Alain - Alembert - ALGÈBRE - ALIÉNATION
- Alain
(Émile Chartier, dit Alain, 1868-1951.) Philosophe, journaliste et écrivain français. Après avoir enseigné en province, il est de 1909 à 1934 professeur au lycée Henri IV où il a sur ses auditeurs une profonde influence. ♦ Élève de Lagneau, il veut rendre tout son éclat à une philosophie conçue comme instrument de libération, par la maîtrise de l'esprit sur les désordres de la passion et de l'imagination. Rationaliste, il accorde, dans la perception, une importance décisive au jugement qui libère des apparences subjectives de la sensation : « un objet est pensé, et non pas senti » ; le monde objectif est alors un ensemble de relations nécessaires conçues par l'entendement. La victoire de la raison passe par la soumission du corps (que l'art réalise d'ailleurs à sa manière en exprimant dans une forme l'émotion disciplinée) : il faut éliminer toutes les inerties qui, si l'on n'y prend garde, prennent le masque de la pensée. Aussi Alain récuse-t-il l'inconscient freudien qui n'est, pour lui, que « pensée » du corps (donc absence de pensée). Tel est le sens de son volontarisme - ascèse intellectuelle que peut résumer la formule : « Penser c’est dire non. » Alain ne cesse de mettre en garde contre les puissances d'asservissement : méfiant à l'égard du pouvoir politique anonyme, il refuse de s’incliner devant la réalité collective qui ne refléterait que la nécessité. Sa conception de la démocratie (celle du radicalisme libéral contemporain de l'Affaire Dreyfus) est faite de vigilance à l'égard de tout ce qui pourrait remettre en cause la responsabilité et les prérogatives de l'individu. Il faut ainsi « ruser avec le corps social comme je ruse avec mon propre corps ».
♦ Les Dieux (1934). Cet ouvrage, sans doute l'un des plus importants et des plus significatifs d'Alain, rassemble une quarantaine de brefs essais abordant, souvent par le biais d'apologues, les rapports entre vérité et erreur dans les domaines des passions, des idées, des sentiments, des figures mythiques, etc. La pensée de l'auteur s’y montre prête à accueillir des paradoxes, pourvu qu'ils mènent à une vérité, car, dit-il, l'erreur elle-même peut nous aider à découvrir cette dernière. A l'image de Socrate, Alain entend montrer au lecteur qu'il est possible de penser par soi-même, et que philosopher « de la bonne manière » c’est toujours le faire « pour son propre salut ». Aussi l'analyse critique à laquelle il soumet dans ce volume aussi bien les légendes et croyances populaires que les figures plus orthodoxes du héros, du saint ou du Diable parvient-elle à tout coup à y débusquer une part de vérité sur l'homme lui-même. Autres œuvres : Propos (1906-1935) ; Système des Beaux-Arts (1920) ; Mars ou la guerre jugée (1921) ; Les Idées et les âges (1927) ; Idées (1932).
- Alembert
(Jean Le Rond d’, 1717-1783.) Mathématicien et philosophe français né et mort à Paris ; l'un des plus grands savants du xviiie siècle, dont le rayonnement s'étendit à toute l'Europe. Ami de Frédéric de Prusse et de Catherine de Russie, il appartenait à de nombreuses académies et sociétés savantes. ♦ Sa contribution à la science se manifeste en mécanique - avec le principe qui porte son nom - et il apparaît comme l'un des fondateurs de la physique mathématique. Ses découvertes en mathématiques sont également de première importance, notamment dans le domaine du calcul différentiel. Moins original en matière de philosophie, il veut s'inspirer tout à la fois de Bacon, de Descartes, de Newton et de Locke. Il met l'expérience à l’origine de toutes nos connaissances et il affirme que la raison réalisant le progrès du savoir permet de lutter efficacement contre les préjugés et les fanatismes. Volontiers prudent et sceptique quant aux possibilités de la métaphysique, il annonce, en philosophie des sciences, le positivisme que défendra Auguste Comte. Cofondateur avec Diderot de l'Encyclopédie dont il rédigea le Discours préliminaire en 1751, il dirigea la partie scientifique de cette vaste entreprise. Son article sur « Genève » déclencha une vive réplique de Rousseau [Lettre à d'Alembert sur les spectacles, 1758).
Œuvre principale : Mélanges de littérature et de philosophie (1759-1767).
- Alexandrie (école d’)
L’école de mathématique d’Alexandrie dut son existence à Euclide, qui enseigna au Musée, mais dont l’œuvre immense ne nous est parvenue que partiellement. A partir du Ier siècle, l’intense activité intellectuelle de la cité va se cristalliser d’abord autour de Philon le Juif (40 av. J.-C. - 40 ap. J.-C.), qui fut au départ le principal représentant de l’école philosophique d’Alexandrie. La communauté juive installée dans cette ville, très marquée par la culture grecque, fut pour beaucoup dans ce renouveau de la pensée : c’est ainsi qu’on lisait la Bible dans sa traduction grecque. Ce fut le cas de Philon - précurseur du néo-platonisme* -dont l’œuvre philosophique, pleine d’allégories, est à la base de commentaires de la Bible et annonce dans une certaine mesure la scolastique future, puisque, pour la première fois semble-t-il, la philosophie devient la servante de la théologie.
La pensée de Philon se perpétua dans l’école théologique - le didascalée - fondée à la fin du IIe siècle et dont les maîtres les plus illustres furent Clément et Origène. Le théologien chrétien Clément d’Alexandrie (150-215) mit au service de sa foi une immense culture grecque et hébraïque « De même que la Loi, dit-il, a préparé les Juifs au Christ, la philosophie y a préparé les Grecs ». Son successeur Origène (185-254), interprétant l'Écriture dans un sens restrictif, professa l’ascétisme le plus strict ; ses thèses seront d’ailleurs condamnées par le concile de Constantinople en 553. Dans leur ensemble, les penseurs d’Alexandrie (mathématiciens, astronomes, philosophes) ont servi de relais dans la transmission à l’Occident des idéaux de la culture hellénistique.
- ALGÈBRE
(D’un nom arabe.) Généralisation de l’arithmétique, qui traite des relations et des fonctions en représentant les quantités (connues et inconnues) par des signes abstraits, en général alphabétiques. ♦ Au milieu du xixe siècle, le mathématicien anglais Boole (1815-1864) utilise l’expression algèbre de la logique pour désigner la mise en forme de la logique classique au moyen de symboles algébriques. Une telle transposition aboutit à transformer la logique d’Aristote en un « calcul des classes » (qui considère l’extension des concepts), et à l’élargir dans la mesure où tout raisonnement ne s’y ramène plus au syllogisme et où l’on applique à la pensée la théorie des probabilités.
- ALIÉNATION
♦ Initialement, ce terme juridique désigne la cession d’un bien à une autre personne. ♦ La philosophie du xviiie siècle en a généralisé le sens, pour évoquer la situation d’un homme qui dépend d’un ou de plusieurs autres. Ainsi Rousseau repère-t-il une aliénation négative, synonyme de socialisation mal faite (deuxième Discours) : c’est pour la remplacer, dans le Contrat social, par une aliénation féconde qui transforme l’indépendance naturelle de l’individu, limitée dans ses effets, en liberté civile ou politique grâce à laquelle le citoyen, totalement intégré dans le corps social, bénéficie d’une égalité et d’une sécurité réelles. L’écho de ce double sens se retrouve dans la pensée de Hegel : l’aliénation y marque d’abord le malheur de la conscience séparée d’elle-même, pour être ensuite le mouvement nécessaire, à travers l’extériorité du monde objectif et les réalisations successives de l’art, de la religion et de la philosophie, de la reconquête de sa propre essence. ♦ Dans les textes de jeunesse de Marx, l’aliénation est radicalement économique et sociale : c’est parce que le prolétaire n’a pas d’autre bien que sa force de travail, que son labeur tombe sous la domination d’autrui ; il est alors séparé de son produit et « le travail aliéné (...) est mortification ». Religion, morale, politique ne seront que des répétitions de cette aliénation fondamentale, qui ne saurait disparaître que par la suppression de l’économie capitaliste, s’il est vrai que « pour nous, dans notre société, avec les formes d’échanges et la division du travail qui y régnent, il n’y a pas de rapport social - rapport avec l’autre - sans une certaine aliénation » (H. Lefebvre). ♦ La psychiatrie du xixe siècle évoquait volontiers une « aliénation mentale » - trouble profond du psychisme qui rend l’individu indifférent ou insupportable à la société où il vit - mais son repérage était beaucoup plus judiciaire que médical. La réflexion qu’a développée l’antipsychiatrie sur la « folie » tend en revanche à montrer que, pour penser à fond l’aliénation, on ne devrait pas séparer arbitrairement ses dimensions mentale et sociopolitique.
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