit la fausse religion : elle consiste à refuser la nécessité des choses, à croire que les choses pourraient être autres qu'elles sont, que leurs cours peut être changé par des « décrets arbitraires » d'êtres supérieurs (les dieux ou Dieu).

— Une remarque : paradoxalement, la prière (qui a pour de provoquer ces décrets arbitraires) est donc contraire au véritable sentiment religieux.