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ADORNO (vie et oeuvre)

Philosophe allemand, né en 1929. Il fut l'assistant d'Adorno à l'Institut fin. Sozialforschung de Francfort. IL sera influencé par les idées des membres de «L'école de Francfort», dont Adorno, Horkheimer et Marcuse sont les grands représentants. En 1983, il obtient la chaire de professeur ordinaire de philosophie et de sociologie de l'Université de cette même ville. Jürgen Habermas, sociologue et philosophe, est souvent considéré comme le continuateur de la théorie critique de l'École de Francfort. Il a toujours soutenu la cause d'une rationalité critique dans le contexte de domination scientifico-technique du monde moderne.

VIE

Né entre les deux guerres, le philosophe allemand Jürgen Habermas est de ces intellectuels convaincus que la pensée n'est jamais innocente et qu'elle endosse même une certaine responsabilité dans les désastres du siècle.

Le continuateur de Francfort
Né à Düsseldorf en 1929, Jürgen Habermas fait des études de philosophie à Göttingen, à Zurich et à Bonn. En 1954, il passe son doctorat de philosophie avec une thèse consacrée à Schelling. De 1956 à 1959, il est l'assistant de Theodor Adorno à l'Institut pour la recherche sociale de l'Université de Francfort. En 1961, il obtient un poste de professeur à l'Université de Heidelberg. En 1965, il retrouve Adorno à l'Université de Francfort, où il est nommé professeur de philosophie et de sociologie.

Le «second Habermas»
En 1971, il quitte l'université. Alors que sa notoriété est devenue internationale, il se heurte, chez lui, à l'hostilité des pouvoirs publics, qui le considèrent comme un gauchiste. A partir du début des années quatre-vingt, il cherche dans la communication une nouvelle possibilité de rationalité. En 1983, après lui avoir refusé à deux reprises une chaire de professeur honoraire, l'université le nomme de nouveau professeur à Francfort.

OEUVRES

L'oeuvre d'Habermas est principalement constituée d'articles ou de courts essais rassemblés en recueils. Certains ont cependant exercé une influence notoire sur la pensée politique de notre temps. Ses derniers textes proposent une analyse normative de la communication entre les hommes.

Connaissance et intérêt (1965)
Dans ce texte, Habermas s'en prend vivement au néo-positivisme scientiste (représenté notamment par Karl Popper) qui réserve le label scientifique aux mathématiques et aux sciences de la nature et veut faire de la physique le modèle de toute science. Pour Habermas, rien ne justifie une telle suprématie et il est du devoir du philosophe d'élargir cette conception de la science afin d'y réconcilier connaissance et intérêt.

La Technique et la science comme idéologie (1968) L'ouvrage étudie les rapports entre la politique, la science et l'opinion publique dans le capitalisme avancé. L'interrogation d'Habermas (qui rejoint certains thèmes développés par Herbert Marcuse) porte principalement sur la progressive substitution de techniques issues du monde mécaniste et marchand, à l'action démocratique de citoyens décidant ensemble de leur avenir commun. La tâche de la réflexion est alors de proposer une théorie critique de l'idéologie technocratique, qui montre le bien-fondé d'une pratique sociale démocratique et égalitaire.

Théorie de l'agir communicationnel (1981)
Il y a deux types de discours: l'agir stratégique, par lequel on cherche à exercer une influence sur l'autre (publicité ou propagande politique, par exemple) et l'agir communicationnel, par lequel on cherche simplement à s'entendre avec l'autre de façon à interpréter ensemble une situation et à s'accorder sur la conduite à tenir. Toute vérité doit pouvoir être examinée de manière critique, et éventuellement remise en cause: aucune vérité n'est définitivement acquise.

Morale et communication (1983)
Il s'agit d'une «éthique de la discussion» qui doit garantir entre le locuteur et l'interlocuteur une authentique compréhension mutuelle. Pour que mon énoncé soit acceptable, il faut qu'il soit sensé, qu'il soit compréhensible pour mes interlocuteurs, qu'il n'exprime ni autorité, ni intimidation, ni menace et qu'il soit susceptible d'être admis par chacun comme valable.

EPOQUE


L'École de Francfort
Avant la Deuxième Guerre mondiale, nombre de philosophes ont éprouvé la conscience aiguë qu'ils pouvaient unir leurs forces pour essayer de répondre aux menaces du temps: ils ont ainsi formé des communautés, des cercles ou des écoles. En France, on pour- ait évoquer le Collège de sociologie fondé par Georges Bataille; en Autriche, le cercle de Vienne avec Otto Neurath et Rudolph Carnap; en Allemagne, l'École de Francfort avec Max Horkheimer et Theodor Adorno.

Le renouveau du politique
Dès 1931, l'Institut pour la recherche sociale de l'Université de Francfort rassemble des chercheurs venus d'horizons divers, mais dont la volonté commune est de dénoncer toutes les formes de domination que sécrètent les sociétés modernes, que celles-ci soient socialistes ou capitalistes. Lorsque Habermas rejoint le mouvement, celui-ci concentre ses critiques sur le modèle technocratique de la société post-industrielle et influence profondément les contestations estudiantines qui s'élèveront en Europe et aux États-Unis dans les années soixante.

APPORTS

La pensée d'Habermas, opposée aussi bien à la vision technocratique du monde qu'au marxisme bureaucratique, essaie de dessiner un modèle démocratique du consensus qui implique une éthique de tolérance et de libre communication entre les citoyens.

La démystification de la technique.
En fidèle héritier des thèmes et thèses de l'École de Francfort, Habermas critique la raison technicienne qui gouverne aujourd'hui les sociétés post-industrielles car elle a trahi les idéaux des Lumières: la tolérance et l'émancipation. Science et technique sont devenues une nouvelle idéologie , une nouvelle légitimation de la domination. Dans tous les secteurs de la vie sociale fleurissent les experts qui, peu à peu, substituent leurs «conclusions» aux décisions des politiques. Si nous ne voulons pas devenir à terme les esclaves de la technique, nous avons intérêt à «reprendre en main» notre histoire et à ouvrir un vaste débat sur les dangers mortels que la technique fait peser sur l'humanité .

Actualité – postérité: l'agir communicationnel.
Par le lien qu'instaure entre les individus la communication de tous les jours, on peut redécouvrir la raison émancipatrice des Lumières et restaurer la rationalité dans le monde contemporain. «La formation d'une volonté politique, liée au principe d'une discussion générale et exempte de domination», doit permettre de relever le défi de la technique. En appliquant au domaine du politique le modèle que prescrit la «raison communicationnelle» (celle qui est à l'oeuvre dans la discussion sensée), Habermas estime que l'on pourrait sortir la démocratie des ornières dans lesquelles le complexe technico-scientifique l'a fait tomber.

ADORNO Theodor Wiesengrund. Philosophe, sociologue, musicographe allemand. Né à Francfort-sur-le-Main le 11 septembre 1903, mort le 6 août 1969 à Zermatt. Fils d’un riche négociant en vin et d’une célèbre cantatrice, le jeune Adorno manifeste très tôt des aptitudes pour la musique. En 1923, il soutient une thèse de doctorat sur Husserl à l’université de Francfort et se rend à Vienne l’année suivante pour étudier la composition musicale sous la direction d’Alban Berg. La musique contemporaine est alors au centre de ses préoccupations. A l’avènement du nazisme, Adorno émigre en Angleterre, puis aux Etats-Unis (1938), où il collabore aux travaux de l’institut de Recherches sociales « Institut für Sozial-forschung », reconstitué par ses fondateurs à l'université de Columbia. Il consacre ces années d’exil à la rédaction de son premier ouvrage philosophique écrit en collaboration avec Max Horkheimer, Dialectique des Lumières [1947] et d’une étude sociologique sur La Personnalité autoritaire [The authoritarian Personality, 1950]. En 1949, Adorno regagne Francfort et reconstitue l’institut de Recherches sociales en lui donnant un élan nouveau. Ses écrits se multiplient: Philosophie de la musique nouvelle (1949), Critique de la culture et Société
[1951], Essai sur Wagner [1952], etc., tous guidés par un même dessein : l’analyse de la « consommation » culturelle au sein de la société industrielle. A partir de 1960, Adorno est étroitement mêlé aux diverses formes de contestation en République fédérale, ce qui lui vaut d’occuper le devant de la scène lors des mouvements estudiantins des années 1968-69. Il laisse inachevée sa Théorie esthétique qui paraîtra après sa mort, en 1970. Une édition complète de ses œuvres, prévue en vingt volumes, est actuellement en cours.
Extraite, originellement, du titre d’un recueil de Max Horkheimer, l’expression « Théorie critique » résume l’ambition de ce que l’on a appelé « l’Ecole de Francfort », dont le nom est associé à celui d’Adorno : récusant « l'Illusion marxiste » — croire que les contradictions d’un système le font évoluer — comme l'Illusion de « l’Aufklärung » — croire au rôle libérateur de la raison —, il s’agit de dévoiler, avec une sorte de « pessimisme utopique », les masques sous lesquels la société cache ses rouages. L’esthétique d’Adorno est l’application directe de ces principes. C’est en effet en matière artistique que la société exerce la manipulation la plus efficace, dans la mesure où elle parvient à occulter « la protestation radicale » qui est le propre de toute œuvre authentique : il appartient donc à la théorie critique de percer les interprétations mensongères pour mettre à jour la vérité de l’Art, c’est-à-dire son caractère irrévocablement révolutionnaire. Adorno ouvre dans ses écrits une approche « politique », au sens le plus noble du terme, de l’esthétique.




Adorno

(Theodor, 1903-1969.) Membre fondateur de l'École de Francfort, il doit s'exiler, en raison de ses origines juives, dès 1933, d'abord en Angleterre, puis aux États-Unis. Revenu à Francfort en 1950, il est jusqu'à la fin de sa vie un porte-parole majeur de la gauche allemande. ♦ Très tôt passionné par la musique, il y consacre d'importantes études (Philosophie de la nouvelle musique, Essai sur Wagner). En 1931, il soutient sa thèse sur Kierkegaard, mais sa première œuvre importante, Recherches sur la personnalité autoritaire, ne paraît qu’en 1950. Marxiste, mais hostile à tout dogme, il emprunte aussi bien à Max Weber qu’à la psychanalyse ou à un Hegel corrigé (pour Adorno, la totalité n'est pas première ou dernière : elle s'élabore à partir du fragment). Sa réflexion sur l'art constitue sans doute la part la plus originale de son travail. Constatant que l'art moderne risque de n'être qu'une marchandise dans un univers de consommation d'où disparaît toute authenticité, Adorno affirme qu'il échappe malgré tout à une intégration totale dans la mesure où la création participe d'une position de négation critique. Quel que soit le degré d'aliénation* de la conscience, l'œuvre artistique témoigne de la réalité du désir et d’une capacité radicale de révolte. Contrairement aux esthéticiens marxistes « orthodoxes », d'abord attentifs au contenu, Adorno considère que c'est par leur forme autonome, étrangère à toute détermination idéologique immédiate, que les œuvres symbolisent le Non. ♦ Ce souci de la forme se retrouve en 1965 dans son essai consacré au Jargon de l'authenticité, dans lequel il reproche vigoureusement à Heidegger et Jaspers d'utiliser une langue encore imprégnée des vestiges idéologiques du nazisme. Heidegger est à nouveau contesté dans la première partie de la Dialectique négative (1966), dont certains brouillons étaient en chantier depuis 1937. C'est, cette fois, parce que l'Être est un concept vide. Les deux autres parties du livre exposent qu'une dialectique authentique ne doit affirmer, contrairement à Hegel, la possibilité d'aucune synthèse mais assurer, au contraire, la relance de la négativité, puisque Auschwitz, signifiant le mal absolu, révèle l'échec de la philosophie. Ce qui ne condamne pas à son abandon : il s'agit au contraire de « penser et agir afin qu'Auchwitz ne se répète pas ». Telle serait désormais la seule version possible d'un impératif catégorique.

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