adaptation
ADAPTATION nom fém. — Opération consistant à faire passer une œuvre d’un mode d’expression à un autre. L’adaptation vise à changer le support d’une œuvre de manière à en garder le contenu tout en modifiant la forme. On peut diviser les adaptations en deux catégories différentes en fonction de leur destination. Les unes, sans prétention artistique, ont pour but de porter une œuvre à la connaissance d’un public plus large. Ainsi, quand on adapte un roman en roman-photo ou en bande dessinée pour le rendre accessible soit à des adultes peu lettrés, soit à des enfants. L’adaptation voisine alors avec la vulgarisation. Les autres visent à transposer une œuvre dans un autre langage sans qu’il y ait changement qualitatif. C’est le cas quand on adapte un roman au théâtre : ainsi l’adaptation par Camus des Possédés de Dostoïevski ou de Requiem pour une nonne de Faulkner, l’adaptation par Gruber des Récits de la servante Zerline, épisode tiré des Somnambules de Hermann Broch. Cela concerne tout passage d’un genre à un autre, du roman au théâtre, mais aussi du roman ou du théâtre au cinéma ou à la télévision. Ainsi l’adaptation des contes de Maupassant à la télévision par Claude Santelli, les nombreux films réalisés d’après des œuvres « classiques » : le Faust (thème populaire allemand traité par de nombreux auteurs dont Goethe) mis en scène par Murnau, Werther de Goethe par Max Ophuls, Thérèse Raquin de Zola par Marcel Carné. L’adaptation peut voisiner avec la traduction ou avec la parodie. Dans cette perspective, l’adaptation fait partie de ce que l’on peut appeler les « arts de transcription » qui sont des véhicules de l’intertextualité et jouent sur les différents registres de réception et de lecture d’un même contenu. Il faut noter que la nature du support n’entre pas vraiment en jeu comme facteur artistique. Il y a de mauvaises adaptations de roman au théâtre ou au cinéma, il y en a de fort bonnes en bandes dessinées. Dans quelques cas, l’adaptation prend une telle distance avec l’œuvre initiale qu’elle devient une œuvre originale. Cela se produisit, par exemple, quand Césaire fut chargé d’adapter La Tempête de Shakespeare. Il greffa sur ce canevas les problèmes de la lutte des Noirs pour leur émancipation. L’œuvre étant devenue une autre pièce, Césaire la signa de son nom et en changea le titre qui devint Une tempête (Seuil, 1969). —► Traduction — Parodie
adaptation
■ Opération qui consiste à récrire une œuvre pour lui donner une forme nouvelle susceptible d’atteindre un autre public, souvent plus large.
Commentaire Toute œuvre peut être l'objet d’une adaptation : un roman, une pièce de théâtre peuvent changer de genre et devenir par exemple un scénario de film. Ainsi de nombreux romans ont-ils été portés à l’écran (ex. : la Chartreuse de Parme, le Rouge et le Noir). Une adaptation est souvent l’objet de contestation : les lecteurs, prisonniers de leur propre représentation, acceptent mal que leur soit imposée une autre version d’une oeuvre. De plus, une adaptation est parfois une interprétation qui, prenant beaucoup de libertés avec son modèle, aboutit à une création originale.
Citations Je ne vois pas, dans le travail de création d'un film, de différence entre scénario original et scénario adaptation. Faire un film, d’après un fait divers de dix lignes, ou d’après une nouvelle de quinze pages ou d’après un roman en deux volumes, n’est-ce pas la même chose ? (Jean Epstein, Ecrits sur le cinéma.}
Tous les coups sont permis, hormis les coups bas ; en d’autres termes, la trahison de la lettre ou de l’esprit est tolérable si le cinéaste ne s’intéressait qu'à l’une ou l'autre et s’il a réussi à faire : a) la même chose ; b) la même chose, en mieux ; cj autre chose, de mieux. (Jacques Bersani, « Littérature et cinéma », in la Littérature en France depuis 1945.)
adaptation, appropriation d'un être à un autre être ou au milieu dans lequel il vit. — Il existe deux grandes théories biologiques de l'adaptation : 1° celle de Darwin, qui insiste sur l'action du milieu, sur son pouvoir de sélectionner les organismes les mieux adaptés; 2° celle de Lamarck, qui insiste au contraire sur l'action de l'organisme pour s'adapter. Par exemple, selon Darwin, lorsque les terres d'Afrique se sont desséchées et que les feuilles des arbres sont devenues de plus en plus hautes (palmiers), seuls ont subsisté les animaux à long cou (girafes); les autres espèces sont mortes. Pour Lamarck, ce sont les animaux qui, à force de chercher en hauteur, ont vu, au cours de milliers de générations, leur cou s'allonger et sont « devenus » girafes. D'une façon générale, ce sont les problèmes suscités par l'adaptation au monde et, selon Bergson, une défaillance de l'adaptation «.instinctive » qui ont éveillé l'intelligence de l'homme : construction de maisons pour se défendre du froid, d'armes pour se défendre des bêtes. La psychologie, et notamment la psychanalyse, peut être un instrument utile pour s'adapter aux autres hommes et mener une vie socialement adaptée. Au niveau des relations humaines, l'adaptation se définit par le pouvoir de converser avec autrui et de le comprendre, au lieu de s'opposer à lui (conflit, jalousie, sentiment d'infériorité ou de supériorité qui nous conduit à vouloir « maîtriser » autrui, etc.).