ALAIN : JUSTICE MUTUELLE ET JUSTICE DISTRIBUTIVE
ALAIN : JUSTICE MUTUELLE ET JUSTICE DISTRIBUTIVE
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Pour Aristote, la justice consiste dans une égale répartition des biens. Mais il existe deux sortes d'égalités : l’égalité « arithmétique » (la même chose pour chacun) et l’égalité « géométrique » ou « proportionnelle » (à chacun selon son mérite). Il existera donc deux sortes de justices, une justice « commutative » ou « mutuelle », fondée sur la première égalité, et une justice « distributive », fondée sur la seconde.
« Quelle étonnante ambiguïté dans la notion de Justice. Cela vient sans doute principalement de ce que le même mot s’emploie pour désigner la Justice Distributive et la Justice Mutuelle. Or ces deux fonctions se ressemblent si peu que la première enferme l’inégalité et la seconde l’égalité. Je fais un marché avec un autre homme ; et, avant de conclure, je m’occupe à rechercher s’il n’y a point quelque inégalité entre nous, qui le détermine à faire contrat avec moi. Par exemple, si au sujet du cheval que je lui vends, il ignore quelque chose que moi je sais, je dois 1 ’instruire avant qu ’il signe. Egalité ; justice mutuelle. Je suis membre d’un jury pour les chevaux ; j ’ai à dire quel est l’éleveur qui mérite la récompense ; je la lui donne. Inégalité ; justice distributive. [...] J’examine des candidats pour l’Ecole polytechnique. J’ai choisi des problèmes difficiles ; ce sont mes armes, ce sont mes pièges, et malheur aux vaincus. J’ai de bons postes à donner, mais en petit nombre. Aux plus forts. Et je donne des rangs. Inégalité ; justice distributive. [...] Les deux fonctions sont nécessaires. Mais il semble que la Justice Distributive a pour objet l’ordre, et n’est qu’un moyen, tandis que la Justice Mutuelle est par elle-même un idéal, c’est-à-dire une fin pour toute volonté droite. »
Alain, Propos, Pléiade, I, p. 132.
ordre des idées
1) Une observation : Le mot de justice désigne deux réalités différentes.
2) Analyse des deux justices : a) La Justice Mutuelle : elle consiste à établir des rapports d’égalité dans les échanges (égalité entre les personnes qui échangent et les biens échangés). — Exemple : l’acheteur et le vendeur d’un cheval doivent en avoir une égale connaissance. b) La Justice Distributive : elle consiste à répartir des biens ou des dignités, non plus de manière égale pour tous, mais en fonction du mérite de chacun. Elle est donc inégale. —Deux exemples : Dans lés concours on ne distribue pas les prix ou les places à tous les participants, mais aux meilleurs.
3) Remarque finale : Ces deux justices sont nécessaires dans la société. Mais la mutuelle est supérieure à la distributive (car elle établit une totale et parfaite égalité entre les hommes). Elle est donc la justice idéale, une fin en soi, alors que la distributive ne vise qu’un certain ordre (social), et par là n’est qu’un moyen.
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