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affecté

L’affectation est un vice du style : elle relève donc essentiellement de l’élocution; mais elle caractérise aussi tout un comportement. Au départ, le défaut vient, en quelque sorte, d’un excès de bonne volonté : l’orateur voulant faire trop bien. Il en résulte un tourment qui dégénère dans l’œuvre. Quintilien est très dur contre cet excès.

C’est un vice, écrit-il, qui corrompt généralement toute la diction. Car les expressions enflées, ou trop délicates, ou trop fleuries, ou trop diffuses, ou trop gaies, ou trop hardies sont comprises sous ce nom. En un mot, on appelle affectation tout ce qui est au-delà de la perfection, tout ce qui marque plus d’esprit que de jugement, et où l’on se laisse tromper par l’apparence du beau. L’éloquence n’a pas de vice plus dangereux; car on évite les autres, mais celui-ci on le recherche, on s’en fait honneur. Or il est proprement dans l’élocution. [...] Ce que j’entends par un style corrompu et affecté consiste particulièrement dans l’impropriété des termes, dans leur vaine abondance, dans un tour de phrase obscur, dans une composition lâche et efféminée, dans une recherche puérile de mots ambigus, ou qui aient une chute, une terminaison semblable. Tout ce qui est affecté est toujours faux [...] Enfin l’on corrompt la diction par autant de manières qu’il y en a de l’embellir.

 

Comme toujours, Quintilien est précis et, cette fois, il approche la profondeur. On a l’énumération de presque tous les points matériels susceptibles d’être saisis par l’affectation, et l’indication de ce en quoi consiste ce vice. L’important est la conscience, manifestée par le rhétoricien, du caractère spécial de ce défaut : à la fois consubstantiel aux qualités requises, et inculqué dans le désir même de l’orateur. L’affectation est donc un danger quasiment moral ; c’est aussi un travers bien difficile à identifier avec objectivité, dans le jeu des diverses tendances esthétiques qui se partagent le champ rhétorique, chacun pouvant être tenté de qualifier d’affecté le style qu’il ne pratique pas lui-même. Un autre intérêt de la remarque de Quintilien apparaît de cet étrange au-delà de la perfection : c’est penser le processus de création rhétorique comme un continuum quasiment ininterrompu, semblable à la magie du divin ou du vivant. C’est dire aussi la force, ou la fragilité, de l’activité rhétorique.

=> Éloquence, orateur; élocution, action; composition, diction; style, vices, qualité; enflure.

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