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Alain CAVALIER

Remarqué en 1962 avec Le Combat dans l’île, consacré avec Thérèse vingt-quatre ans plus tard, Alain Cavalier a connu un itinéraire quelque peu singulier. Ayant achevé ses études à l’IDHEC en pleine éclosion de la Nouvelle Vague, Cavalier sut profiter de cette soudaine liberté d’expression accordée aux réalisateurs. Il mit en scène deux films qui, indirectement, traitaient de la guerre d’Algérie, fait rare et courageux à l’époque. Le Combat dans l'île, qui montrait la fureur de détruire d’un jeune adepte français du fascisme (Trintignant y était prodigieux), était une véritable leçon de mise en scène: efficace, bien rythmé, sobre, ce combat entre trois êtres dissemblables était passionnant et se démarquait des produits très embourgeoisés de ses jeunes confrères. Dans sa version intégrale (le film fut émasculé suite au procès que lui intenta l’avocate qui lui servit de modèle), L'insoumis est un chef-d’œuvre de récit parfaitement servi par la réalisation. Une fois de plus, Cavalier dépeignait des personnages proches de l’O.A.S., dont l’erreur de choix était manifeste. Le film dérangea. On attendait alors beaucoup de ce cinéaste. Il déçut cependant avec Mise à sac: quoique bien réalisée, cette histoire de hold-up d’une ville entière fondée sur une vengeance personnelle fut trop conventionnelle. La Chamade, qui lui succéda, n’eut pour charmes que ceux qu’offre en général l’univers confiné de Françoise Sagan. Cavalier paraissait alors un jeune réalisateur bien rangé. Survint un drame dans sa vie qui entraîna un revirement radical dans sa carrière, qu’il ne reprit qu’après sept ans d’interruption, et cela dans un registre qui se situe aux antipodes du précédent. Les quatre films qui suivirent, tournés sans grande vedette, avec des budgets restreints, à partir de sujets peu populaires, tendent tous vers une certaine épuration: épuration des sentiments épuration du style. Un premier sommet fut atteint avec Un étrange voyage, qui valut à son auteur le prix Louis-Delluc. Puis, six ans plus tard, à la surprise générale, y compris celle de son auteur, Thérèse triomphe à Cannes (prix du Jury) et aux Césars. Cavalier y reprend le style magistral de Martin et Léa et se livre à une réflexion sur son éducation religieuse à travers le mysticisme de Thérèse Martin, qui laisse son auréole au vestiaire et nous montre de l’intérieur sa passion quasi érotique pour Jésus. Thérèse est un film qui s'élance vers l’intangible à partir d’une autre épuration, celle de l’artifice religieux. Cavalier y renouvelle l’approche du sacré au cinéma en le mariant au séculier. Construit en saynètes entrecoupées de fondus au noir (réalisés au tournage et non au laboratoire), éclairé avec précision et discrétion, ancré dans des décors limités à leur plus simple signifiance, cadré avec sobriété, les personnages se profilant sur un fond peint en gris, Thérèse est le reflet d’une démarche intérieure qui tend à cerner l’essence même d’une attitude mystique. En dirigeant ses actrices dans le sens aussi bien du quotidien religieux que de l’extase sensuelle provoquée par l’abandon total de ces femmes au Christ, Cavalier est parvenu à rendre son regard autant objectif que soumis, lui aussi. Ce faisant, il livre une œuvre d’exception dans l’histoire du cinéma français. — Entretiens par Françoise Audé, Jean-Pierre Jeancolas et François Ramasse, Positif, n° 240, mars 1981 ; par Jacques Frenais et Dominique Rabourdin, Cinéma, n° 268, avril 1981 ; par Guy Allombert, La Revue du cinéma, n° 419, septembre 1986; par Pascal Bonitzer et Serge Toubiana, Cahiers du cinéma, n° 387, septembre 1986 ; par François Ramasse, Positif, n° 308, octobre 1986. — L'Insoumis, L'Avant-Scène cinéma, n° 41, novembre 1964.

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